Québec, le 15 septembre 1997 - Encore une fois, l'on a vu hier les premiers ministres du Canada anglais qui se sont livrés à une nouvelle dilution de la reconnaissance du Québec comme société distincte. Alors que Meech proposait d'introduire dans la Constitution un paragraphe spécifique sur la reconnaissance du caractère distinct du Québec, l'accord de Charlottetown en réduisait presqu'à néant la portée en l'intégrant à l'intérieur d'une clause Canada qui consacrait l'égalité des provinces. Le concept de société distincte a vécu. Il est maintenant remplacé par le caractère unique du Québec. Le caractère unique est banalisé, neutralisé, court-circuité par l'égalité des provinces à l'intérieur d'une clause Canada. Autrement dit, le Québec est unique mais néanmoins égal à toutes les autres provinces. Il s'agit d'une reconnaissance purement symbolique, cosmétique du Québec qui s'inscrit en faux contre les revendications historiques du Québec dans sa quête de pouvoirs particuliers et spécifiques lui permettant de protéger et de renforcer son identité. Plus de trente ans de lutte du Québec aboutissent à une reconnaissance cosmétique et symbolique de sa réalité par le Canada anglais.
Pour le moment, il ne s'agit que d'une simple déclaration d'intention du Canada anglais. Cela pourrait conduire un jour, rien n'est moins certain, à des amendements constitutionnels. Le petit paquet que nous offre le Canada anglais serait conditionnel à l'élection d'un gouvernement fédéraliste au Québec. « Les premiers ministres du Canada anglais ont succombé à la tentation de jouer les maîtres-chanteurs dont la démarche visait surtout à fournir des munitions à Daniel Johnson qui apparaît maintenant de plus en plus comme le candidat du Canada anglais » a déclaré monsieur Jacques Brassard. Les Québécois ne seront pas dupes d'un pareil chantage. Il faut faire confiance à leur remarquable flair politique. L'on voit mal comment les Québécois pourraient aujourd'hui accepter le concept de caractère unique du Québec qui est une version diluée et encore plus édulcorée du concept de société distincte que l'on retrouvait dans Charlottetown et qu'ils ont rejeté très majoritairement lors du référendum de 1992.
Faut-il rappeler, en terminant, que la déclaration des premiers ministres de Calgary ne porte d'aucune façon tant sur un nouveau partage des pouvoirs que sur le contrôle du pouvoir fédéral de dépenser qui constituent le coeur des revendications traditionnelles du Québec pour qui la reconnaissance du Québec comme société distincte, bien au-delà du symbole, c'est d'obtenir les pouvoirs lui permettant d'assumer ses responsabilités de protecteur et de promoteur de son identité à titre de seule société majoritairement francophone en Amérique du Nord.
La déclaration de Calgary n'est même pas capable de faire référence à l'Assemblée nationale du Québec mais parle plutôt de législature comme toute autre législature provinciale du Canada anglais. Le Québec est unique mais son parlement et son gouvernement sont égaux à ceux des autres. Le Québec est unique mais cela ne veut rien dire. Il ne peut avoir de pouvoirs que n'auraient pas les autres provinces. Comment, dans un tel contexte, le Québec pourrait-il assumer les responsabilités en matière de langue et de culture que la déclaration de Calgary prétend lui reconnaître alors que la Constitution de 1982 a réduit les pouvoirs du Québec et de son Assemblée nationale en matière de langue et d'éducation?
D'ailleurs, le président de la Conférence, le premier ministre Frank McKenna, l'un des fossoyeurs de Meech, a bien résumé la portée purement symbolique du caractère unique du Québec :
« Nous ne sommes pas ici pour discuter ou même considérer un statut particulier pour une province. Cela n'est pas acceptable et, de toute manière, nous ne sommes pas préparés à cela. Le Québec n'obtiendra rien que les autres provinces ne peuvent obtenir. »
Bref, le Québec est unique mais il doit être pareil aux autres provinces comme on l'a vu récemment dans le cas de l'entente sur la formation de la main-d'oeuvre où le Québec s'est vu offrir la même chose que les autres provinces ou encore lorsque le gouvernement fédéral et les provinces du Canada anglais lui ont imposé la prestation nationale pour enfants sans se soucier de la politique familiale du Québec.
« Toutes ces pirouettes éthymologiques ne sont que poudre aux yeux parce que l'on s'acharne à ne pas reconnaître une réalité bien visible, bien identifiable, c'est-à-dire le peuple québécois » a conclu monsieur Brassard.