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Le Québec au fil du temps

1608

Fondation de la ville de Québec par Samuel de Champlain

Le 3 juillet 1608, Samuel de Champlain fonde Québec, le premier établissement français permanent en Amérique.

Légende originale accompagnant la gravure :
« A Le magasin. B Colombier. C Corps de logis où font nos armes, & pour loger les ouvriers. D Autre corps de logis pour les ouvriers. E Cadran. F Autre corps de logis où eft la forge, & artisans logés. G Galleries tout autour des logemens. H Logis du fieur de Champlain. I La porte de l'habitation, où il y a Pont-levis. L Promenoir autour de l'habitation contenant 10. pieds de large iufques fur le bort du foffé. M Foffés tout autour de l'habitation. N Plattes formes, en façon de tenailles pour mettre le canon. O Iardin du fieur de Champlain. P La cuifine. Q Place devant l'habitation sur le bort de la riviere. R La grande riviere de fainct Lorens. »

29 avril 1627

Acte pour l'établissement de la Compagnie des Cent-associés pour le commerce du Canada

En 1627, la Compagnie des Cent-associés est fondée par le cardinal de Richelieu pour favoriser la colonisation de la Nouvelle-France. Elle bénéficie notamment d'un monopole sur le commerce de la fourrure.

L'Acte des Cent-associés délègue également à la Compagnie l'exercice de pouvoirs législatifs, juridiques et administratifs sur le territoire de la Nouvelle-France.

Cet acte est considéré comme la première source écrite de la Constitution du Québec.

édit du roi pour l'établissement de la Compagnie de la Nouvelle-France. Parlement de Paris, 1628.

Musée de la civilisation, fonds d'archives du Séminaire de Québec, Poly. 4, no 2.

30 avril 1663

Édit pour la création du Conseil souverain de Québec

L'Édit de création du Conseil souverain, promulgué par le roi Louis XIV en 1663, instaure un gouvernement royal en Nouvelle-France, basé sur le modèle des gouvernements provinciaux de la France. Par cet édit, la Nouvelle-France passe du statut de seigneurie à celui de province royale.

Le Conseil souverain joue un rôle administratif de premier plan, en réglementant notamment le commerce et l'ordre public. Il assure aussi l'enregistrement des édits et des ordonnances du roi, afin qu'ils soient diffusés au sein de la colonie.

Toile de Charles Huot représentant le Conseil souverain.
Collection de l'Assemblée nationale du Québec.
Photographe : Daniel Lessard.

7 octobre 1763

Proclamation royale

C'est par le traité de Paris, signé par la France et la Grande-Bretagne en 1763, que la Nouvelle-France devient officiellement une colonie britannique. Si la paix est revenue, il reste tout de même à la nouvelle puissance coloniale à asseoir son autorité et à déterminer les règles qui prévaudront dorénavant. C'est ce que fera la Proclamation royale du 7 octobre 1763.

La Proclamation royale n'instaure pas une assemblée législative élue, mais fait plutôt du gouverneur de la colonie le détenteur des pleins pouvoirs. Il se voit également confier la tâche d'instaurer un système de justice anglais.

La Proclamation royale concède aux habitants de la Nouvelle-France, désignés alors comme « Canadiens », le respect de leur liberté de religion, mais cherche à circonscrire l'autorité émanant de Rome et à faciliter l'installation de l'église anglicane dans la colonie. De plus, en 1764 est introduit le serment du Test, voulant que toute personne qui désire occuper un emploi dans l'administration coloniale doive renoncer à la religion catholique.

Enfin, c'est avec la Proclamation royale que Québec cesse de désigner seulement une ville, pour devenir le vocable attribué à l'ensemble de la colonie, sous le nom de Province of Quebec.

Proclamation royale de 1763, domaine public.

1774

Acte de Québec

Le régime instauré par la Proclamation royale ne satisfaisait pas les Canadiens (terme qui désignait alors la population francophone). À quelques reprises, ils acheminent à Londres des pétitions demandant le respect de leur langue, de leur religion et de leur tradition juridique basée sur le droit civil. C'est ainsi que l'Acte de Québec, adopté par le Parlement de Londres en 1774, cherche à répondre aux récriminations des Canadiens à l'endroit du régime colonial, mais également à les inciter à ne pas se joindre à la rébellion qui fait alors rage dans les colonies situées au Sud, lesquelles deviendront les États-Unis, deux ans plus tard.

L'Acte de Québec étend la liberté de religion des catholiques. Il permet la nomination d'un évêque de Québec et rend de nouveau obligatoire le paiement de la dîme. De plus, l'Acte de Québec abolit le serment du Test. Dorénavant, les Canadiens pourront donc accéder aux fonctions de l'administration coloniale, notamment au sein du Conseil législatif, une nouvelle institution chargée de conseiller le gouverneur, sans avoir à renier leur religion.

L'Acte de Québec permet aussi de préserver le droit civil et le régime seigneurial. D'ailleurs, cette constitution est à l'origine du double système juridique qui existe encore aujourd'hui au Québec.

Enfin, le territoire de la province de Québec, qui s'était rétréci à la suite de la Proclamation royale quelques années plus tôt, se voit agrandi par l'Acte de Québec et englobe désormais la vallée du Saint-Laurent, du Labrador à l'extrémité ouest des Grands Lacs en incluant la vallée de l'Ohio.

Province de Québec 1774, domaine public

1791

Acte constitutionnel

Comme l'Acte de Québec de 1774, l'Acte constitutionnel est une réaction de la Grande-Bretagne au nouvel ordre géopolitique créé par l'indépendance américaine. Il vise à répondre aux demandes des Canadiens (francophones) et des Britanniques de la province de Québec, qui veulent une assemblée législative élue.

L'Acte constitutionnel crée deux nouvelles colonies : le Haut-Canada (majoritairement anglophone et qui correspond au sud de l'Ontario actuel) et le Bas-Canada (majoritairement francophone et qui correspond au sud du Québec actuel). En plus de préserver les droits garantis aux Canadiens par l'Acte de Québec, cette nouvelle constitution instaure, pour chacune des deux colonies, une assemblée législative élue.

Au Bas-Canada, l'Assemblée dispose du pouvoir d'instaurer et de voter les lois qui doivent également être approuvées par le Conseil législatif, une institution dont les membres sont nommés par le gouverneur et qui pourrait être comparée à l'actuel Sénat du Parlement du Canada. En dernière instance, c'est le gouverneur, aidé par un Conseil exécutif (l'équivalent du Conseil des ministres actuel), qui est responsable de ratifier et de faire appliquer les lois qui sont votées.

Malgré l'obtention d'une assemblée élue, le pouvoir reste concentré entre les mains du gouverneur, puisqu'aucune loi ne peut être promulguée sans son accord. De plus, le gouverneur et son Conseil exécutif ne sont pas soumis au principe du gouvernement responsable, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas à obtenir la confiance des élus de l'Assemblée législative pour gouverner.

De 1791 à 1848, les revendications pour l'obtention du gouvernement responsable constitueront la trame de fond politique dans les colonies du Haut et du Bas-Canada et seront au cœur des revendications des patriotes en 1837-1838.

1840

Acte d'Union

L'Acte d'Union de 1840 est une conséquence directe des rébellions de 1837 et 1838 au Haut et au Bas-Canada.

L'Acte d'Union, une nouvelle constitution adoptée par le Parlement de Westminster en juillet 1840, fusionne dans une seule entité, le Canada-Uni, les colonies du Haut et du Bas-Canada. Ainsi, les deux Parlements n'en formeront désormais plus qu'un seul, le Canada-Est (l'ancien Bas-Canada) et le Canada-Ouest (l'ancien Haut-Canada) comptant en son sein le même nombre de sièges, malgré une population plus élevée dans le Canada-Est.

L'union des colonies avait d'abord été proposée par Lord Durham, envoyé par la Grande-Bretagne pour faire rapport sur les problèmes des colonies à la suite des rébellions. Le rapport Durham suggérait également d'accorder le gouvernement responsable au Canada-Uni, suggestion qui fut rejetée par Londres.

Chambre de l'Assemblée législative, Montréal, v. 1848

James Duncan, Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa

1848

Obtention du gouvernement responsable

C'est en 1848 que le principe du gouvernement responsable commença à être appliqué au Canada-Uni.

La conquête du gouvernement responsable s'amorça dès les débuts du régime d'union des deux colonies. Elle est le fruit d'une collaboration entre deux politiciens réformistes, Robert Baldwin pour le Haut-Canada et Louis-Hippolyte Lafontaine pour le Bas-Canada. C'est à la suite d'une victoire électorale que les deux hommes furent appelés, en 1848, à former le gouvernement par le gouverneur de l'époque, Lord Elgin. À partir de ce moment, les élus commencèrent à exercer un véritable contrôle sur les affaires de la colonie.

Le gouverneur, qui jusqu'alors occupait une place centrale au plan politique, cède peu à peu le pas à un gouvernement dont les ministres sont généralement issus de l'assemblée. Pour se maintenir au pouvoir, un gouvernement doit disposer de la confiance d'une majorité des députés. Un gouvernement qui cesse de bénéficier de cette confiance est forcé de démissionner. Lorsqu'il s'avère impossible de former un gouvernement disposant de la confiance des députés, l'assemblée est dissoute et des élections sont organisées.

Encore aujourd'hui, le principe du gouvernement responsable est au cœur des institutions parlementaires au Québec et au Canada.

Louis-Hippolyte Lafontaine, domaine public

1867

Acte de l'Amérique du Nord britannique

Depuis le XVIIIe siècle, les colonies britanniques de l'Amérique du Nord songent à s'unir sous une forme fédérale. Au nord de l'Amérique, cette idée se développera davantage dans les années 1850, à la faveur notamment de difficultés économiques importantes dans les colonies et de la menace croissante d'une annexion par les États-Unis. Le projet qui donnera lieu à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (rebaptisée en 1982 « Loi constitutionnelle de 1867 ») est négocié en 1864, dans le cadre de deux conférences tenues d'abord en septembre, à Charlottetown, puis en octobre, à Québec, réunissant les délégués des provinces maritimes et du Canada-Uni.

À la suite de la conférence de Québec, les 72 résolutions négociées entre les délégués, qui formeront l'architecture juridique de la nouvelle fédération, sont soumises à l'approbation des assemblées législatives des colonies. Malgré plusieurs demandes en ce sens, aucune consultation populaire sur le projet d'union fédérale n'aura lieu.

La nouvelle Constitution crée une fédération et quatre provinces qui en deviennent membres : l'Ontario (Canada-Ouest), le Québec (Canada-Est), le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-écosse. Les colonies de Terre-Neuve et de l'Île-du-Prince-édouard, quant à elles, choisissent de ne pas adhérer à l'union fédérale.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique permet au Québec de renouer avec ses propres institutions parlementaires, dissoutes en 1840 par l'Acte d'Union.

L'essentiel des 72 résolutions issues de la conférence de Québec est accepté par le Royaume-Uni lors de la Conférence de Londres, en décembre 1866. Pour la première fois de leur histoire, des élus canadiens auront rédigé eux-mêmes leur propre constitution. Une proclamation royale, qui entre en vigueur le 1er juillet 1867, officialise la création de ce nouveau « Dominion » du Canada. Bien que jouissant d'une large autonomie, l'union fédérale demeure assujettie à la tutelle de Londres qui, entre autres choses, conserve le pouvoir de modifier sa constitution et de désavouer ses lois.

Pères de la Confédération, domaine public.
Photographe : James Ashfield Bibliothèque et archives Canada, numéro de référence C-001855

1867

Le partage des compétences

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique établit un partage de compétences entre le Parlement fédéral et les assemblées législatives des provinces, en vertu, principalement, de ses articles 91 et 92. Le partage des compétences législatives n'a pratiquement pas été modifié depuis 1867. Ainsi, ces articles ont été rédigés à une époque où plusieurs champs d'intervention contemporains de l'État, par exemple, la protection de l'environnement, étaient inconnus des législateurs. Dans ce contexte, les décisions des tribunaux sont venues préciser, dans les décennies qui ont suivi, l'étendue des champs de compétence découlant du partage établi en 1867 (à titre d'exemple, la compétence en matière de réglementation des valeurs mobilières attribuée aux provinces découle de la compétence en matière de propriété et droits civils).

1867

L'article 91 – Compétences fédérales

L'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) définit les domaines de compétence du Parlement fédéral, dont un pouvoir général de légiférer pour le maintien de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. Ce pouvoir inclut un pouvoir général d'intervention dans les domaines de compétence provinciale, dans des situations d'urgence ou lorsque l'intérêt national est en jeu.

L'article 91 attribue également au Parlement fédéral certaines compétences déterminées, dont la réglementation des échanges et du commerce entre les provinces et les autres pays, la banque centrale ainsi que la politique monétaire, le droit criminel, la citoyenneté, les pêcheries, la navigation, la défense, les chemins de fer interprovinciaux et internationaux, les brevets, le mariage et le divorce, les banques, la faillite, les pénitenciers, les droits d'auteur et le service postal ainsi que les taxes et impôts fédéraux.

Enfin, l'AANB prévoit que les matières qui ne relèvent pas de l'autorité législative des provinces sont du ressort du Parlement fédéral. Toutefois, l'impact de ce pouvoir, que l'on qualifie de « résiduaire », a été limité par le principe d'« exhaustivité » (qui signifie que l'ensemble des compétences législatives a été partagé par l'AANB) et par le caractère large de certaines compétences provinciales, dont celles qui portent sur les affaires locales et le droit privé.

1867

Les articles 92 à 95 – Compétences provinciales

Compétence exclusive provinciale

L'article 92 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) définit les domaines sur lesquels les assemblées législatives provinciales ont une compétence législative exclusive, dont le droit privé (propriété et droits civils), les hôpitaux, le commerce dans la province, la taxation directe à des fins provinciales, l'administration de la justice (constitution des tribunaux, services de police, etc.), les institutions municipales et l'administration des prisons. L'article 92 attribue aussi aux provinces une compétence générale sur l'ensemble des affaires locales et privées. Quant à l'article 92A de la L. C. 1867, il attribue aux provinces une compétence exclusive, notamment en matière d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles non renouvelables et des ressources forestières.

L'article 93 de l'AANB confère aux assemblées législatives des provinces une compétence exclusive en matière d'éducation.

Compétence partagée

L'article 95 de l'AANB prévoit une compétence partagée en matière d'agriculture et d'immigration. Toutefois, les lois fédérales ont prépondérance sur les lois provinciales dans ces matières. L'article 94A de l'AANB prévoit, quant à lui, une compétence partagée en matière de pensions de vieillesse et de prestations additionnelles, dont les prestations aux survivants et aux invalides. Dans ce cas, toutefois, ce sont les lois provinciales qui ont prépondérance sur les lois fédérales.

1871

Loi constitutionnelle de 1871

Cette modification formelle de la Loi constitutionnelle de 1867 autorise le Parlement du Canada à créer des provinces additionnelles sur des territoires non compris dans une province.

Précédemment, en 1870, la Loi sur le Manitoba avait permis la création de la province du Manitoba, en réaction, notamment, à la rébellion des métis, incarnée par Louis Riel. Certains doutes avaient alors été soulevés quant à la compétence constitutionnelle du Parlement de créer ainsi de nouvelles provinces. La Loi constitutionnelle de 1871 vient dissiper ce doute.

En vertu de ce pouvoir, la Colombie-Britannique devient une province en 1871, l'Île-du-Prince-édouard, en 1873, l'Alberta et la Saskatchewan, en 1905 et Terre-Neuve-et-Labrador, en 1949.

Carte du Canada en 1871

15 décembre 1883

Hodge c. La Reine

Quelques années à peine après l'entrée en vigueur de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui a créé la fédération canadienne, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres vient préciser, dans Hodge c. La Reine, le 15 décembre 1883, que les parlements provinciaux n'ont pas des pouvoirs délégués du Parlement britannique, ni du Parlement fédéral, mais plutôt des pouvoirs souverains de légiférer dans les domaines qui leur sont dévolus par la Constitution.

Cet arrêt du Conseil privé est le premier d'une série d'autres arrêts venus confirmer que les provinces ne sont pas subordonnées juridiquement au gouvernement fédéral.

1927

Frontière du Labrador

Depuis la Proclamation royale de 1763, la « côte du Labrador » est passée tantôt du côté du Québec et tantôt du côté de Terre-Neuve. En 1920, le Canada et Terre-Neuve, qui est toujours une colonie britannique à cette époque, font appel au Comité judiciaire du Conseil privé, à Londres, pour qu'il statue sur la délimitation de la frontière. L'avis sera rendu plusieurs années plus tard, soit en 1927.

Aucun gouvernement québécois n'a formellement souscrit à cet avis du Comité judiciaire du Conseil privé de 1927. Les cartes officielles du Québec font par ailleurs état de cette position.

Carte du ministère de l'énergie et des Ressources naturelles.

1931

Le Statut de Westminster

Par l'adoption du Statut de Westminster en 1931 par le Parlement britannique, le Canada poursuit son émancipation envers le Royaume-Uni en obtenant, notamment, sa pleine indépendance en matière de relations extérieures. En outre, en vertu de ce statut, aucune loi du Canada ne peut désormais être désavouée par le Parlement britannique. Ce dernier conserve néanmoins le pouvoir de modifier la Constitution du Canada, en raison de l'incapacité du gouvernement fédéral et des provinces de s'entendre sur le choix d'une procédure de modification constitutionnelle. Le Conseil privé de Londres demeure la plus haute instance du système juridique canadien et il le restera jusqu'en 1949.

O.D. Skelton, sous-secrétaire d'État aux affaires étrangères (à gauche), et le premier ministre, William Lyon Mackenzie King, deux Canadiens ayant joué un rôle important dans l'adoption du Statut de Westminster.

Walter J. Turnbull, Bibliothèque et Archives Canada, PA-200350

1937

Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces (commission Rowell-Sirois)

La crise économique, qui se déclenche en 1929 aux États-Unis, aura des répercussions majeures sur le Canada dans la décennie à suivre. Devant un ralentissement économique considérable, le gouvernement fédéral met en œuvre d'importantes politiques sociales qui relèvent, pour la plupart, du domaine de compétence des provinces.

C'est dans ce contexte que le gouvernement fédéral de William Lyon Mackenzie King forme la commission Rowell-Sirois, présidée par Newton Rowell et Joseph Sirois. Cette commission a pour mandat d'examiner le partage des pouvoirs législatifs entre les ordres de gouvernement, à la lumière de l'évolution de la situation économique depuis 1867.

Dans son rapport, déposé en 1940, la commission recommande notamment « la dévolution des fonctions et des pouvoirs d'imposition au gouvernement fédéral », tout en accordant à celui-ci la charge des programmes sociaux (assurance-chômage, pensions) et la gestion d'un système de péréquation, afin de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour qu'ils soient en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité sensiblement comparable.

Les membres de la commission Rowell-Sirois, en 1938, après que Newton Rowell eut démissionné du poste de président, à la suite d'un accident vasculaire cérébral. Joseph Sirois est au premier rang, le troisième, à partir de la gauche.
Bibliothèque et Archives Canada, C-034706

10 juillet 1940

Modification constitutionnelle relative à l'assurance-chômage

L'adoption par le Parlement britannique de la Loi constitutionnelle de 1940 modifie l'Acte de l'Amérique du Nord britannique pour transférer au Parlement fédéral la compétence exclusive de légiférer en matière d'assurance-chômage, et ce, à la demande du gouvernement fédéral et des provinces. Auparavant, l'assurance-chômage, qu'on appelle aujourd'hui « assurance emploi », était sous la responsabilité des provinces.

Cette modification constitutionnelle s'inscrit dans la lignée des conclusions du rapport de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces (commission Rowell-Sirois), qui avait été déposé plus tôt la même année.

Photographie d'Adélard Godbout, premier ministre du Québec, lors de la modification constitutionnelle relative à l'assurance emploi.

Collection Assemblée nationale du Québec
Photographe : Livernois

14 avril 1944

Première nationalisation de l'électricité

Dès les années 1930, le Québec favorise la filière hydroélectrique dans sa politique énergétique. La Montreal Light, Heat and Power Consolidated (MLH&P) et la Shawinigan Water and Power Company (SWP) s'imposent comme les entreprises dominantes dans la vente d'électricité et de gaz.

Le premier ministre du Québec, Adélard Godbout, porté au pouvoir en 1939, donne le mandat au juriste Louis-Philippe Pigeon de rédiger le projet de loi no 17 , permettant la création d'une société d'État, la Commission hydroélectrique de Québec (Hydro-Québec).

Le 14 avril 1944, le gouvernement fait adopter la Loi établissant la Commission hydroélectrique de Québec , par laquelle il exproprie la Montreal Light, Heat and Power Consolidated de tous ses biens meubles et immeubles servant à la production, à la transmission et à la distribution du gaz et de l'électricité. La Loi établissant la Commission hydroélectrique de Québec donne à Hydro-Québec l'indépendance et les moyens nécessaires pour réaliser son expansion, tout en respectant son obligation d'offrir des tarifs aux taux les plus bas.

16 décembre 1949

Modification constitutionnelle donnant au Parlement fédéral un pouvoir limité de modifier la Constitution

En 1949, le Parlement britannique adopte une loi qui a pour effet d'attribuer au Parlement fédéral un pouvoir limité de modification unilatérale de la Constitution du Canada (paragraphe 91(1) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique), c'est-à-dire la Constitution fédérale interne. Cette disposition excluait toute modification aux pouvoirs législatifs provinciaux, aux droits ou privilèges accordés ou garantis aux provinces quant à l'usage de l'anglais ou du français ainsi qu'au principe de la session annuelle du Parlement.

En s'appuyant sur le paragraphe 91(1), le Parlement fédéral a, par la suite, apporté plusieurs modifications à la Constitution du Canada, notamment quant à la représentation à la Chambre des communes, au nombre de députés issus des territoires, à l'âge de la retraite des sénateurs et à l'augmentation du nombre des sénateurs.

Le paragraphe 91(1) ayant été abrogé en 1982, les modalités de modification de la Constitution du Canada sont maintenant énoncées dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. À noter que les provinces avaient également le pouvoir, en vertu du paragraphe 92(1) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, de modifier leur Constitution interne, et ce, depuis 1867.

12 février 1953

Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels (commission Tremblay)

La Commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, présidée par le juge Thomas Tremblay, a été créée le 12 février 1953, à l'initiative du gouvernement québécois de Maurice Duplessis. Cette commission avait pour mandat :

« […] d'enquêter sur les problèmes constitutionnels, faire rapport [au lieutenant-gouverneur en conseil] de ses constatations et opinions et lui soumettre ses recommandations quant aux mesures à prendre pour la sauvegarde des droits de la province, des municipalités et des corporations scolaires ».

Plus précisément, la commission Tremblay était chargée d'étudier :

  • le problème de la répartition de l'impôt entre le pouvoir central, les provinces, les municipalités et les corporations scolaires;
  • les empiètements du pouvoir central dans le domaine de la taxation directe, notamment en matière d'impôt sur le revenu, sur les corporations et sur les successions;
  • les répercussions et les conséquences de ces empiètements dans le régime législatif et administratif de la province et dans la vie collective, familiale et individuelle de sa population;
  • les problèmes constitutionnels d'ordre législatif et fiscal.

Dans son rapport déposé en 1956, qui se fait très critique du fédéralisme canadien, la Commission fait état que le gouvernement fédéral est une création des provinces et considère que le rôle du régime politique de 1867 est de créer une infrastructure dans laquelle les communautés anglophone et francophone pourront tirer profit du fédéralisme. Il prône également une plus grande autonomie provinciale, proposant que les provinces redeviennent les maîtres d'œuvre en matière sociale et recommandant une série de mesures à mettre en place par le législateur québécois en matière de culture, d'immigration, de santé et d'éducation. Une réforme du régime fiscal est suggérée, rappelant à cet égard que l'autonomie législative des provinces n'est possible que si l'autonomie fiscale est assurée. Pratiquement ignorées par le gouvernement Duplessis, les recommandations de la Commission dans son rapport inspireront plusieurs des politiques du gouvernement québécois pendant la Révolution tranquille.

1954

Création d'un impôt québécois autonome

Au Canada, en vertu du partage des compétences, établi par la Loi constitutionnelle de 1867, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux possèdent une capacité autonome de prélever des taxes et des impôts pour financer les services publics qu'ils dispensent à leurs citoyens. Les pressions économiques de la Seconde Guerre mondiale ont toutefois amené les provinces à céder au gouvernement fédéral, de manière temporaire, divers champs de taxation. Une fois la guerre terminée, le gouvernement fédéral a demandé aux provinces de poursuivre cet arrangement, en s'engageant à leur verser un financement pour différents programmes, selon leur population et selon leur capacité financière.

Peu après son élection, en 1944, le premier ministre Maurice Duplessis tente de récupérer l'espace fiscal du Québec, en refusant de renouveler les ententes provinciales-fédérales en la matière et en reprenant le droit constitutionnel du Québec de taxer les personnes, les corporations, les successions et l'essence. Le gouvernement fédéral refuse néanmoins de se retirer de l'espace fiscal cédé par le Québec. Cette lutte pour l'autonomie fiscale, à l'origine du slogan Rendez-nous notre butin, aboutira, en 1954, à l'instauration d'un impôt québécois sur le revenu des particuliers. Cette mesure est également à l'origine de la mise sur pied du premier ministère du Revenu au Québec. Devant la mise en place d'un impôt québécois autonome, le gouvernement fédéral n'aura d'autre choix que de diminuer de 10 % sa propre taxation, un abattement qu'il offrira à l'ensemble des provinces. À ce jour, le Québec demeure la seule province à prélever elle-même ses propres impôts. Cette décision joue un rôle important dans l'histoire du Québec, car elle est à l'origine d'une autonomie fiscale sans laquelle son autonomie législative aurait été considérablement affaiblie.

5 juillet 1960

Début de la Révolution tranquille

Le 5 juillet 1960, Jean Lesage devient premier ministre du Québec. Cette date est généralement considérée comme marquant le début de la Révolution tranquille.

La Révolution tranquille est une expression qui désigne la période de transformations profondes vécues par la société québécoise, entre 1960 et 1970. Ces transformations ont touché le rôle de l'État, l'éducation, le système social, la culture, la langue ainsi que l'économie.

Avec la Révolution tranquille, on observe une métamorphose du rôle de l'État, désormais conçu comme un instrument au service du développement du Québec. L'administration publique se professionnalise et remplace graduellement les institutions sociales et éducatives gérées par l'Église. Plusieurs nouveaux ministères sont créés, plusieurs autres subissent de profondes transformations; de nouveaux mécanismes de gestion et de décision sont adoptés. La « province de Québec » devient l'« État du Québec ». La dénomination « Québécois » succède au vocable « Canadien français ».

En matière de relations fédérales-provinciales, le gouvernement du Québec affirme ses priorités et obtient notamment le droit de se retirer de certains programmes fédéraux (le programme d'assurance-hospitalisation, les subventions à l'hygiène publique, certains programmes d'assistance sociale et d'assurance-chômage et le programme de formation technique), avec pleine compensation financière.

C'est dans ce cadre, également, que le gouvernement du Québec se dote d'un ministère des Affaires fédérales-provinciales .

Parallèlement, le Québec affirme la légitimité de son action internationale. L'énoncé de la doctrine Gérin-Lajoie sur le prolongement externe des compétences du Québec, l'ouverture des maisons du Québec à Paris (1961) , puis à Londres (1963), ainsi que la signature des premiers accords internationaux avec la France en sont les manifestations concrètes. L'action déterminante du Québec dans la francophonie naissante ainsi que l'impulsion donnée par le choix de Montréal comme lieu d'accueil de l'Exposition universelle de 1967 contribueront à accroître la présence du Québec sur la scène internationale.

28 mars 1961

Création du ministère des Affaires fédérales-provinciales

En 1961, avec la Loi instituant le ministère des Affaires fédérales-provinciales, les affaires intergouvernementales canadiennes prennent naissance en tant qu'entité administrative. Le ministre doit alors favoriser la pleine autonomie provinciale et faciliter la collaboration intergouvernementale, dans le respect de la Constitution.

En 1967, la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales permet d'étendre les pouvoirs du ministre à la coordination de toutes les activités du gouvernement du Québec à l'extérieur de la province, incluant celles à l'extérieur du Canada.

En 1974, le ministre se voit confier la responsabilité de veiller à ce que soit respectée la compétence constitutionnelle du Québec. La notion d'entente intergouvernementale est aussi précisée.

En 1984, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC) Il est alors rattaché au ministère du Conseil exécutif, avec le mandat de se charger exclusivement des affaires canadiennes. Cette décision démontre l'importance grandissante des relations intergouvernementales canadiennes et la priorité accordée à la coordination de celles-ci au plus haut niveau du gouvernement.

En 1988, les responsabilités du SAIC sont élargies en matière d'analyse des politiques et des lois des autres gouvernements et d'évaluation des implications pour le Québec. Le SAIC devient le dépositaire des ententes intergouvernementales canadiennes.

Par la suite, soit en 2002, les modifications apportées à la Loi sur le ministère du Conseil exécutif précisent, notamment, la nature des ententes et des organismes concernés.

En 2017, le SAIC est devenu le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes (SQRC), afin de consacrer l?élargissement de son mandat au-delà des seules relations entre gouvernements.Une soixantaine d'employés se consacrent à la mission du SQRC.

5 octobre 1961

Ouverture de la première Délégation générale du Québec à Paris

Les origines de l'action du gouvernement du Québec à l'étranger remontent au XIXe siècle. Dès 1871, le Québec envoie des agents d'immigration au Royaume-Uni, en Europe continentale et aux États-Unis. Puis, en 1882, le gouvernement nomme Hector Fabre à titre d'agent général du Québec à Paris, pour agir comme « représentant attitré du gouvernement du Québec pour toutes les négociations qui ressortent des attributions de la province ». D'autres agents généraux seront nommés à Londres en 1911, puis à Bruxelles, en 1914. Ces agences générales sont abolies successivement entre 1912 et 1936.

Dans la foulée de la Révolution tranquille, le Québec entreprend de redéployer sa présence sur la scène internationale. C'est ainsi que, lors d'une visite officielle en France, en octobre 1960, le procureur général du Québec (et futur ministre des Affaires culturelles), Georges-Émile Lapalme, et le ministre de la Culture de France, André Malraux, s'entendent informellement sur l'ouverture, à Paris, d'une Maison du Québec. Le premier délégué général du Québec à Paris, Charles Lussier, entre en fonction en janvier 1961.

La Maison du Québec à Paris, comme on l'appelait à l'époque, est inaugurée officiellement le 5 octobre 1961, par le premier ministre du Québec, Jean Lesage, en présence du ministre André Malraux. Elle deviendra officiellement une Délégation générale, en 1964.

Parallèlement à l'ouverture de la Délégation générale du Québec à Paris, cette période consacre une plus grande formalisation de la présence internationale du Québec. En mars 1961, le Parlement du Québec adopte un projet de loi en vue de créer un ministère des Affaires fédérales-provinciales, qui deviendra, plus tard, le ministère des Affaires intergouvernementales, chargé, notamment, de la conduite des relations internationales du Québec. Puis, en mai 1961, une autre loi est adoptée concernant les agents ou délégués généraux de la province. En vertu de cette nouvelle loi, l'agence de New York, établie en 1940, devient une délégation générale. Enfin, en mai 1963, le premier ministre Jean Lesage inaugure la Délégation générale du Québec à Londres.

Aujourd'hui, le réseau des représentations du Québec à l'étranger est robuste et composé de plusieurs délégations générales, délégations, bureaux, antennes et représentations.

Messieurs Jean Lesage, Charles Lussier, André Malraux, ainsi que Georges-Émile Lapalme, lors de l'inauguration de la Maison du Québec à Paris, le 5 octobre 1961.

1er mai 1963

Seconde nationalisation de l'électricité

En 1944, peu après la création d'Hydro-Québec , Maurice Duplessis devient premier ministre du Québec. Il le demeurera jusqu'à sa mort, en 1959. Au cours de cette période, il demande à Hydro-Québec d'établir une production en région ainsi qu' une distribution en régions éloignées. Dès lors, Hydro-Québec étend ses activités en dehors de Montréal. De 1951 à 1953, la société d'État lance plusieurs grands chantiers, comme celui de la Manicouagan.

Concurremment, la Shawinigan Water and Power Company demeure un acteur dominant de la distribution d'électricité dans le sud du Québec et tente d'étendre son influence à d'autres régions par l'acquisition de participations majoritaires dans différentes compagnies.

Le 5 juillet 1960, Jean Lesage devient le nouveau premier ministre du Québec. Celui-ci souhaite propulser le Québec au-delà des réformes économiques et sociales; c'est la Révolution tranquille .

Le 28 mars 1961, il nomme René Lévesque au poste de ministre des Ressources naturelles du Québec. René Lévesque travaille dans la continuité d'Adélard Godbout. Vingt ans séparent ces deux hommes politiques qui partagent la volonté d'éliminer la mainmise de certaines compagnies sur la production et la distribution de l'électricité et d'imposer l'État comme un acteur économique et social.

Les 4 et 5 septembre 1962, pendant une réunion à huis clos du Conseil des ministres au chalet de pêche du lac à l'épaule, René Lévesque convainc ses collègues de l'intérêt de la nationalisation de l'électricité et d'en faire un enjeu électoral.

Jean Lesage convoque une élection générale le mercredi 19 septembre 1962, deux ans seulement après l'élection précédente, sur le thème de la nationalisation de l'électricité. Il remporte le scrutin; le plébiscite de la nationalisation est gagné. Le gouvernement du Québec lance une offre publique d'achat et achète toutes les actions des onze compagnies privées, pour la somme de 604 millions de dollars.

Hydro-Québec devient ainsi le plus grand fournisseur d'électricité québécois, le 1er mai 1963.

19 juillet 1963

Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (commission Laurendeau-Dunton)

La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, coprésidée par André Laurendeau et A. Davidson Dunton, a été formée le 19 juillet 1963 par le gouvernement fédéral de Lester B. Pearson. La Commission a pour mandat de se pencher sur les questions suivantes :

  • l'étendue du bilinguisme dans l'administration fédérale;
  • le rôle des organismes publics et privés dans la promotion de meilleures relations culturelles;
  • les perspectives offertes aux Canadiens de devenir bilingues en français et en anglais.

Un rapport préliminaire est présenté en février 1965, dans lequel la Commission constate l'inégalité du français et de l'anglais et sonne l'alarme : « Nous croyons qu'il y a crise : c'est l'heure des décisions et des vrais changements; il en résultera soit la rupture, soit un nouvel agencement des conditions d'existence. »

Pour remédier à la situation, il est recommandé que l'anglais et le français soient déclarés langues officielles du Parlement du Canada, de l'administration fédérale et des tribunaux fédéraux. De façon générale, la Commission recommande aussi de donner une plus grande place au français dans les organisations fédérales, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, de favoriser l'enseignement du français ou de l'anglais là où la minorité linguistique compte pour 10 % de la population et de rendre la capitale fédérale bilingue.

Le rapport final de la Commission est déposé en 1969.

12 avril 1965

Doctrine Gérin-Lajoie

Le 12 avril 1965, Paul Gérin-Lajoie, vice-premier ministre du Québec et ministre de l'Éducation, prononce, à Montréal, devant le corps consulaire, Les contenus suivants peuvent comporter des obstacles à l'accessibilité. un discours historique qui énoncera les fondements de la politique internationale du Québec.

Élaborée par André Patry, conseiller du premier ministre Jean Lesage, cette doctrine prend appui sur le partage des compétences prévu dans la Constitution et plaide pour le prolongement international des compétences internes du Québec. Elle s'appuie également sur un jugement rendu en 1933 par le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, qui conclut que le gouvernement fédéral a l'autorité de signer les traités internationaux, mais ne peut les imposer aux provinces si leur mise en œuvre touche leurs compétences.

Concrètement, cela signifie que l'État du Québec est libre de consentir à être lié par tout traité ou toute convention ou entente d'ordre international qui touche à sa compétence constitutionnelle. Dans ses domaines de compétence, aucun traité ni aucune convention ou entente ne peut l'engager, à moins qu'il n'ait formellement signifié son consentement à être lié par la voix de l'Assemblée nationale ou du gouvernement. Il peut également, dans ses domaines de compétence, établir et poursuivre des relations avec des États étrangers et des organisations internationales et assurer sa représentation à l'extérieur du Québec. Cette doctrine fonde, encore aujourd'hui, l'action du Québec sur la scène internationale.

Paul Gérin-Lajoie
Photo : Gabriel Desmarais (Gaby)
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Centre d'archives de Montréal

15 juillet 1965

Création de la Caisse de dépôt et placement

Dans la foulée de la création de la Société générale de financement, en 1962, et de la nationalisation de l'électricité, en 1963, le gouvernement de Jean Lesage poursuit la réforme de l'État québécois et la création d'institutions économiques et sociales.

Jean Lesage est préoccupé par l'indépendance financière de l'État québécois et entend investir des sommes importantes pour la création d'un nouvel outil économique.

Sous les conseils de l'économiste et futur premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, le Parlement du Québec crée par une loi, le 15 juillet 1965, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Ce nouvel outil économique gère, notamment, le Régime de rentes du Québec ainsi que plusieurs autres régimes publics de retraite.

La CDPQ concentre ses premiers investissements dans les obligations avant de faire son entrée sur le marché boursier canadien, en 1967. À partir de 1971, elle crée son portefeuille de placements privés en investissant dans des entreprises québécoises.

En 2003, la CDPQ obtient les meilleures cotes de crédit des principales agences de notation de crédit. La réputation de l'institution est solidement établie. La CDPQ dépassera les attentes de Jean Lesage, qui projetait des actifs de 10 milliards de dollars dans les années 90, ce montant étant atteint dès 1980.

En 2013, la CDPQ représente le deuxième plus grand fonds de pension au Canada et dispose d'un actif net de 200 milliards de dollars.

15 juillet 1965

Régime des rentes du Québec

En 1963, lors du discours du trône , le gouvernement fédéral annonce la création d'un régime public et pancanadien de pensions de retraite. Lors des conférences fédérales-provinciales tenues en 1963 et 1964, le Québec exprime son désaccord avec la décision fédérale de lui imposer ce programme. La mise en œuvre d'un tel programme poserait d'importants obstacles à l'exercice par le Québec de sa compétence en la matière, et plus particulièrement sa capacité de créer un régime proprement québécois qui pourrait, par ailleurs, devenir un fonds d'investissement majeur.

C'est pourquoi Jean Lesage, premier ministre du Québec, revendiquera au gouvernement fédéral un droit de retrait pour mettre en place son propre régime de rentes. Cela se traduira, sur le plan constitutionnel, par l'ajout de l'article 94A à la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article accorde au Parlement fédéral une compétence législative en matière de pensions et de prestations additionnelles, mais l'assujettit expressément à la prépondérance de la compétence provinciale sur cette matière. En d'autres termes, en cas de conflit entre les lois fédérales et provinciales qui régissent ces régimes, ce sera la loi québécoise qui prévaudra.

Depuis, le Québec est la seule province du Canada à être dotée de son propre régime de rentes.

Juin 1971

Conférence de Victoria

Cette conférence de trois jours, tenue à Victoria en 1971, est le point culminant d'une série de négociations constitutionnelles visant à rapatrier la Constitution canadienne. Le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, cherche à émanciper pleinement le Canada du Royaume-Uni, en le dotant de sa propre procédure de modification de la Constitution. Il souhaite également doter le pays d'une charte des droits individuels et y enchâsser (ou reconnaître) le français et l'anglais comme langues officielles du Canada. Les provinces, et plus particulièrement le Québec, exigent, notamment, une redéfinition du partage des compétences législatives. Le Québec souhaite, par ailleurs, faire reconnaître la thèse des deux peuples fondateurs, ce qui est refusé par le gouvernement fédéral.

Le compromis qui résultera de ces négociations sera la Charte de Victoria, qui inclut un volet sur les politiques sociales, l'inclusion d'une charte des droits et une formule de modification constitutionnelle qui comporterait la reconnaissance d'un droit de veto au Québec.

Le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, décide ultimement de ne pas adhérer à la Charte de Victoria, principalement parce qu'elle n'accorde pas clairement au Québec la prépondérance législative en matière de politiques sociales, avec pleine compensation dans le cas d'un retrait des programmes fédéraux. La Charte de Victoria n'a pas de suite, puisque l'unanimité des provinces, qui aurait été requise pour son adoption, n'est pas atteinte.

Robert Bourassa et Pierre Elliott Trudeau lors d'une conférence constitutionnelle

31 juillet 1974

Loi sur la langue officielle

Le 31 juillet 1974, le Parlement du Québec adopte la Loi sur la langue officielle, aussi appelée « loi 22 ». Cette loi vise à renforcer le statut et l'usage du français au Québec.

Adoptée à la suite du dépôt du rapport de la Commission d'enquête sur la situation de la langue française et des droits linguistiques au Québec (commission Gendron), la « loi 22 » fait du français la seule langue officielle au Québec. Elle ouvre la voie au concept de l'« aménagement linguistique », qui touche la plupart des aspects de la vie en société : le travail, les affaires, les entreprises de services publics, l'enseignement et l'exercice des professions. Tout en assurant une place à la langue anglaise, elle impose alors l'usage du français dans l'administration publique et dans plusieurs composantes de l'activité économique, notamment l'affichage, les raisons sociales, l'étiquetage des produits et les contrats. En matière de francisation des entreprises, la Loi conserve une approche non cœrcitive, mais elle utilise le pouvoir économique de l'État comme levier : les entreprises qui souhaitent passer un contrat avec l'État ou obtenir une subvention doivent désormais détenir un certificat de francisation.

La Loi sur la langue officielle est abrogée en 1977 par la Charte de la langue française.

5 juillet 1977

Commission sur l'unité canadienne (commission Pépin-Robarts)

La Commission sur l'unité nationale, coprésidée par Jean-Luc Pépin et John P. Robarts, a été formée le 5 juillet 1977 par le gouvernement fédéral de Pierre Elliott Trudeau.

La commission Pépin-Robarts avait pour mandat de « faire enquête sur les questions touchant l'unité canadienne », notamment en rassemblant différents points de vue sur les problèmes concernant l'unité nationale, en faisant connaître les efforts déployés pour résoudre ces problèmes et en conseillant le gouvernement fédéral sur les moyens de renforcer cette unité.

Dans son rapport, déposé le 25 janvier 1979, la Commission recommande notamment de :

  • considérer la question des droits linguistiques comme relevant du domaine des compétences provinciales plutôt que de les enchâsser dans la Constitution;
  • réduire les pouvoirs du gouvernement fédéral à la faveur des provinces (à l'exception de la question de la gestion de l'économie);
  • modifier le système électoral fédéral de manière à laisser place à quelque forme de représentation proportionnelle;
  • reconnaître aux provinces un droit de se retirer des programmes fédéraux lorsque ceux-ci touchent des compétences fédérales et d'être compensées fiscalement;
  • remplacer le Sénat par un Conseil de la fédération dont les membres seraient désignés par les gouvernements provinciaux;
  • consulter les provinces sur les nominations à la Cour suprême du Canada et pour certains organismes de réglementation.

26 août 1977

Charte de la langue française

Le 26 août 1977, l'Assemblée nationale vote la Charte de la langue française , aussi appelée « loi 101 ». Première loi linguistique à caractère obligatoire, elle reprend plusieurs éléments de la « loi 22 » qui avait été adoptée en juillet 1974 et en accroît la portée, et elle renforce de façon substantielle le statut de la langue française au Québec.

La Charte énonce solennellement les droits linguistiques fondamentaux. Elle fait du français la langue officielle de l'État québécois, de l'Assemblée nationale, des tribunaux et de l'administration publique québécoise ainsi que la langue exclusive dans la rédaction des lois du Québec, dans l'affichage public et dans la publicité commerciale. En matière de langue d'enseignement, obligation est faite aux immigrants de fréquenter l'école française.

Les entreprises de cinquante employés ou plus doivent adopter un programme de francisation, et un comité de francisation doit être créé dans les entreprises de plus de cent employés. Les conventions collectives ainsi que les raisons sociales doivent être en langue française. Sauf exceptions, seules les personnes ayant de la langue officielle une connaissance appropriée à l'exercice de leur profession peuvent se voir délivrer un permis par un ordre professionnel.

La contestation judiciaire marquera la vie de la Charte de la langue française. Au fil des ans, certaines dispositions seront invalidées, notamment celles portant sur l'unilinguisme français des lois et règlements ainsi que celles relatives à l'affichage public et à la publicité commerciale. Certaines dispositions sur la langue d'enseignement seront par ailleurs contestées, avec un succès mitigé.

20 mai 1980

Référendum sur la souveraineté-association

Au printemps 1980, le gouvernement de René Lévesque propose de négocier une nouvelle entente d'association entre le Québec et le Canada, qui serait fondée sur le principe de l'égalité des peuples. En vertu de cette entente, le Québec serait devenu un État souverain tout en demeurant associé économiquement au Canada, par exemple en partageant la même monnaie.

Le mandat de négocier une telle entente avec le gouvernement du Canada est soumis à un référendum, le 20 mai 1980, au terme duquel 60 % des électeurs refusent d'accorder un tel mandat au gouvernement du Québec, tandis que 40 % l'appuient.

Le taux de participation s'élève à 85,6 % des électeurs inscrits (3,7 millions de votes exprimés).

Pour le premier ministre, René Lévesque, la reconnaissance manifeste du droit à l'autodétermination demeure l'acquis le plus précieux du référendum de 1980.

5 novembre 1981

Rapatriement de la Constitution

Avant la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982, le Canada devait demander l'accord du Parlement britannique pour modifier sa Constitution. Le rapatriement consistait à doter le Canada de ses propres règles écrites qui lui permettraient de définir comment le gouvernement fédéral et les provinces pourraient modifier, seuls ou conjointement, les différents aspects de la Constitution. Symboliquement, le dernier lien de sujétion du Canada au Royaume-Uni serait alors rompu.

Afin de procéder au rapatriement, des négociations se sont engagées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces. Pour le Québec, la question de son statut au sein de la fédération et celle du partage des compétences étaient prioritaires. Pour sa part, le gouvernement fédéral tenait à ce qu'une charte des droits et libertés soit enchâssée dans la nouvelle loi constitutionnelle.

Devant les difficultés à conclure un accord avec toutes les provinces, le gouvernement fédéral annonce son intention de rapatrier unilatéralement, c'est-à-dire sans obtenir l'accord des provinces, la Constitution. Le Québec et sept autres provinces se sont farouchement opposés à un tel rapatriement unilatéral, engageant même des procédures devant les tribunaux afin de contrecarrer cette démarche (voir la fiche Renvoi sur le rapatriement).

Le 5 novembre 1981, malgré l'opposition du Québec, le gouvernement fédéral et neuf provinces s'entendent pour rapatrier la Constitution et y enchâsser une charte des droits, ce qui entraînera l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Depuis, aucun gouvernement du Québec n'a formellement adhéré à la réforme constitutionnelle de 1982.

Du 2 au 5 novembre 1981

Conférence constitutionnelle de novembre 1981

Les procédures judiciaires entreprises au début de l'année 1981, qui ont culminé avec l'avis de la Cour suprême dans le Renvoi sur le rapatriement rendu en septembre 1981, ont été suivies d'une conférence constitutionnelle « de la dernière chance ». Celle-ci a lieu à Ottawa, du 2 au 5 novembre 1981.

Dès le départ, les négociations sont difficiles et semblent se diriger vers une impasse. Dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, en l'absence des représentants du gouvernement du Québec, quelques provinces tentent de négocier un compromis. À la reprise des négociations, le 5 novembre 1981, et à la surprise des représentants du Québec, tenus à l'écart des négociations, l'accord conclu au cours de la nuit est formellement entériné par neuf premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral. Essentiellement, l'accord prévoit une procédure de modification constitutionnelle ainsi qu'une charte des droits et libertés, que l'on retrouve aujourd'hui dans la Loi constitutionnelle de 1982.

Le Québec fait aussitôt connaître son opposition à cet accord négocié sans lui. Il fait valoir que cet accord a pour effet de diminuer ses pouvoirs en matière de langue et d'éducation et qu'il ne lui reconnaît pas un droit de veto ou un droit de retrait avec compensation en matière de modification constitutionnelle.

Le Québec exprima formellement son veto à l'encontre du projet de rapatriement, allant même défendre, en vain, sa position devant la Cour suprême (voir la fiche Renvoi sur le veto du Québec). Encore aujourd'hui, aucun gouvernement du Québec n'a accepté de formellement adhérer à la Constitution.

Pierre Elliott Trudeau et Jean Chrétien lors d'une conférence constitutionnelle.

Bibliothèque et archives Canada, PA-141504.

28 septembre 1981

Renvoi sur le rapatriement de la constitution

Au printemps 1981, devant la volonté du premier ministre fédéral, Pierre Elliott Trudeau, de procéder au rapatriement de la Constitution sans obtenir l'accord des provinces, les gouvernements de huit d'entre elles (Québec, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-édouard, Nouvelle-Écosse, Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique) ont décidé de former un front commun pour s'y opposer et de porter leur bataille devant les tribunaux.

Le cœur du litige concerne la manière dont la Constitution peut être modifiée et rapatriée. Les provinces du « groupe des Huit » étaient d'avis que l'accord de toutes les provinces était requis. Quant au gouvernement fédéral (qui était appuyé par l'Ontario et le Nouveau-Brunswick), il croyait pouvoir procéder seul.

Appelée à donner son avis sur le rapatriement unilatéral de la Constitution par le gouvernement fédéral, la Cour suprême indiqua que, sans être illégal, le rapatriement devait obtenir le consentement d'un nombre appréciable de provinces pour être constitutionnel. Sur le plan politique, l'avis de la Cour suprême se traduit par une obligation, de la part du gouvernement fédéral, de poursuivre les négociations avec les provinces afin d'obtenir leur assentiment.

6 décembre 1982

Renvoi sur le veto du Québec

Peu après l'accord intervenu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements de neuf provinces, le 5 novembre 1981, l'Assemblée nationale fait formellement connaître son opposition au rapatriement de la Constitution ainsi que les conditions nécessaires à l'adhésion du Québec à ce projet, dont la reconnaissance de l'égalité entre les deux peuples fondateurs du Canada et la reconnaissance que le Québec forme une société distincte. Une pétition rassemblant les signatures de 715 000 Québécois qui s'opposent au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne et à son amendement sans l'accord du Québec est également présentée au premier ministre René Lévesque.

Parallèlement, le Québec saisit les tribunaux de la question de savoir s'il dispose, en vertu d'une convention constitutionnelle, d'un veto sur certaines modifications constitutionnelles. Dans un avis rendu le 6 décembre 1982, la Cour suprême répond négativement à cette question.

Cet avis est le dernier acte du rapatriement de la Constitution. Au plan juridique, la Loi constitutionnelle de 1982 s'applique au Québec, malgré son opposition, et les institutions publiques québécoises sont donc tenues de se conformer à la Charte des droits et libertés. Depuis, l'Assemblée nationale a fréquemment rappelé que le Québec n'a jamais adhéré à cette réforme constitutionnelle.

17 avril 1982

Loi constitutionnelle de 1982

C'est le 17 avril 1982 que la Loi constitutionnelle de 1982 est proclamée. Celle-ci comprend, notamment, la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu'une procédure de modification constitutionnelle (voir fiche Procédure de modification constitutionnelle).

La Charte canadienne des droits et libertés a un effet prédominant et uniformisant et a comme conséquence de diminuer, sans qu'il y ait consenti, les pouvoirs du Parlement du Québec en matière de langue et d'éducation. De plus, elle confie des pouvoirs accrus aux juges, particulièrement ceux des cours supérieures et de la Cour suprême, lesquels sont nommés uniquement par le gouvernement fédéral.

Signature de la Loi constitutionnelle de 1982, à Ottawa.

Presse canadienne\Stf-Poling

17 avril 1982

Procédure de modification constitutionnelle

La procédure de modification constitutionnelle comporte quatre catégories, trois d'entre elles comprenant un processus multilatéral.

La procédure normale, aussi appelée 7/50. Cette procédure requiert l'accord du Sénat, de la Chambre des communes et d'au moins les deux tiers des assemblées législatives des provinces, représentant au moins 50 % de la population de l'enssemble des provinces. Les modifications au partage des compétences et certaines modifications touchant le Sénat, notamment ce qui a trait au mode de sélection et aux pouvoirs des sénateurs, sont des exemples de modifications qui nécessitent l'utilisation de la procédure normale.

La procédure du consentement unanime. Cette procédure nécessite l'accord du Sénat, de la Chambre des communes et de toutes les assemblées législatives des provinces. Les modifications à la charge de Reine, de gouverneur général et de lieutenant-gouverneur sont des exemples de modifications constitutionnelles régies par la procédure du consentement unanime.

La procédure des arrangements spéciaux à l'égard de certaines provinces. Cette procédure requiert l'accord du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée. Les modifications du tracé des frontières interprovinciales et celles relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province sont des illustrations de modifications nécessitant le recours à cette procédure.

Les procédures unilatérales. Dans la mesure où elles ne concernent pas l'un ou l'autre des sujets inclus dans les procédures multilatérales, les assemblées législatives des provinces peuvent modifier à leur guise leur constitution interne (par exemple, le nombre de députés siégeant à leur assemblée législative ou les règles électorales). Quant au Parlement fédéral, il peut modifier les dispositions de sa constitution interne, relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes, dans la mesure où elles ne concernent pas l'un des sujets inclus dans les procédures multilatérales.

Depuis 1982, la Constitution canadienne a été formellement amendée une dizaine de fois, principalement au moyen de la procédure bilatérale et une seule fois par la procédure 7/50.

1986

Discours de Mont-Gabriel et les cinq conditions du Québec

À l'occasion d'un colloque tenu à Mont-Gabriel en mai 1986, sur le thème Une collaboration renouvelée : le Québec et ses partenaires dans la Confédération, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes de l'époque, Gil Rémillard, fait connaître les « principales conditions qui pourraient amener le Québec à adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982 », soit :

  1. La reconnaissance explicite du Québec comme société distincte;
  2. La garantie de pouvoirs accrus en matière d'immigration;
  3. La limitation du pouvoir fédéral de dépenser;
  4. La reconnaissance d'un droit de veto du Québec à l'égard de certaines modifications importantes à la Constitution;
  5. La participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême du Canada.

Ces cinq conditions se reflèteront dans l'accord du lac Meech, conclu un an plus tard.

Gil Rémillard et le premier ministre Robert Bourassa, en commission parlementaire, à Québec.
Presse canadienne\Jacques Boissinot

1987

Accord du lac Meech

Le 30 avril 1987, les premiers ministres des provinces, dont le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, et le premier ministre fédéral, Brian Mulroney, se rencontrent à huis clos au lac Meech. L'objectif est d'entreprendre des négociations constitutionnelles qui permettraient au Québec d'adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982 et, pour reprendre les mots de Brian Mulroney, de réintégrer le Québec dans le giron constitutionnel « dans l'honneur et l'enthousiasme ».

Sur la base des cinq conditions du Québec, énoncées un an plus tôt à Mont-Gabriel, un accord est conclu. Celui-ci comprend :

  • la reconnaissance du Québec comme société distincte et de l'existence des faits français et anglais;
  • un droit de veto pour toutes les provinces à l'égard de certains amendements constitutionnels;
  • le droit d'une province de se retirer, avec juste compensation, de tout programme cofinancé initié par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale, à condition qu'elle applique un programme ou une mesure compatible avec les objectifs « nationaux »;
  • des pouvoirs accrus pour les provinces en matière d'immigration;
  • la nomination des trois juges québécois à la Cour suprême par le gouvernement fédéral, sur proposition du gouvernement du Québec.

La question de la réforme du Sénat, importante pour les provinces de l'Ouest, a également fait partie des discussions.

Le 3 juin 1987, tous les premiers ministres réunis à Ottawa signent le texte final de l'accord.

Comme l'accord comporte des modifications constitutionnelles et que certaines exigent l'unanimité, l'ensemble des assemblées législatives provinciales ainsi que la Chambre des communes et le Sénat doivent ratifier l'accord à l'intérieur d'un délai de trois ans suivant l'adoption de la première résolution à l'origine de la modification, pour que celui-ci entre en vigueur. L'Assemblée nationale du Québec sera la première à adopter cette résolution, le 23 juin 1987. L'accord n'entrera toutefois jamais en vigueur (voir la fiche sur l'échec de l'accord du lac Meech).

Le premier ministre Brian Mulroney lit une déclaration à la suite de la conclusion d'un accord de principe, le 30 avril 1987, entre les premiers ministres des provinces, pour modifier la Constitution. De gauche à droite : Richard Hatfield (N.-B.), Robert Bourassa (Qc), David Peterson (Ont.), John Buchanan (N.-É.), Howard Pawley (Man.), Bill Vander Zalm (C.-B.), Joe Ghiz (Î.-P.-É.), Grant Devine (Sask.), Brian Peckford (T.-N.-L.), et Don Getty (Alb.)
Presse canadienne\Charles Mitchel

1988

Arrêts Ford et Devine

La Cour suprême du Canada, dans deux décisions rendues en 1988 (Ford c. Québec et Devine c. Québec), déclare que les articles de la Charte de la langue française (communément appelée « loi 101 ») qui imposaient l'unilinguisme dans l'affichage public, la publicité commerciale et les raisons sociales sont contraires à la liberté d'expression garantie par la Charte des droits et libertés de la personne, une loi québécoise quasi constitutionnelle adoptée en 1975, et par la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a néanmoins statué que le Québec pourrait imposer la prédominance nette du français sur toute autre langue.

Ces décisions comptent parmi les premières où les tribunaux ont eu à se pencher sur la validité de la Charte de la langue française, une loi adoptée en 1977 visant à protéger la pérennité du français au Québec, au regard des dispositions contenues dans la Charte canadienne des droits et libertés. Elles illustrent, de façon concrète, les conséquences de l'entrée en vigueur de cette charte constitutionnalisée et la diminution des pouvoirs du Parlement du Québec qu'elle a entraînée.

23 juin 1990

Échec de l'accord du lac Meech

Moins d'un mois après l'accord survenu au lac Meech, l'ex-premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, exprime une opposition virulente au projet. Cette sortie marque le début de certains mouvements de contestation. Le nouveau premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, est le premier à exiger des modifications à l'accord, à la suite d'un engagement qu'il avait pris pendant la campagne électorale de 1987, à la demande des communautés acadiennes.

Dans ce contexte, et à quelques mois du délai d'expiration de l'entente, Jean Charest, alors ministre dans le gouvernement de Brian Mulroney, dépose un rapport dans lequel sont proposées des modifications importantes à l'accord initial. Les premiers ministres des provinces se réunissent le 3 juin 1990, pour chercher une solution qui permettrait de sauver l'accord du lac Meech. Après une semaine de discussions à huis clos, ils en viennent à une entente de principe. Cette entente satisfait le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, qui déclare : « Le Québec a fait des gains; le Canada a fait des gains. »

Malgré cette entente de dernière minute, le processus avortera, compte tenu de la non-ratification de l'entente par les assemblées législatives de Terre-Neuve-et-Labrador et du Manitoba. Le délai de ratification de l'accord du lac Meech expire officiellement le 23 juin 1990, trois ans après son approbation par le Québec.

23 juin 1990

Déclaration de Robert Bourassa

Le soir même de l'échec officiel de l'accord du lac Meech, le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, prononce un discours devant l'Assemblée nationale, dans lequel il déclare que désormais, le Québec négociera de façon bilatérale avec Ottawa. Il y affirme également ce qui suit : « [l]e Canada anglais doit comprendre de façon très claire que, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement. »

1990-1991

Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec (commission Bélanger-Campeau)

La création de la commission Bélanger-Campeau est une conséquence directe de l'échec de l'accord du lac Meech. Présidée par Michel Bélanger et Jean Campeau, la Commission avait pour mandat d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec. Elle était composée de 36 membres, dont 18 députés de l'Assemblée nationale représentant tous les partis politiques y siégeant et 18 personnes issues de la société civile et de la députation fédérale.

La Commission a tenu des audiences publiques dans onze villes du Québec et commandé une douzaine d'études indépendantes portant sur des éléments d'analyses économiques, institutionnelles, juridiques et démolinguistiques, pertinents à la révision du statut politique et constitutionnel du Québec.

Déposé en mars 1991, le rapport de la Commission recommandait l'organisation d'un référendum sur la souveraineté du Québec en 1992, ainsi que la mise en place d'une commission parlementaire dont le mandat serait d'apprécier toute offre de nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite d'ici là par le gouvernement fédéral.

L'Assemblée nationale donna suite à ces recommandations lorsqu'elle adopta la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec (aussi appelée « loi 150 »), en juin 1991.

Mai 1991

Comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat sur le renouvellement constitutionnel (comité Beaudoin-Dobbie)

En mai 1991, le gouvernement fédéral annonce la création d'un comité mixte d'examen des modifications constitutionnelles, le comité Beaudoin-Dobbie, du nom de ses deux présidents, le sénateur Gérald Beaudoin et la députée fédérale Dorothy Dobbie. Les travaux de ce comité, composé de membres des deux chambres du Parlement et des trois principaux partis fédéraux, sont compilés dans le document intitulé Bâtir ensemble l'avenir du Canada : propositions.

Le document énonce une série de recommandations qui formeront la base de l'entente de Charlottetown. On y propose, entre autres, la reconnaissance du Québec comme société distincte, en y ajoutant l'importance des minorités francophones et anglophones à travers le Canada, la mise en place d'un Sénat élu ainsi que le renforcement de l'union économique canadienne.

5 février 1991

Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains (accord Gagnon-Tremblay–McDougall)

À la suite de l'échec de l'accord du lac Meech, le gouvernement fédéral et celui du Québec parviennent néanmoins à répondre partiellement à l'une des revendications historiques de ce dernier, dans le cadre d'une entente administrative, en concluant Les contenus suivants peuvent comporter des obstacles à l'accessibilité. l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains (aussi appelé « accord Gagnon-Tremblay–McDougall »).

Le fondement politique de cet accord est la reconnaissance explicite du caractère distinct du Québec et de son pouvoir d'exercer en conséquence des responsabilités, uniques parmi les provinces canadiennes, qui lui permettent d'assurer sa sécurité démographique et sa pérennité linguistique. L'Accord s'articule autour de deux axes majeurs, soit le partage des pouvoirs en matière d'immigration et le retrait fédéral du champ de l'accueil et de l'intégration des immigrants, retrait accompagné du versement annuel d'une juste compensation financière.

L'Accord ne peut être modifié unilatéralement et n'a pas de date d'échéance, d'où son statut qualifié de quasi constitutionnel. Concrètement, en vertu de cet accord, le Québec possède le pouvoir exclusif de sélectionner les immigrants qui souhaitent s'établir sur son territoire (à l'exception des membres de la catégorie du regroupement familial et des réfugiés dont le statut est reconnu au Québec) et est maître d'œuvre en matière d'accueil et d'intégration linguistique et culturelle, de même qu'en ce qui a trait aux services d'intégration économique aux résidents permanents. Il se voit, par ailleurs, garantir la possibilité de recevoir un nombre d'immigrants proportionnel à son poids démographique au sein du Canada, plus 5 % additionnels, s'il le juge à-propos.

Cet accord n'est toutefois pas le premier du genre, car le Canada et le Québec disposaient d'ententes en matière d'immigration depuis 1971. La première, l'entente Lang-Cloutier (1971), a été suivie de l'entente Andras-Bienvenue (1975), puis de l'entente Cullen-Couture (1979).

1992

Entente de Charlottetown

Le 28 août 1992, à Charlottetown, les premiers ministres des dix provinces et des deux territoires, dont le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, et le premier ministre fédéral, Brian Mulroney, de même que les présidents des quatre principales organisations nationales autochtones s'entendent sur d'importantes modifications à apporter à la Constitution canadienne.

L'entente de Charlottetown prévoit, entre autres :

  • la reconnaissance du Québec en tant que société distincte;
  • la transformation du Sénat en Chambre élue;
  • une garantie d'un minimum de 25 % des sièges pour le Québec à la Chambre des communes;
  • la possibilité pour le Québec de nommer trois juges de la Cour suprême;
  • une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un nouveau programme cofinancé mis sur pied par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale exclusive, si cette province met en œuvre un programme ou une initiative compatible avec les objectifs nationaux.

Avant d'être ratifiée par l'Assemblées législatives provinciales ainsi que la Chambre des communes et le Sénat, l'entente de Charlottetown a été soumise à la population, lors d'un référendum qui a eu lieu le 26 octobre 1992. Dans les faits, il y eut deux référendums : un au Québec, tenu dans le cadre de la Loi sur la consultation populaire, et un autre dans les autres provinces et les territoires, tenu sous l'égide de la Loi référendaire fédérale.

Dans les deux cas, la question posée était la suivante : « Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992? Oui ou non. » Au Québec, l'option du « non » l'emporta, avec 57 % des voix. Dans le reste du Canada, le « non » obtint 54 % des voix. Ces résultats sonnent le glas de l'entente conclue quelques mois plus tôt.

30 octobre 1995

Référendum sur la souveraineté du Québec

Le 7 septembre 1995, Jacques Parizeau, premier ministre du Québec, dépose à l'Assemblée nationale le projet de loi no 1, Loi sur l'avenir du Québec. Essentiellement, ce projet de loi propose que le Québec devienne démocratiquement un pays souverain et autorise l'Assemblée nationale à proclamer la souveraineté du Québec. Il comprend, notamment, une déclaration de souveraineté ainsi que le texte de l'entente tripartite intervenue le 12 juin 1995 entre le Parti québécois, l'Action démocratique du Québec et le Bloc québécois.

Le 30 octobre 1995, les électeurs québécois sont appelés à se prononcer, par voie de référendum, sur la question suivante : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995? »

Quelque 50,58 % des électeurs répondent « non » et 49,42 %, « oui ».

Le taux de participation s'élève à 93,5 % des électeurs inscrits (4,7 millions de votes exprimés).

11 décembre 1995

Motion sur la reconnaissance du Québec comme société distincte

Quelques jours avant le référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec, le premier ministre du Canada, Jean Chrétien, promet, lors d'un discours prononcé à l'auditorium de Verdun, de reconnaître le Québec comme société distincte. Cette promesse se concrétisera sous la forme d'une motion, adoptée par la Chambre des communes, proposant que :

  1. la Chambre reconnaisse que le Québec forme, au sein du Canada, une société distincte;
  2. la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;
  3. la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité;
  4. la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.

Cette motion, qui n'a aucun effet juridique, constitue néanmoins une reconnaissance symbolique du caractère distinct du Québec.

Avril 1997

Entente Canada-Québec relative au marché du travail

En avril 1997, le gouvernement du Québec, alors dirigé par le premier ministre Lucien Bouchard, conclut avec le gouvernement fédéral l'Entente sur le développement du marché du travail. Cette entente prévoit le transfert au Québec du financement fédéral récurrent provenant du fonds d'assurance-emploi, le Québec devenant ainsi le maître d'œuvre sur son territoire pour la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des mesures actives d'emploi. Cette entente historique fait suite à une revendication du Québec de longue date, à savoir que la formation de la main-d'œuvre relève de sa compétence.

En vertu de cette entente, qui assure une réduction importante des dédoublements administratifs, le gouvernement du Québec a, entre autres, mis sur pied Emploi-Québec, qui offre un guichet unique pour tous les services publics reliés à l'emploi.

De plus, à la suite de cette entente, le Québec établit un modèle de partenariat unique au Canada, qui donne des résultats probants et qui favorise la participation et la contribution de tous les partenaires du marché du travail (employeurs, employés, établissements d'enseignement et organismes communautaires) à la formation de la main-d'œuvre ainsi qu'au développement des compétences.

1997

Déconfessionnalisation du système scolaire québécois

Depuis 1867, en vertu de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, les écoles confessionnelles, au Québec et ailleurs au Canada, jouissent d'une protection constitutionnelle. L'article 93, qui édicte la compétence exclusive des provinces en matière d'éducation, consacre, par ailleurs, le droit identique des deux grandes religions qui existaient au pays en 1867 (catholicisme et protestantisme) à des écoles confessionnelles et à des structures pour les régir.

En 1997, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral s'entendent pour soustraire ce premier de l'application des paragraphes 1 à 4 de l'article 93 et ainsi rendre juridiquement possible la déconfessionnalisation du système scolaire québécois.

C'est en empruntant la procédure de modification constitutionnelle prévue à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982, qualifiée de « procédure relative aux arrangements spéciaux » ou de « procédure bilatérale de modification constitutionnelle », que l'Assemblée nationale du Québec, la Chambre des communes et le Sénat ont été en mesure, par leur consentement mutuel, d'ajouter l'article 93A) au texte constitutionnel de l'article 93.

L'article 43 prévoit que les dispositions applicables à certaines provinces seulement peuvent être modifiées avec le seul accord de la Chambre des communes, du Sénat et de l'assemblée législative de la province concernée.

20 août 1998

Renvoi relatif à la sécession du Québec

À la suite du résultat serré du référendum tenu au Québec quelques mois plus tôt, le gouvernement fédéral s'adresse, le 30 septembre 1996, à la Cour suprême pour qu'elle se prononce sur certaines questions relatives à l'accession du Québec à la souveraineté. Dès l'amorce du renvoi, le gouvernement du Québec a annoncé qu'il n'y participerait pas, considérant que la question de la souveraineté du Québec devait être tranchée par la population du Québec, et non par les tribunaux.

Dans son avis rendu public le 20 août 1998, la Cour suprême conclut qu'en droit interne canadien, la sécession requiert une modification constitutionnelle devant avoir lieu à la suite d'une négociation et qu'une sécession unilatérale, définie comme une sécession effectuée sans négociations préalables conformes à certains principes que la Cour a déterminés, serait illégale.

Selon la Cour, l'expression non ambiguë d'une majorité claire de Québécois de leur désir de ne plus faire partie du Canada donnerait toutefois une légitimité aux efforts du gouvernement du Québec en vue de réaliser la sécession par des voies constitutionnelles. Une telle volonté québécoise entraînerait également une obligation constitutionnelle de négocier pour le gouvernement fédéral et les autres provinces. Enfin, la Cour considère que le droit international ne confère pas au Québec un droit positif à la sécession, en spécifiant cependant qu'il ne l'interdit pas non plus. Ainsi, la Cour n'écarte pas la possibilité d'une sécession de facto, dont le succès ultime dépendrait de sa reconnaissance par la communauté internationale.

29 juin 2000

Loi de clarification ou loi sur la clarté

Dans la foulée du Renvoi relatif à la sécession du Québec rendu par la Cour suprême, le Parlement canadien adopte la Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec (communément appelée « loi de clarification » ou « loi sur la clarté »), laquelle a reçu la sanction royale le 29 juin 2000.

Par cette loi, la Chambre des communes se donne le pouvoir de juger de la clarté d'une éventuelle question référendaire devant mener à la souveraineté d'une province et d'évaluer le niveau d'une majorité qui serait légitime pour que le gouvernement fédéral accepte de s'acquitter de son obligation constitutionnelle de négocier, dégagée dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec.

28 février 2001

Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec

Le 7 décembre 2000, l'Assemblée nationale adopte la Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'état du Québec (appelée aussi « loi 99 »). Cette loi québécoise, entrée en vigueur par décret le 28 février 2001, affirme, notamment, que le peuple québécois a le droit inaliénable de choisir librement le régime politique et le statut juridique du Québec et qu'il détermine seul, par l'entremise des institutions politiques qui lui appartiennent en propre, les modalités de l'exercice de ce droit. Lorsque le peuple est consulté par un référendum, l'option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés valides.

Cette loi énonce également que l'État du Québec est souverain, tant à l'interne que sur la scène internationale, dans les domaines de compétence qui sont les siens et qu'il tient sa légitimité de la volonté du peuple qui habite son territoire.

À tous ces égards, la loi 99 ne confère pas à l'Assemblée nationale du Québec de pouvoirs dont elle ne dispose pas déjà.

7 mars 2002

Commission d'étude sur le déséquilibre fiscal

En mars 2001, le premier ministre, Bernard Landry, annonce la création d'une commission chargée d'enquêter sur le déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces. La présidence de la commission est confiée à Yves Séguin, un ex-ministre du gouvernement de Daniel Johnson. Le rapport conclut à l'existence d'un important déséquilibre fiscal et recommande un certain nombre de mesures visant à le corriger, notamment :

  • la nécessité de moyens financiers supplémentaires pour les provinces;
  • l'abolition du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux et la libération d'un nouvel espace fiscal;
  • des modifications importantes au programme de péréquation;
  • des réponses au « pouvoir fédéral de dépenser »;
  • des mécanismes pour se prémunir contre toute nouvelle cause de déséquilibre fiscal.

Décembre 2003

Conseil de la fédération

Créé en décembre 2003, le Conseil de la fédération, dont le Québec a été le principal instigateur, constitue un forum de discussion et de dialogue permettant aux premiers ministres des provinces et des territoires de partager leurs expériences et d'approfondir leurs collaborations. L'entente fondatrice décrit les caractéristiques essentielles du Conseil ainsi que son mode de fonctionnement.

Le Conseil vise « à redonner aux provinces l'influence ainsi que la force nécessaires pour qu'elles deviennent de véritables partenaires dans le Canada de demain », en élaborant des positions communes entre les provinces et les territoires. Il effectue des travaux sur des enjeux intergouvernementaux nécessitant le partage d'expertise et une concertation entre les membres (par exemple les transferts fédéraux aux provinces). Il peut également examiner les actions ou mesures du gouvernement fédéral qui ont un impact majeur sur les provinces et les territoires.

Le Conseil de la fédération se réunit au moins deux fois par année.

Du 13 au 16 septembre 2004

Accord asymétrique sur la santé

Lors de la Conférence des premiers ministres sur la santé, tenue à Ottawa en septembre 2004, les premiers ministres du Canada et du Québec ont conclu un accord intitulé Fédéralisme asymétrique qui respecte les compétences du Québec. Cet accord bilatéral reconnaît, pour la première fois en termes explicites, le concept de fédéralisme asymétrique ainsi que la pleine responsabilité du gouvernement du Québec à l'égard de la planification, de l'organisation et de la gestion des services de santé sur son territoire.

Les premiers ministres des provinces et des territoires ont également concouru à la reconnaissance de cette asymétrie dans un accord multilatéral intitulé Un plan décennal pour consolider les soins de santé, également conclu lors de la rencontre de septembre 2004.

1er mars 2005

Accord sur le transfert des congés parentaux au Québec

En 1996, en conformité avec la politique familiale qu'il venait d'adopter, le gouvernement du Québec exprime son souhait d'entamer des négociations avec le gouvernement fédéral afin de pouvoir implanter son propre régime d'assurance parentale et d'obtenir une réduction correspondante des taux de cotisation des travailleurs québécois à la caisse de l'assurance-emploi.

Au cours des années qui suivront, le Québec tentera à plusieurs reprises, mais sans succès, de mener à bien ces négociations avec le gouvernement fédéral.

Devant le refus du gouvernement fédéral de négocier, le Québec demande, en mars 2002, à la Cour d'appel du Québec de statuer sur la validité constitutionnelle du régime fédéral de prestations de maternité et parentales instauré par les articles 22 et 23 de la Loi sur l'assurance-emploi.

Le 28 janvier 2004, la Cour d'appel du Québec rend un avis donnant raison au Procureur général du Québec. C'est à la suite de cet avis que les pourparlers avec le gouvernement fédéral reprennent. Une entente de principe est conclue en mai 2004, et l'entente finale est annoncée en février 2005. C'est le 1er janvier 2006 que le Régime québécois d'assurance parentale voit le jour.

Dans l'intervalle, le procureur général du Canada en a toutefois appelé de l'avis de la Cour d'appel du Québec devant la Cour suprême du Canada, laquelle lui donne raison dans un avis rendu le 20 octobre 2005. L'entente finale Canada-Québec sur le Régime québécois d'assurance parentale n'est toutefois pas remise en cause par l'avis de la Cour suprême.

Grâce à cette entente Canada-Québec, les parents du Québec bénéficient aujourd'hui d'un régime plus généreux, plus souple, plus accessible, qui soutient davantage la paternité et qui facilite la conciliation travail-famille.

5 mai 2006

Accord entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada, relatif à l'UNESCO

Le 5 mai 2006, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada signent un accord historique relatif à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO).

En vertu de cet accord, le Québec dispose désormais d'un représentant permanent au sein de la Délégation permanente du Canada auprès de l'UNESCO et il peut ainsi être représenté à tous les travaux, réunions et conférences de l'Organisation. Par ailleurs, l'accord prévoit que le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec se concerteront sur tout vote, toute résolution, toute négociation et tout projet d'instrument international élaborés sous l'égide de l'UNESCO. Enfin, l'Accord ne peut être abrogé ou modifié qu'avec le consentement du gouvernement du Québec.

Le Québec a toujours cherché activement à participer pleinement aux négociations internationales portant sur des matières qui relèvent de ses compétences législatives. L'Accord relatif à l'UNESCO revêt à cet égard une importance particulière, car il permet de formaliser la reconnaissance par le gouvernement fédéral du rôle légitime qu'occupe le Québec dans le domaine international. En outre, il consacre, pour la première fois, le droit du gouvernement du Québec de faire entendre sa voix au sein d'une organisation des Nations Unies.

Jean Charest et Stephen Harper, lors de la signature de l'Accord entre le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada relatif à l'UNESCO.

Photo : Roch Théroux, pour le Protocole du gouvernement du Québec.

27 novembre 2006

Motion reconnaissant que les Québécois forment une nation

Le 27 novembre 2006, la Chambre des communes, à l'initiative du gouvernement de Stephen Harper, adopte la motion suivante : « Que cette Chambre reconnaisse que les Québécoises et les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni. »

Cette motion, qui n'a aucun effet juridique, constitue néanmoins une reconnaissance symbolique, qui a été acceptée par tous les partis fédéraux.

Chambre des communes à Ottawa

22 décembre 2011

Renvoi sur les valeurs mobilières

Depuis plus de 75 ans, le gouvernement fédéral souhaite centraliser la réglementation des valeurs mobilières, un domaine pourtant reconnu par les tribunaux comme relevant de la compétence des provinces. Le gouvernement fédéral prétend néanmoins qu'il a compétence pour légiférer en la matière. En 2009, il met sur pied un bureau de transition en vue de créer une commission unique de réglementation des valeurs mobilières. Pour le gouvernement du Québec, le projet du gouvernement fédéral va à l'encontre de la Constitution, et un renvoi est donc entrepris devant la Cour d'appel du Québec, qui l'a déclaré inconstitutionnel.

Sans attendre le résultat de ce renvoi, le gouvernement fédéral dépose, en mai 2010, un avant-projet de loi visant à réglementer, de manière exhaustive, le domaine des valeurs mobilières et à établir une commission unique de compétence fédérale. Il soumet simultanément ce projet de loi à la Cour suprême du Canada, afin que celle-ci se prononce sur sa constitutionnalité.

Le 22 décembre 2011, la Cour suprême rend un avis unanime dans lequel elle conclut, à l'instar de la Cour d'appel du Québec, que l'avant-projet de loi fédéral ne respecte pas la Constitution. La Cour estime ainsi que cet avant-projet de loi ne relève pas, comme le prétend le gouvernement fédéral, de sa compétence législative en matière d'échanges et de commerce (paragraphe 91[2] de la Loi constitutionnelle de 1867) et qu'il s'agit d'une « intrusion massive » dans le champ de compétence des provinces. En effet, selon la Cour, cette matière relève essentiellement de la compétence exclusive des provinces en matière de propriété et de droits civils (paragraphe 92[13] de la Loi constitutionnelle de 1867).

La Cour rappelle, par ailleurs, que le fédéralisme est un principe constitutionnel qui joue un rôle important dans l'interprétation de la Constitution. À cet égard, elle rappelle le gouvernement fédéral à l'ordre, en spécifiant qu'il ne peut « vider de son essence » une compétence provinciale en rattachant une matière à l'une de ses propres compétences.

1er octobre 2013

Mise en place du marché du carbone Québec-Californie

En 2008, le Québec adhère à la Western Climate Initiative, un regroupement d'états américains et de provinces canadiennes qui souhaitent lutter collectivement contre les changements climatiques. Parallèlement, le Québec participe activement à l'élaboration des bases d'un système nord-américain de plafonnement et d'échange de droits d'émission (SPEDE) de gaz à effet de serre (GES).

Le SPEDE du Québec entame ses opérations le 1er janvier 2013. Ce système est appelé à jouer un rôle important dans le Plan d'action du gouvernement du Québec sur les changements climatiques.

Le 1er octobre 2013, le Québec et la Californie signent une entente pour lier leur SPEDE respectif. Le 1er janvier 2014, la liaison des deux systèmes entre en vigueur, et une première vente aux enchères commune d'unités d'émission a lieu le 25 novembre 2014.

En établissant un marché commun du carbone, les gouvernements du Québec et de la Californie créent une liaison historique qui ouvre la voie à l'élargissement de ce marché à une plus grande échelle en Amérique du Nord, mais aussi à travers le monde. Par ailleurs, le Québec et la Californie établissent le premier marché du carbone dans le monde à avoir été conçu et à être exploité par des États fédérés de pays différents. Ils démontrent, par le fait même, toute la pertinence du rôle joué par les États fédérés dans la lutte contre les changements climatiques.

21 mars 2014

Renvoi sur la nomination des juges à la Cour suprême

Le 3 octobre 2013, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a nommé Marc Nadon à l'un des trois postes de juge réservés au Québec à la Cour suprême. Le juge Nadon était jusqu'alors juge surnuméraire à la Cour d'appel fédérale. Historiquement, il a toujours été prévu que les trois postes de juge réservés au Québec devaient être pourvus par des juges provenant des cours supérieures du Québec ou par des avocats appartenant au Barreau, ce qui n'était pas le cas du juge Nadon. Cette nomination marquait également une rupture avec une tradition vieille de plus de trente ans, voulant que les juges québécois nommés au plus haut tribunal du Canada proviennent de la Cour d'appel du Québec.

À la suite de la contestation de la légalité de cette nomination devant la Cour fédérale, et face à la possibilité que le gouvernement du Québec dépose un renvoi devant la Cour d'appel du Québec, le gouvernement fédéral a demandé, le 22 octobre 2013, à la Cour suprême de se prononcer sur la question.

Dans son avis, la majorité de la Cour (six juges sur sept) conclut que la nomination du juge Nadon devait être annulée, puisque sa candidature n'était pas admissible dès le départ. Selon les six juges, un régime particulier de nomination a été prévu en ce qui concerne le Québec, dans le but de tenir compte de sa spécificité juridique et de ses valeurs sociales distinctes et de les protéger, et afin de favoriser la légitimité de la Cour auprès des Québécois. En outre, la Cour suprême confirme que les caractéristiques essentielles de la plus haute instance juridique du pays, dont fait partie le régime particulier prévu pour le Québec, sont protégées par la Constitution et ne peuvent pas être modifiées unilatéralement par le parlement fédéral.

Édifice de la Cour suprême du Canada à Ottawa

25 avril 2014

Renvoi sur la réforme du Sénat

La réforme du Sénat est une revendication de longue date des provinces de l'Ouest, qui se sont senties historiquement marginalisées au sein des institutions fédérales. Le Québec, qui n'a jamais adhéré formellement à la Loi constitutionnelle de 1982, a toujours eu une ouverture à discuter de cette question, pour autant que ses propres revendications historiques soient également examinées.

À la suite de son élection, en 2006, le gouvernement de Stephen Harper est résolu à réformer le Sénat sans entreprendre de négociations constitutionnelles. Or, la réforme du Sénat est explicitement assujettie à la procédure de modification constitutionnelle et exige, pour l'essentiel, le consentement des provinces, de la chambre des communes et du Sénat. C'est en tentant ainsi d'écarter le processus de négociations constitutionnelles que le gouvernement fédéral articule plusieurs projets de loi qui chercheront à respecter la lettre de la Constitution tout en visant, sur le fond, à apporter des modifications substantielles à la configuration du Sénat (limitation de la durée du mandat des sénateurs et élections consultatives).

Constatant que les projets de réforme du gouvernement Harper violent l'esprit de la Constitution et le principe du fédéralisme, le gouvernement du Québec entreprend, le 4 avril 2012, un renvoi devant la Cour d'appel du Québec qui déclarera, à l'unanimité, que cette réforme unilatérale du Sénat est inconstitutionnelle.

Voulant couper court au renvoi entrepris par le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral s'adresse, le 1er février 2013, à la Cour suprême du Canada, afin de savoir jusqu'à quel point il serait en mesure de modifier unilatéralement la Chambre haute.

L'avis unanime de la Cour suprême, rendu le 25 avril 2014, est sans ambiguïté. Pour la Cour, le Sénat fait partie intégrante du compromis fédératif et, à ce titre, le gouvernement fédéral ne peut modifier seul sa nature ou son rôle fondamental. Plus largement, la Cour reconnaît aux provinces un droit de participation aux modifications constitutionnelles mettant en cause leurs intérêts.

Sénat du Canada