11 avril 2016
Au moment même où quelques citoyens anonymes utilisent une plateforme de CBC pour afficher leur mépris à l’égard du français, partout ailleurs, le français s’affirme et acquiert une reconnaissance et une légitimité renouvelée.
Avec la fin du Mois de la Francophonie et à l’occasion du 150e anniversaire de la Fédération, il est nécessaire de dresser un bilan de l’état des lieux pour envisager la suite.
Quels espoirs naîtront du 150e?
Quelle vision d’avenir allons-nous célébrer?
Il y a cinquante ans, au Québec, la majorité francophone cherchait à affirmer son statut majoritaire, alors que la minorité anglophone se considérait essentiellement à l’écart et que plusieurs membres de cette communauté refusaient d’apprendre le français. Les temps ont bien changé.
Aujourd’hui, une forte majorité des jeunes anglophones sont bilingues. Parmi les nouveaux arrivants de 2010 à 2014, 85 % connaissaient le français à leur arrivée ou l’apprenaient dans nos écoles françaises, pour les enfants, ou par les services de francisation du ministère de l’Immigration, pour les adultes.
Peu importe notre langue d’origine, nous choisissons aujourd’hui d’être ensemble pour le français, notre langue commune.
Évidemment, des défis demeurent, mais nos récents progrès constituent un encouragement à poursuivre nos efforts.
Au-delà du Québec, les autres espaces de francophonie canadienne comptent 2,6 millions de francophones et francophiles.
Depuis 1980, ces espaces grandissent. On assiste à la multiplication des classes et des écoles d’immersion française, où l’on comptait 23 000 élèves à l’époque, mais près de 400 000 aujourd’hui. Et c’est une progression qui ne s’essouffle pas : entre 2007 et 2014, elle surpasse les 25 %. L’offre ne suffit plus à la demande. Les places font même parfois l’objet d’un tirage au sort. Canadian Parents for French et d’autres organisations francophiles regroupant de nombreux parents, dont parfois ni l’un ni l’autre ne parlent français, ont volontairement choisi d’offrir à leurs enfants un avenir en français.
Nous sommes de plus en plus nombreux au Canada, peu importe la langue parlée, à choisir d’être ensemble pour le français.
Au cours des dernières années, des provinces et territoires ont amorcé des actions favorisant l’offre active de services gouvernementaux en français. Récemment, les gouvernements ont uni leurs voix pour favoriser l’immigration en français. Une rencontre conjointe des ministres de l’immigration et des ministres de la francophonie canadienne est prévue, cet automne, pour y travailler. Une première!
Durant la dernière année, quatre cents drapeaux franco-ontariens ont été hissés; certains dans des endroits où, il n’y a pas si longtemps, des résolutions municipales excluaient le français.
Encore récemment, le Gouvernement de l’Ontario et tous les membres de l’Assemblée législative, tous partis confondus, offraient leurs excuses aux Franco-Ontariens à l’égard du bannissement du français en éducation au début du siècle dernier.
Il faut aussi souligner la décision du nouveau gouvernement fédéral de prendre résolument le parti de Radio-Canada pour lui donner les outils nécessaires à sa mission, notamment d’assurer le rayonnement des communautés francophones du Canada. Bravo!
Nous avons signé de nouvelles ententes de coopération en francophonie avec le Manitoba et le Yukon, dans lesquelles les gouvernements s’engagent, pour la première fois, à investir, sur une période de cinq ans, des montants d’argent prédéterminés.
Dans la foulée de l’initiative Québec-Ontario de 2014, le Manitoba et le Yukon ont signé, avec nous, une déclaration sur la francophonie. Nous espérons que d’autres s’ajouteront.
Ces déclarations établissent que le français fait partie de l’identité canadienne et engagent les gouvernements à travailler à sa promotion, à sa protection, à sa pérennité et à sa vitalité.
Le français bénéficie d’une légitimité nouvelle au Canada. Il y aura encore des déclarations malencontreuses; il y aura encore des décisions malheureuses; il y aura encore des batailles. Mais, il y aura des victoires et, plus que jamais, il y a l’espoir!
L’année 2017 est un moment pour cultiver et récolter l’espoir.
Un moment pour se rappeler que le français est la langue d’exploration et de fondation de notre pays et qu’il est intimement lié à son histoire, bien sûr, mais surtout à son avenir. Notre langue offre une place distinctive au Canada dans le monde.
Élargissons l’espace francophone en ouvrant la porte des écoles au-delà du minimum constitutionnel et déployons plus de ressources à tous ceux et celles qui espèrent une place en immersion française.
Favorisons l’immigration en français en adoptant un véritable plan d’action ciblé qui, dans un premier temps, nous mènera rapidement à un seuil minimal égal à la proportion de francophones au Canada, soit 4,4 %. Donnons-nous ainsi, et pour la première fois, un véritable levier de pérennité.
Réunissons notre histoire et notre présence francophone en liant les circuits touristiques et patrimoniaux de la francophonie canadienne. Ne faut-il pas d’abord se connaître avant d’espérer pouvoir se reconnaître?
Depuis cinquante ans, dans la foulée d’un nécessaire « maître chez nous », nous avons dit qu’au Québec, c’était chez nous, et qu’ailleurs, c’était chez eux.
Une identité québécoise est née : pour certains, elle est exclusive; pour plusieurs, elle permet des appartenances plurielles. Une claire majorité de fiers Québécois, soit plus de 75 %, indique aux sondeurs, à divers degrés, une appartenance canadienne (CROP – automne 2015).
On les entend poser cette question : « Et si ailleurs, c’était aussi un peu chez nous? »
Favoriser la résonance de notre langue, au Canada, c’est favoriser l’émergence et le développement de notre appartenance en son sein.
Pour le prochain Mois de la Francophonie, soit celui du 150e, peu importe notre origine ou notre langue, nous pouvons choisir, pour l’avenir, de faire route ensemble pour le français.