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Énergie Est : l’importance du dialogue

23 octobre 2017

Jean-Marc Fournier Leader parlementaire du gouvernement et ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne.

TransCanada a renoncé à son projet de pipeline Énergie Est. Cette décision a suscité de vives réactions de la part de certains porte-parole dans l’ouest de notre pays. Parmi ces dernières, on accusait le Québec d’être un adversaire économique de l’Alberta.

J’étais à Calgary et à Edmonton, il y a deux semaines, et je faisais remarquer que nos échanges en biens et services s’élèvent à 16 milliards de dollars par année. À ceux qui souhaitent que nous reprenions un exercice de dénigrement mutuel qui sème la division, je réponds « voulons-nous voir nos échanges passer de 16 à 25 milliards de dollars ou de 16 à 5 milliards de dollars? »

Si l’on souhaite augmenter nos échanges commerciaux et profiter de toutes les autres occasions que le rapprochement rend possibles, il est essentiel d’aller au-delà des perceptions pour tenter de comprendre les faits.

D’abord, l’abandon du projet Énergie Est par la compagnie TransCanada n’est pas la conséquence d’un refus du Québec.

De nombreux observateurs ont indiqué qu’il s’agissait d’une décision d’affaires liée à la rentabilité du projet, basée, notamment, sur des facteurs comme le prix du pétrole et la récente acceptation de l’expansion du réseau de Trans Mountain de Kinder Morgan, du remplacement du pipeline de la ligne 3 d’Enbridge ainsi que de l’oléoduc Keystone de TransCanada.

Déjà, le 19 juin dernier, Gordon Laxer, le fondateur de l’Institut Parkland de l’Université de l’Alberta, posait la question suivante : « Pourquoi augmenter la capacité de transport des oléoducs ou proposer de nouveaux projets comme celui du pipeline Énergie Est de TransCanada alors que le développement des sables bitumineux se dirige tout droit dans le mur? »

Il y a deux jours, dans The Globe and Mail, le professeur associé d’économie à l’Université de Calgary, Trevor Tombe, affirmait ceci au sujet de la péréquation : « While reasonable people can disagree over whether the federal government should support poorer provinces, and how such support is structured, most of what Albertans hear on the topic is wrong and the proposal to remove natural resources from the formula will backfire. »

L’Alberta ne parle pas d’une seule voix. Bien sûr, le Québec non plus. Rappelons qu’à Ottawa, le député québécois du Parti conservateur du Canada, Gérard Deltell, a déclaré qu’il s’agissait d’une « journée triste pour le Canada ». En même temps, un autre député québécois, le chef parlementaire du NPD, Guy Caron, déplorait l’absence d’acceptabilité sociale du projet en raison de l’approche déficiente de TransCanada envers les communautés touchées.

Il y a une pluralité de vues en Alberta, comme il y a une pluralité de vues au Québec. Voilà la démonstration d’une saine démocratie. Présenter chaque société comme un bloc érigé contre l’autre n’est rien d’autre qu’un raccourci intentionnel dans le but de diviser et de polariser. Je cite de nouveau le professeur associé à l’Université de Calgary, Trevor Tombe : « Blaming others, dividing the province and misleading voters does real harm. It's not equalization that's broken; if anything, it's our politics. »

Ne nous contentons pas de raccourcis. Si l’on poursuit sur les faits, on doit rappeler que le Québec avait adopté sept principes pour étudier le projet Énergie Est : les mêmes que ceux adoptés par l’Ontario, inspirés de ceux de la Colombie-Britannique. Même le Gouvernement du Nouveau-Brunswick, qui s’est clairement prononcé en faveur du projet, reconnaissait la légitimité de ces principes. TransCanada a abandonné le projet avant l’évaluation de celui-ci sur la base de ces sept principes.

De l’autre côté, rappelons que la déception du gouvernement albertain est légitime. La chute des prix du pétrole entraîne des conséquences pour l’économie de l’Alberta et du Canada dans son ensemble. Aucun des partenaires fédératifs ne peut se réjouir des difficultés économiques de l’un ou de l’autre.

En prenant le temps de dialoguer dans le respect et la confiance, de tenter de nous comprendre, nous constatons que les faits contredisent les perceptions et nous amènent plus loin.

Nous ne pouvons éviter d’avoir parfois des intérêts divergents, mais nous pouvons refuser de nous transformer en adversaires. Nous sommes déjà partenaires. Pourquoi ne pas acquérir des mécanismes pour le devenir davantage?

Nos gouvernements et les acteurs politiques en général, la société civile, les acteurs des milieux d’affaires, sociaux ou communautaires de même que les citoyens de nos provinces respectives doivent se donner plus souvent rendez-vous et multiplier leurs interactions; en somme, se rapprocher.

Le dialogue ne nous préserve pas de nos différends, mais il nous permet de les résoudre honnêtement, correctement et avec respect.

C’est à ce genre de citoyenneté commune que je nous convie.