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« Adoption de la loi fédérale C-7 sur les jeunes contrevenants : Ottawa nie une fois de plus la spécificité du Québec »

Jean-Pierre Charbonneau

Québec, le 5 février 2002 - Le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et responsable des Relations avec les communautés francophones et acadiennes, M.  Jean-Pierre Charbonneau, dénonce l'intransigeance du gouvernement Chrétien qui a imposé hier soir le bâillon pour forcer l'adoption du projet de loi C-7 sur les jeunes contrevenants au mépris d'un consensus de l'Assemblée nationale et de l'ensemble des intervenants de la société québécoise en cette matière.

Le ministre déplore que par son intransigeance, le gouvernement fédéral compromettra par sa nouvelle loi l'approche québécoise fondée sur la réinsertion sociale des jeunes contrevenants plutôt que sur la gravité de l'infraction ce qui aura pour effet de les condamner automatiquement à une peine de prison.

M.  Charbonneau a fait valoir que c'est cette approche originale fondée sur la réinsertion plutôt que l'incarcération qui permet au Québec d'être au premier rang canadien du plus bas taux de criminalité juvénile et de récidive des jeunes contrevenants.

Le ministre québécois a déploré que le nouveau ministre fédéral de la Justice, M.  Martin Cauchon, n'ait même pas daigné rencontrer les représentants de la Coalition québécoise sur la justice des mineurs avant de forcer l'adoption de la loi fédérale sur les jeunes contrevenants.

Le ministre québécois a aussi dénoncé le silence du ministre fédéral responsable des relations fédérales-provinciales, M.  Stéphane Dion, qui n'a pas répondu ou réagi à la lettre qu'il lui adressait le 1er février dernier lui demandant d'intervenir auprès de son collègue de la Justice pour que l'on amende le projet de loi C-7 de façon à respecter le modèle québécois d'intervention auprès des jeunes en difficulté.

Pour M.  Charbonneau, par le rejet d'un tel amendement faisant l'objet d'un aussi large consensus québécois, les ministres Cauchon et Dion font la preuve dans les faits du caractère vide et purement artificiel de la résolution adoptée par les Communes en décembre 1995, au lendemain du référendum, sur la reconnaissance du caractère distinct du Québec.

Tout comme en 1982 lors du rapatriement unilatéral de la Constitution, ces mêmes députés libéraux fédéraux qui prétendent défendre les intérêts du Québec à Ottawa, ont voté unanimement contre le Québec, contre la spécificité, contre leur propre résolution sur le caractère distinct du Québec au profit d'une approche pancanadienne. « Triste jour pour les intervenants et les jeunes Québécois, le Gouvernement poursuivra désormais la bataille devant les tribunaux pour conserver les bénéfices de son approche privilégiant la réinsertion sociale des jeunes contrevenants » de conclure le ministre Jean-Pierre Charbonneau.

P.J. : Copie de la lettre adressée le 1er février 2002 à son homologue fédéral, M.  Stéphane Dion sur le projet de loi C-7


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Québec, le 1er février 2002

Monsieur Stéphane Dion
Ministre des Affaires intergouvernementales et
Président du Conseil privé
66, rue Slater, 8e étage, bureau 810
Ottawa (Ontario)
K1A 0A3

Monsieur le Ministre,

Le premier ministre du Québec, M.  Bernard Landry, m'a fait l'honneur de me nommer, le 30 janvier 2002, au poste de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. C'est à ce titre que je veux vous faire part de ma position à propos de la récente déclaration du ministre de la Justice du Canada, monsieur Martin Cauchon, concernant le projet de loi C- 7 sur la justice pénale pour les adolescents.

Celui-ci déclarait à la Chambre des Communes, le 28 janvier 2002, que le Québec n'affichait « aucun caractère distinct » lorsqu'il est question de jeunes contrevenants et devra, comme toutes les autres provinces, se conformer à la future loi C-7 sur la justice pénale pour les adolescents. Cette question me préoccupe grandement, notamment parce que j'ai été moi-même associé aux réformes en cette matière que le Gouvernement et l'Assemblée nationale du Québec ont adoptées, il y a maintenant plusieurs années.

Comme vous le savez, le projet de loi C-7 est condamné unanimement par l'ensemble des intervenants en matière de jeunesse et par les parlementaires de l'Assemblée Nationale du Québec puisqu'il remet complètement en cause l'approche de réadaptation développée au Québec. L'Assemblée nationale a adopté, à deux reprises (1er décembre 1999 et 23 mai 2001), une résolution unanime demandant à Ottawa d'exempter le Québec de l'application de la réforme fédérale en matière de jeunes contrevenants et de demeurer sous l'application de l'actuelle « Loi sur les jeunes contrevenants ».

Ainsi, la déclaration de votre collègue m'apparaît incompatible avec la motion portant sur la société distincte, présentée par le premier ministre du Canada et adoptée par la Chambre des Communes en décembre 1995. Je vous rappelle que, par cette motion, le Parlement fédéral reconnaissait « que le Québec forme au sein du Canada une société distincte » et qu'elle incitait « tous les organismes des pouvoirs législatifs et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence ». Aussi, m'apparaît-il incohérent de vouloir imposer au Québec une approche pancanadienne qui ne respecte ni son caractère distinct, que vous dites reconnaître, ni la valeur intrinsèque de sa politique progressiste internationalement reconnue en cette matière.

Je me dois d'ajouter aussi que le projet de loi C-7 et la façon dont il a été défendu par votre gouvernement vont totalement à l'encontre de « l'esprit fédéral » dont vous vous faites l'ardent défenseur sur toutes les tribunes. Dans ce contexte, je vous demande donc de prendre les moyens appropriés pour que le projet de loi C-7 soit amendé afin que soient respectés les vœux de l'Assemblée Nationale du Québec et de l'ensemble des intervenants québécois en matière de jeunesse. Je vous signale que notre position vise fondamentalement à mieux servir les intérêts et les besoins des jeunes Québécois et Québécoises en difficulté.

Monsieur le ministre, je sais bien que vous en êtes au dernier droit avant l'adoption du projet de loi par la Chambre des Communes. Je crois néanmoins qu'il n'est pas trop tard pour tenir compte de la demande du Québec. Au surplus, le règlement de ce différend démontrerait la volonté du gouvernement fédéral actuel d'établir des relations constructives avec le gouvernement du Québec.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, mes salutations distinguées.

(Signature)
Jean-Pierre Charbonneau