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Le 7 décembre 2000 Allocution de M. Joseph Facal prononcée lors de l’adoption du projet de loi no 99 à l'Assemblée nationale du Québec – Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives

La version prononcée fait foi.

Seul le texte prononcé fait foi

Monsieur le Président,

À chacune des étapes conduisant à son adoption, j'ai pris la parole pour exposer le bien-fondé et la nécessité du projet de loi no 99. Aujourd'hui, la conjoncture politique issue des résultats de l'élection fédérale du 27 novembre rend encore plus nécessaire selon moi que l'Assemblée nationale se porte à la défense des droits fondamentaux du peuple québécois ainsi qu'à la défense de ses propres pouvoirs et prérogatives.

Nous avons tous entendu le premier ministre du Canada déclarer, dès le lendemain des élections, que les Québécoises et les Québécois venaient de lui confirmer que, dans le fond, ils étaient d'accord avec sa loi C-20. Que de paternalisme et de mépris dans ces propos: faites nous confiance, nous savons ce qui est bon pour vous, c'est pour votre bien qu'on vous frappe. Cette attitude condescendante de la part de M. Chrétien est inqualifiable et constitue, je le crains, le signe annonciateur d'autres mesures qui viendront restreindre le libre arbitre du peuple québécois.

Que le gouvernement fédéral en prenne acte : le peuple québécois possède toute la maturité nécessaire pour définir lui-même ses préférences, exercer lui-même ses choix et décider lui-même de son avenir. Qu'il sache également que ce n'est pas le Parlement du Canada mais bien l'Assemblée nationale du Québec, en tant que dépositaire des droits historiques et inaliénables du peuple québécois, qui est le lieu suprême et légitime d'expression de ce peuple et de mise en œuvre des principes démocratiques de gouvernement auxquels il est si profondément attaché.

Dans quelques minutes, en adoptant le projet de loi no 99, c'est justement en cette qualité de dépositaire des droits du peuple québécois que l'Assemblée nationale posera ce geste sans précédent. Et c'est avec fierté que, par mon simple – mais combien important – vote de député, je m'associerai à cette démarche de solidarité à l'endroit du peuple québécois, lui qui a confié collectivement aux membres de cette Assemblée le mandat de parler en son nom et qui a confié à chacun d'entre nous le mandat solennel de défendre ses droits contre toute tentative d'y porter atteinte.

J'aurais aimé pouvoir espérer, monsieur le Président, – après tout la période de Noël approche et les miracles sont toujours possibles – que les députés de l'Opposition officielle cessent de jouer sur les mots et qu'ils fassent, eux aussi, preuve de solidarité à l'endroit du peuple québécois en votant en faveur du projet de loi. Mais après avoir entendu le chef de l'Opposition officielle, je ne me fais plus d'illusion.

Je note d'abord une contradiction grave dans la logique de l'Opposition. L'Assemblée nationale, on le sait, n'a pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982 et n'y adhère toujours pas. L'Opposition officielle reconnaît cela mais, du même souffle, elle invite le gouvernement à accepter sans réserve l'avis consultatif de la Cour suprême du Canada, alors que cet avis aurait justement pour effet de subordonner le droit fondamental du peuple québécois à disposer librement de son avenir à la formule d'amendement imposée au Québec, sans son consentement, par cette même Loi constitutionnelle de 1982. L'Opposition dit une chose et son contraire en même temps.

Poursuivons. L'idée même d'un projet de loi, on le sait, n'agrée pas à l'Opposition officielle. Lors des discussions entre le gouvernement et l'Opposition qui ont eu lieu pour essayer de s'entendre sur une position commune, le député de Chapleau – pour des raisons qu'il n'a pas expliquées, mais qu'on comprend fort bien –était accompagné du député de Laurier-Dorion, qui a fermé à double tour toutes les portes afin d'être bien sûr qu'on ne s'entendrait sur rien.

Le gouvernement du Québec a donc choisi, pour sa réplique à la Loi C-20, le moyen qui lui est apparu le plus approprié dans les circonstances. À une loi, il est apparu essentiel de répondre par une loi. Le projet de motion ou de déclaration solennelle présentée par l'Opposition officielle, telle que libellée, ne faisait pas le poids face aux agressions perpétrées par la Loi C-20. Cela ne signifie pas que le gouvernement renie pour autant la valeur et l'importance que revêtent les motions et déclarations adoptées par l'Assemblée nationale.

Devant le caractère tout à fait inadmissible de la loi fédérale, il est apparu essentiel de répondre par une loi qui aurait fait en plus l'objet d'une consultation publique, afin d'en asseoir clairement et indubitablement la légitimité, ce que le gouvernement fédéral n'a pas eu le courage politique de faire avec sa propre loi.

Dans son intervention, le Chef de l'Opposition a aussi accusé le gouvernement de jeter en pâture des droits fondamentaux du peuple québécois pour qu'ils soient battus en brèche par les tribunaux, dans le seul espoir que cela permette de raviver la flamme souverainiste au sein de la population. Aux yeux de l'Opposition, il s'agirait là de l'agenda caché du gouvernement.

Jamais le gouvernement auquel j'appartiens n'a eu l'idée de pratiquer une pareille politique du pire. Jamais. Si l'Opposition officielle se fait du peuple québécois l'image d'un peuple sans droits réels, qu'elle se détrompe elle aussi : ces droits existent. Ils n'ont rien de fictif, ni d'incertain. Ils sont réels. Ce qu'il y a de nouveau et de différent, c'est qu'ils se trouvent, pour la première fois, réunis et formellement énoncés dans un texte de l'Assemblée nationale. Ces droits et ces prérogatives sont ceux qui ont été, dans le passé, et qui sont, actuellement, exercés par le peuple et l'État québécois et défendus par tous les gouvernements - péquistes comme libéraux - avant nous. J'attends encore que l'Opposition nous donne un seul exemple, tiré du projet de loi, d'un droit réel et fondamental que ce projet de loi mettrait en péril devant les tribunaux.

La vérité, monsieur le Président, elle est bien simple. L'Opposition officielle n'a qu'une seule raison réelle pour ne pas voter en faveur du projet de loi no 99. Elle a choisi le fédéralisme inconditionnellement et à tout prix, de façon plus servile et déshonorante que jamais auparavant de la part d'un parti qui fut jadis grand et qui, aujourd'hui, n'est même plus capable d'accoucher d'un programme constitutionnel.Pour Jean Chrétien et Stéphane Dion, vous n'existez pas. Aussi, pour vous défiler, vous inventez des prétextes de toutes pièces et au fur et à mesure .

Du côté du gouvernement, nous allons nous lever d'un seul élan, solidaires de notre peuple, qui attend de son Assemblée nationale, cette institution plus que bicentenaire qui lui appartient en propre, qu'elle se porte de façon vigoureuse et ferme à la défense de ses droits fondamentaux, aujourd'hui menacés de façon honteuse par le Parlement d'un pays que notre peuple a pourtant contribué à fonder. Je vous remercie.