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Allocution du ministre Jean-Marc Fournier à l’occasion du 69e Congrès de l’Association canadienne d’éducation de langue française

La version prononcée fait foi.

Monsieur le Président de l’ACELF (Yves St-Maurice),

Monsieur le Directeur général de l’ACELF (Richard Lacombe),

Monsieur Stéphane Bergeron, collègue de l’Assemblée nationale,

Mesdames,
Messieurs,

C’est pour moi un véritable plaisir d’être avec vous, ce soir, à l’occasion de votre 69e congrès.

L’éducation en français est un aspect fondamental du développement de la francophonie au Canada. Elle est au cœur de ce qu’un peuple a de plus précieux : sa jeunesse et son avenir.

Depuis près de soixante-dix ans, l’ACELF exerce, par l’action de son réseau à travers le Canada, un leadership mobilisateur et d’avant-garde en éducation de langue française, que ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire.

Sa contribution à la pérennité du français, à sa vitalité et au développement des communautés francophones et acadiennes est exceptionnelle.

Avec la délégation Leadership jeunesse, chaque année, depuis plus de dix ans, l’ACELF permet à près de cinquante jeunes venant de partout au Canada de passer quatre jours ensemble à faire connaissance et à discuter entre eux de ce qu’ils vivent dans leur école, et ce, en lien avec la thématique de chaque congrès annuel.

Par le programme Échanges francophone, programme existant depuis maintenant 28 ans, l’ACELF permet également à des jeunes de 11 à 14 ans fréquentant une école francophone du Canada de découvrir la vie d'autres jeunes francophones vivant dans un autre territoire ou province. Les jeunes Québécois découvrent ainsi la réalité et les défis d’une communauté francophone vivant en milieu minoritaire.

Grâce aux  Stages en enseignement dans les communautés francophones, l’ACELF permet aussi à des Québécois inscrits à un programme de 1er cycle universitaire en éducation préscolaire, primaire ou secondaire de faire un stage crédité de huit à dix semaines dans une école d’une communauté francophone du Canada.

Ces universitaires ajoutent ainsi une expérience à leur formation par la découverte d’un nouveau contexte éducatif : celui des communautés francophones du Canada.

Depuis soixante-dix ans, l’ACELF montre l’exemple : on peut être « ensemble pour le français ». Votre exemple doit nous inspirer pour l’avenir; un avenir où le plus grand nombre d’entre nous – francophones, francophiles, anglophones et immigrants de langues diverses – réalisent l’avantage culturel, diplomatique, économique et social qu’offre cette diversité.

« Ensemble pour le français », c’est bien sûr « ensemble, francophones du Québec, du Canada et du monde ». C’est aussi « ensemble avec ceux qui ne parlent pas notre langue ».

Ce sont les parents anglophones qui inscrivent leurs enfants en classe d’immersion.

Ce sont les acteurs économiques canadiens qui voient bien l’avantage économique de l’espace francophone, notamment dans le secteur touristique.

Et ce sont les Canadiens de langue anglaise qui, de plus en plus, constatent l’avantage de notre participation au réseau de la francophonie internationale qui s’ajoute à notre participation au réseau du Commonwealth.

Cette année, sur le thème #Franconumérique, vous aurez l’occasion de partager des expériences numériques et de discuter des nouveaux enjeux, des défis et des pièges entourant l’ère numérique et les nouvelles technologies de l’information.

Les nouvelles technologies numériques bousculent nos façons de faire. Au premier coup d’œil, on peut même craindre la transformation. Mais à bien y penser, quels outils de rapprochement formidables!

Encore faudra-t-il les utiliser pour mettre en valeur notre diversité francophone en évitant le piège de voir s’imposer une seule interprétation, une seule réalité, un seul modèle de notre francophonie.

Nous sommes nombreux à souhaiter une présence accrue du français sur le Web.

Quel moyen pourrait-on imaginer? Quelle grande stratégie à partager pour que le français du Québec, celui de tout le Canada, celui de l’Afrique et celui du monde occupent plus d’espace, plus de contenu économique, technologique, scientifique, social, environnemental, éducatif?

Nous sommes nombreux à espérer la mise en ligne d’outils pédagogiques pour faciliter la francisation des immigrants au Québec.

Et pourquoi ne pas permettre à ces outils de faciliter la francisation des immigrants, et même des anglophones au Canada?

Nous sommes nombreux à espérer des partenariats comme celui de l’ACELF pour que ces outils puissent s’adapter aux diverses réalités des Acadiens et des francophones des autres provinces et territoires, autant pour les francophones et les francophiles que pour les anglophones.

Ces outils pour le français, que nous pourrions nous partager au Canada, nous pourrions les partager avec la planète entière.

Aujourd’hui, nous sommes 274 millions de francophones et de francophiles dans le monde, et 10 millions au Canada; près du tiers de la population canadienne!

Le français n’est pas qu’une histoire; c’est un avenir.

Depuis la Conquête et depuis la naissance de notre fédération, notre espace francophone a connu de nombreux bouleversements. Il y a eu bien des hauts et bien des bas, mais comment ne pas constater le nouvel élan du français au Canada?

Le Canada a changé, à commencer par le phénomène de la multiplication des écoles d’immersion française depuis 1980.

Ces classes s’ajoutent aux 688 écoles francophones publiques au Canada, à l’extérieur du Québec.

Le Canada a changé.

Aujourd’hui, les décideurs publics expriment leur volonté d’accueillir une immigration francophone au-delà même du nombre de francophones de langue maternelle.

Aujourd’hui, peu importe l’origine, la langue de travail ou la langue parlée à la maison, de plus en plus de Canadiens, même parmi ceux qui ne parlent pas français du tout, considèrent le français comme un avantage distinctif du Canada.

Selon un sondage réalisé par la firme Nielson, pour le compte du Commissariat aux langues officielles du Canada, l’appui au bilinguisme est en pleine croissance : entre 1977 et 2016, l’appui au bilinguisme au Canada est passé de 51 % à 84 %. Chez les jeunes de 18 à 34 ans, l'appui au bilinguisme est de 90 %; il est de 79 % chez les 55 ans et plus.

On voit bien la tendance.

Le Canada a changé.

Le Québec a aussi changé.

Il y a cinquante ans, au Québec, la majorité francophone cherchait le moyen d’affirmer son statut majoritaire. La minorité anglophone, pour l’essentiel, se considérait à l’écart et refusait d’apprendre le français.

Aujourd’hui, une forte majorité des jeunes anglophones est bilingue (77 %). En 2012, 86 % des nouveaux arrivants connaissaient le français à l’admission ou l’apprenaient dans nos écoles françaises, dans le cas des enfants, ou grâce aux services de francisation du ministère de l’Immigration, dans le cas des adultes.

À la prochaine génération, parce que les jeunes immigrants doivent aller à l’école française, on peut estimer que près de 100 % connaitront le français.

Plusieurs souhaitent que nos différences linguistiques nous opposent. D’autres considèrent au contraire cette diversité comme un avantage.

Plusieurs nient que nos identités nationales diverses puissent converger vers une appartenance canadienne commune. D'autres constatent, au contraire, que le respect de nos identités propres participe au développement d’une appartenance canadienne.

Ensemble, nous pouvons offrir au monde entier un exemple de fédération où chacun à sa manière ajoute à la prospérité du Canada; un pays où, au-delà de la partisanerie, on peut bien dire qu’il fait bon vivre; un pays pacifique, juste, civilisé; un pays où la vaste majorité veut choisir le rapprochement plutôt que de s’éloigner et de s'ignorer.

Nous devons combattre le rejet et la méfiance; nous devons chercher à mieux nous connaitre pour savoir nous reconnaitre.

Aujourd’hui, si nous pouvons bénéficier de l’espace francophone canadien, c’est beaucoup grâce aux Acadiens et aux francophones de partout. Leur présence en français nous offre à nous, Québécois, la résonance de notre langue commune nécessaire à soutenir l’émergence de notre appartenance canadienne.

En novembre 2015, la maison de sondage Crop posait la question aux Québécois sur leur appartenance canadienne : 76 % ont répondu ressentir une appartenance canadienne. Chez les jeunes de moins de 34 ans, ce sentiment s’élève même à 79 %. 

Après les grands débats des dernières décennies, comment ne pas voir dans ces chiffres une espérance de renouveler notre appartenance canadienne?

Nous le ferons en affirmant notre identité nationale québécoise et nous le ferons en prenant appui sur un nouvel élan pour notre langue française au Canada, cette langue qui constitue l’élément fondamental de notre identité québécoise.

Grâce au combat et à l’énergie, à l’entêtement des francophones et francophiles du Canada, ce renouveau de notre appartenance devient possible.

Les Québécois ne le disent pas assez aux francophones de partout au Canada : merci d’avoir gardé notre langue, merci d’avoir préservé l’espace francophone canadien.

À la francophonie canadienne il faut dire : votre persistance et votre voix qui est la nôtre nous permettent de nous sentir chez nous, chez vous.

Depuis ce retentissant et nécessaire « maitre chez nous » s’est développée en nous, au Québec, la fausse impression d’une frontière du français.

Plusieurs disaient « si chez nous, c’est ici, au Québec, alors ailleurs, c’est forcément chez eux ».

Comme si au Québec, c’était en français, et qu’ailleurs, c’était en anglais.

Pour vous et moi, pour le français, il n’y a ni chez eux ni chez nous.

Nous pouvons être ensemble pour le français partout.

Le français s’affirme. Le français est de plus en plus légitime.

Si de nombreux défis demeurent, pour les communautés francophones et acadiennes, de plus en plus de gestes démontrent qu’ensemble, nous pouvons travailler pour un français qui avance et qui progresse.

Depuis 2014, quatre déclarations historiques sur la francophonie canadienne soulignant l’engagement des gouvernements envers la pérennité du français ont été signées, soit avec l’Ontario, le Manitoba, le Yukon et, récemment, le Nouveau-Brunswick.

Ce sont les gouvernements de plus des deux tiers de la population canadienne qui ont pris cet engagement. Et la marche continue.

Dans ce même esprit de collaboration, neuf gouvernements provinciaux et territoriaux ont appuyé une demande transmise à la ministre du Patrimoine canadien afin que le gouvernement fédéral saisisse l’occasion des célébrations du 150e de la fédération, en 2017, pour créer un circuit touristique et patrimonial de la francophonie canadienne à titre de legs permanent à la francophonie canadienne.

Ce serait un geste important qui nous permettrait de mieux nous connaître pour mieux nous reconnaître.

En juillet 2016, les premiers ministres des treize provinces et territoires du Canada, réunis dans le cadre de la rencontre du Conseil de la fédération À Whitehorse, au Yukon, ont affirmé leur volonté unanime d'atteindre une cible de 5 % d'immigration francophone à l’extérieur des frontières du Québec. C’est une première… une première en 150 ans!

En octobre prochain et au printemps 2017, le gouvernement fédéral ainsi que les ministres de l’immigration et ceux de la francophonie du Canada se réuniront afin de déterminer les moyens d’action à prendre pour atteindre cette cible, et cela aussi est une première en 150 ans.

Plus d’immigration francophone, c’est un tissu social plus fort au Canada.

Plus d’immigration francophone, c’est une meilleure diplomatie du Canada, une vision canadienne plus répandue dans le monde.

Plus d’immigration francophone, c’est une économie plus forte, en favorisant l’accès à des marchés en développement, comme en Afrique.

L’immigration en français, c’est un avantage pour le Canada.

L’immigration en français, ce sera aussi des défis. Il faudra bien ouvrir nos classes, nos écoles françaises à ces immigrants partageant le français.

Le Canada, s’il le veut, peut offrir au monde entier un modèle où cohabitent différentes identités qui se reconnaissent une appartenance commune.

La reconnaissance de notre identité nationale québécoise et du français favorise le développement de notre appartenance commune.

Autant l’allégeance acadienne ne freine pas l’appartenance canadienne des Acadiens, autant notre allégeance québécoise ne sera pas diminuée par le développement de notre appartenance canadienne.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Mais il y a une tendance claire. Notre langue est mieux accueillie et reconnue, et cela doit nous insuffler la confiance et l’enthousiasme de poursuivre la route.

C’est sur cette route que vous êtes engagés. Je veux souligner l’engagement de chacun d’entre vous ainsi que des organismes membres et partenaires que vous représentez.

Vous accomplissez un travail formidable en permettant aux jeunes de vivre pleinement leur identité, et ce, dans une francophonie moderne et inclusive.

Ensemble, nous sommes riches et forts.

Au-delà de nos différences et au-delà des distances, nous vibrons d’une même appartenance à la francophonie canadienne.

À l’aube du 150e anniversaire de la fédération, nous pouvons déclarer : « Ensemble pour le français, c’est aussi notre façon d’être ensemble pour le Canada. »

Merci à tous, je vous souhaite un excellent congrès.