La version prononcée fait foi.
C’est un grand plaisir d’être parmi vous, aujourd’hui, pour échanger sur le fédéralisme canadien.
Pour un Québécois francophone à l’occasion du 150e anniversaire de la Fédération, de se retrouver à Londres pour présenter la vision québécoise du Canada je dirais de l’avenir, qui prend sa source évidemment dans une interprétation de ce que nous croyons être les sources du fédéralisme, « nous croyons » par respect pour ceux qui pourraient avoir une interprétation différente, et il y en a, c’est un moment hautement symbolique, historique, et puisqu’il y a de l’histoire et du symbole, en politique, chargé. Et donc je suis très heureux de pouvoir être ici à la Maison du Canada.
J’aimerais remercier monsieur Tony McCulloch, président sortant de la British Association for Canadian Studies, pour cette invitation.
La conférence annuelle de cette association est une occasion unique d’échanger sur des thèmes reliés aux différentes facettes de ce qui font du Québec et du Canada des endroits uniques au monde.
Le fait de rassembler des chercheurs de diverses disciplines, telles que la littérature, le droit, l’histoire, la science politique ou la géographie, ajoute à cette richesse.
À l’heure actuelle, de nombreux défis internationaux provoquent des replis identitaires importants et exacerbent les tensions dans de nombreux États.
L'évolution du Québec et du Canada ainsi que leurs destinés ne sont pas étrangères aux nombreuses transformations qui touchent la planète entière.
La croissance sans précédent des migrations, la délocalisation économique, la montée de l’isolationnisme et des inégalités sont autant de phénomènes qui nourrissent les inquiétudes au sein des populations.
Dans ce contexte préoccupant, nous croyons que la formule fédérale canadienne, conçue en 1867 pour unir les forces d’une population peu nombreuse, répartie sur un territoire immense, au sein d’un système politique devant tenir compte des différences des groupes qui la composaient, nous donne encore aujourd’hui le cadre nécessaire pour concilier avec succès la diversité et l’unité.
150 ans après, ce cadre demeure cependant à parfaire pour mieux respecter et reconnaître les identités de chacun.
Le fédéralisme que nous voulons, fondé sur la reconnaissance des appartenances plurielles et de la diversité nationale, peut apporter une partie de réponse aux défis du XXIe siècle auxquels sont confrontés de nombreux autres pays.
Il va de soi que le fédéralisme ne constitue pas la réponse unique et universelle à tous les maux.
Soit, il s’agit d’un cadre octroyant une autonomie relative aux parties constituantes favorisant ainsi l’adhésion à la mise en commun.
Mais encore faut-il qu’il y ait une réelle volonté de vivre ensemble. Ce qui sous-entend un désir de vouloir comprendre les particularités, les identités de ceux qui vivent ensemble.
Cette compréhension n’est pas innée, elle n’est pas automatique. Elle doit être voulue et recherchée.
Je vous donne un exemple très actuel de ce que j’entends par « avoir une compréhension des identités de ceux qui vivent ensemble ». La CBC – la BBC canadienne – diffuse depuis quelques semaines une télésérie intitulée «Story of Us ». Cette série qui se veut un reflet de « notre » histoire est présentée en lien avec le 150e de la fédération. Malheureusement, bien des raccourcis ont été pris. Des événements historiques cruciaux sont passés sous silence. Les explorateurs français et les Canadiens français sont caricaturés.
Cette série et les réactions suscitées illustrent la nécessité de reprendre le dialogue sur ce que nous sommes, ensemble. Encore faut-il être ouvert à écouter pourquoi d’autres ne se reconnaissent pas dans une trame historique sur le « Making of Canada ». Un argument que le Québec fait valoir depuis plusieurs années.
Aujourd’hui, je suis venu vous parler de notre avenir canadien commun. L’élément de base de cet avenir sera d’apprendre à vivre ensemble et pour ce faire, d’accepter notre diversité individuelle et collective. Cela faisait partie de notre histoire, on l’a perdu quelque part durant le dernier siècle. On doit le retrouver et en faire une partie de notre avenir.
Permettez-moi de commencer par un aperçu des dates-clé de notre projet plurinational canadien.
Laissons d’abord parler George-Étienne Cartier, co-premier ministre sous le régime de l’Union et un des Pères de la fédération.
En 1867, au moment où entrait en vigueur ce qu’on appelait alors l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, il disait : « Telle est la signification que l’on doit attacher à cette Constitution. On y voit la reconnaissance de la nationalité canadienne-française… »
Avant de devenir le 1er premier ministre de l’État fédéral, John A. Macdonald renonce à l’union législative, car, dit-il, « ce système est impraticable (…) Il ne saurait rencontrer l’assentiment du peuple du Bas-Canada ».
Cette reconnaissance de la nation distincte n’est pas nouvelle en 1867.
Elle prend sa source dans l’Acte de Québec de 1774. Adoptée en raison de la nécessité d’adapter les institutions de la colonie, cette loi reconnaît aux Canadiens-français le droit de conserver leurs institutions et le droit civil français tout en garantissant le libre exercice de la religion catholique.
Elle prend sa source dans la Loi constitutionnelle de 1791, adoptée dans la foulée de l’arrivée massive de colons loyalistes à la suite de la Guerre d’indépendance américaine.
Cette loi crée les provinces du Bas-Canada et du Haut-Canada pour permettre aux populations canadienne-française et canadienne-anglaise de se « développer chacune selon ses aspirations et de se gouverner par des lois appropriées à son caractère ».
Elle prend sa source dans l’œuvre des copremiers ministres Louis-Hippolyte La Fontaine et Robert Baldwin, qui contourne les effets de l’Acte d’Union de 1840, laquelle avait pour effet de fusionner les provinces du Haut-Canada et du Bas-Canada, en développant par voie de convention le système de double majorité au Canada-Uni.
Au départ, nos textes constitutionnels et nos pratiques politiques reconnaissent et acceptent cette idée nationale distincte du Québec.
Ils reconnaissent que l’appartenance commune ne peut prendre appui sur l’effacement des appartenances particulières.
L’idée d’un pacte entre les Canadiens français et les Canadiens anglais est présente dès le début, il s’agit d’un compromis fédératif qui permet à tous d’œuvrer ensemble tout en conservant suffisamment d’autonomie pour développer ses institutions et conserver ses caractéristiques propres.
Par la suite, les premières cinquante années de la fédération font une bonne place à l’autonomie des provinces, malgré les tendances centralisatrices.
Cela est dû en partie à l’œuvre du Comité judiciaire du Conseil privé de Londres comme arbitre neutre et indépendant entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces.
Cependant, comme plusieurs pays, le Canada a été durement touché par la grande crise des années 1930, laquelle a transformé la manière de concevoir le rôle de l’État dans la société.
Le gouvernement fédéral multiplie les interventions, souvent dans des domaines de compétence exclusive des provinces.
Pour ce faire, il tente d’augmenter ses sources de revenus, également au détriment des provinces.
Cette nouvelle dynamique entre les partenaires fédératifs amène certains auteurs, à l’extérieur du Québec, à développer une interprétation nouvelle des fondements de la fédération, niant l’idée du pacte entre les deux peuples fondateurs.
En effet, pour des auteurs comme Frank Scott et Donald Creighton, le Canada ne serait plus le fruit d’un pacte, mais une simple création impériale.
Ainsi, l’équilibre jusque-là maintenu entre deux principes porteurs du fédéralisme, d’un côté l’unité et de l’autre la diversité, est rompu.
Cette nouvelle lecture privilégie résolument l’unité au détriment de la diversité.
Au Québec, au contraire, on adhère toujours à l’idée que le Canada résulte d’un compromis fédératif visant notamment à préserver la spécificité de la Nation québécoise.
Ces visions concurrentes de ce qu’est et devrait être le Canada contribuent dès ce moment à éloigner le Québec du reste du Canada et les Québécois des autres Canadiens.
La Révolution tranquille des années 1960 marque la naissance de l’État québécois tel qu’on le connaît aujourd’hui.
À ce moment, les Québécois se dotent de tous les outils, économiques, sociaux et culturels, pour assurer la pérennité de leur identité collective.
L’interventionnisme de l’un et de l’autre entre en conflit.
Ces développements ont eu pour conséquence de faire des années 60 et 70 celles des grands rendez-vous constitutionnels.
La conclusion en sera le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982, sans que le Québec y donne son accord.
Une constitution qui oublie de reconnaître les fondements de notre fédération.
Pour reprendre l’expression du politologue québécois Guy Laforest, le rapatriement a fait des Québécois des « exilés intérieurs ». Il ajoute : « Many Quebecers rightly saw in the constitutional reform of 1982 an attempt to create a single broad Canadian nation subsuming all other identities, especially the one arising from modern Québec nationalism. »
Depuis 1867, le Québec a toujours affirmé une même compréhension, une même vision des fondements de notre fédération.
Sans relâche, le Québec a insisté et persisté pour que toutes les dimensions de son identité soient prises en compte dans le projet commun.
L’idée de la reconnaissance du caractère national du Québec apparaît comme le principe le plus déterminant de l’histoire politique et constitutionnelle du Québec.
En toute cohérence, le Québec entend rappeler, à chaque occasion où cela sera pertinent, qu’il a toujours considéré que sa participation et sa contribution à l’union fédérale ont comme source, d’abord et avant tout, une idée nationale antérieure à l’État canadien.
Ceci dit et malgré l’absence de reconnaissance, le Québec a pu se développer dans le cadre canadien.
Je serai clair. Les 150 dernières années ne se limitent pas à cette distanciation dans nos compréhensions sur les fondements de la fédération.
Les relations intergouvernementales entre les provinces et avec le gouvernement fédéral ont eu pour résultat la construction d’un environnement social et économique qui fait l’envie du monde entier.
Le nouveau libre-échange canadien, la couverture publique des soins de santé, un réseau d’institutions d’enseignement d’envergure et combien d’autres avancées, résultat d’initiatives patientes, objets de friction, à l’occasion, mais, au final, autant de réussites qui se sont bâties par la coopération.
Par ailleurs, les relations canadiennes ne sont pas que celles menées par les gouvernements.
Ces relations qui façonnent le Canada sont aussi celles de citoyens et de groupes organisés.
À cet égard, il faut bien reconnaître que les liens qui unissent les Québécois et les autres Canadiens racontent une histoire qui contraste avec le récit des différends politiques qui jalonnent l’actualité.
Ils racontent des milliers d’interactions qui se font tous les jours dans le monde des affaires, à travers les organisations syndicales et les mouvements de solidarité, dans la lutte contre les changements climatiques, par tous ces Québécois qui voyagent et vont voir ailleurs au Canada ainsi que tous ces autres Canadiens qui viennent découvrir le Québec ou choisissent d’y habiter.
On résume souvent l’histoire des relations canadiennes à celle de deux solitudes.
C’est vrai à certains égards.
C’est vrai dans les fréquentations culturelles, notamment à l’égard des choix télévisuels, et c’est vrai aussi au plan de la recherche universitaire et de la production du savoir.
Comme l’a démontré le politologue François Rocher, de l’Université d’Ottawa, dans le domaine des sciences sociales, la recherche qui est faite en français au Canada demeure trop peu considérée par les chercheurs non francophones.
Reconnaître ces solitudes ne doit pas nous faire perdre de vue les nombreuses solidarités créées au fil du temps.
Le Québec exporte autant dans les autres provinces que ce qu’il exporte aux États-Unis, un marché pourtant dix fois la taille de celui du Canada. Cela veut dire quelque chose.
On peut bien opposer l’Ontario et le Québec en disant que l’une, c’est l’automobile, et l’autre, l’aérospatial.
C’est oublier les nombreux sous-traitants québécois de l’automobile et tous les fournisseurs ontariens de l’aéronautique.
En somme, le Québec est un partenaire actif de la fédération, tant au plan de ses relations avec ses partenaires fédératifs, que par les échanges qu’entretiennent ses citoyens avec les autres Canadiens, et ce dans toutes les sphères de la société.
Alors, où en sommes-nous aujourd’hui?
Le Canada – je l’ai dit – fait l’envie du monde entier.
Sur le plan économique, social, culturel, notre histoire, celle du Québec et celle du Canada, en est une de progrès.
Le Québec se nomme et s’affirme comme entité nationale.
La Nation québécoise est formellement reconnue par des résolutions politiques de la Chambre des communes et trouve de plus en plus écho dans la jurisprudence canadienne.
La Constitution reste à parfaire pour donner effet et garantie à cette reconnaissance. Mais comme le disait Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l’Université Laval : « Le fédéralisme canadien, malgré ses jours sombres et ses imperfections évidentes, s’est montré assez spacieux pour que le Québec réussisse son projet de construction nationale. »
Aujourd’hui, une très grande majorité des Québécois parlent français : 94%, à différents degrés.
Sondage après sondage, ils se reconnaissent aussi une allégeance québécoise et une appartenance canadienne.
Les Québécois forment une société plurielle qui reconnaît le droit des nations autochtones à préserver leur langue et leurs traditions et qui reconnaît l’apport inestimable de la communauté d’expression anglaise à l’essor économique, social et culturel du Québec.
En témoigne la présence, sur les armoiries et le drapeau de la Ville de Montréal, de la rose de la maison de Lancastre, du chardon d’Écosse et du trèfle d’Irlande en compagnie de la fleur-de-lys.
Bientôt s’y ajoutera un symbole représentant les Autochtones, lorsque le projet du maire de Montréal de modifier le drapeau de la ville prendra forme.
Un modèle d’intégration qui permet de consolider l’identité collective du Québec où chacun prend sa place, soit-il de la société d’accueil ou nouvel arrivant en multipliant les interactions dans un esprit de réciprocité. Et Jocelyn Létourneau, qui est avec nous, pourrait sans doute vous entretenir sur le sujet.
Le Québec a changé depuis 50 ans.
Comme moi, les enfants du « maîtres chez nous » de Jean Lesage ont vu apparaître une administration publique moderne et constaté une appropriation économique fulgurante.
Avec Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec ainsi que la Société générale de financement, nous avons permis que se crée une communauté d’affaires d’envergure nationale et internationale.
Depuis l’adoption par l’Assemblée nationale du Québec de la Charte de la langue française, on affiche en français. Les jeunes immigrants sont à l’école française, la grande majorité des jeunes anglophones choisissent maintenant d’apprendre le français.
Avec l’entente sur l’immigration conclue entre les gouvernements fédéral et québécois en 1991, le Québec obtient les moyens de la sélection, de l’accueil et de l’intégration de l’immigration.
Le Canada aussi a changé durant ces années.
Entre les années 1970 et aujourd’hui, l’appui au bilinguisme est passé de 55 % à 84 %.
Depuis les années 1980, les écoles d’immersion française se multiplient.
La demande est si grande qu’en certains endroits, on attribue les places par tirage au sort.
La moitié des enfants du Yukon fréquentent soit l’école française, soit l’école d’immersion française.
Le ministre du Tourisme de l’Alberta, lui-même issu de l’immersion française, insiste avec nous pour la création d’un circuit touristique de la francophonie canadienne, parce que, dit-il, « le français, ça rapporte ».
Le World Trade Centre de Winnipeg au Manitoba est bilingue.
Cent ans après avoir adopté le règlement 17, lequel bannissait l’enseignement du français, l’Ontario adhère à l’Organisation internationale de la Francophonie.
En juillet dernier, pour la première fois en 150 ans, les premiers ministres de toutes les provinces et des territoires ont parlé d’immigration francophone hors Québec et convenu d’atteindre une cible de 5 % d’immigrants francophones soit au-delà de la proportion de Canadiens de langue maternelle française à l’extérieur du Québec.
Il y a encore bien des combats à mener.
Il faudra bien des écoles françaises pour permettre aux jeunes nouveaux arrivants francophones et aux enfants qu’ils auront dans vingt ans de continuer d’apporter l’avantage de leur diversité linguistique à leur société d’accueil.
Mais comment ignorer encore longtemps cette nouvelle légitimité du français qui apparaît petit à petit depuis cinquante ans?
Pour nous, enfants du « maîtres chez nous », découvrir ces espaces francophones et francophiles à la grandeur du Canada, c’est redécouvrir que chez eux, c’est aussi un peu chez nous.
Les choses ont changé.
Canadiens français, puis Québécois.
Pour un temps, chacun chez soi.
Le temps d’une nécessaire « Révolution tranquille ».
Le temps de prendre notre place.
Le temps de s’affirmer et de se rassurer sur la pérennité de notre nation à majorité francophone.
Le temps que ce soit accepté.
Le temps de se demander deux fois si on voulait partir et de choisir deux fois de rester.
Ce temps a renforcé notre allégeance québécoise.
Mais nous ne voulons pas opposer notre allégeance québécoise et notre appartenance canadienne.
Nous voulons additionner et non pas soustraire.
Nous croyons aux appartenances plurielles et à la diversité reconnue dans toutes ses dimensions.
C’est pourquoi la voie que privilégie le Québec est celle d’un fédéralisme canadien qui reconnaît la diversité.
Pas seulement la diversité individuelle, mais aussi la dimension collective de la diversité.
La reconnaissance des identités nationales québécoise et aussi autochtone apparaît comme l’aboutissement naturel du projet canadien.
Cette voie répond aux aspirations des Québécois et constitue une piste d’ouverture aux Premières Nations et aux Inuits.
À travers les revendications et les nombreux développements sur le plan juridique, on a pu observer une résurgence politique et sociale sans précédent chez les peuples autochtones.
La question autochtone s’impose ainsi de plus en plus à l’ordre du jour.
Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, a raison de dire que le rétablissement de la confiance est la condition de base de la réconciliation.
Le philosophe québécois Charles Taylor l’affirmait déjà il y a plus d’une vingtaine d’années : « For Quebeckers, and for most French Canadians, the way of being a Canadian (for those who still want to be) is by their belonging to a constituent element of Canada, la nation quebecoise or canadienne-francaise. Something analogous holds for aboriginal communities in this country; their way of being Canadian is not accommodated by first-level diversity. Yet many people in COQ [Canada outside Quebec] are puzzled by the resulting sense of exclusion, because first-level diversity is the only kind to which they are sensitive and which they feel they fully acknowledge.
To build a country for everyone, Canada would have to allow for second-level or “deep” diversity, in which a plurality of ways of belonging would also be acknowledged and accepted. »
Pour sa part, le politologue Alain-G. Gagnon, de l’Université du Québec à Montréal, explique que cette recherche de reconnaissance, loin d’être une chose du passé, est un phénomène contemporain et partagé : « The national diversity inherent in most contemporary states is by no means decreasing; ways therefore must be found to entrench it in political institutions, otherwise the world, around us will become increasingly uncertain and political projects will become less and less respectful of societal cultures […]. »
Au-delà des avantages pour le Québec et les Premières Nations et Inuits, ce choix de la diversité dans toutes ses dimensions permet aussi à tous les Canadiens de participer avec fierté à l’imagination et à la réalisation d’une formule de cohabitation plus accueillante et plus réussie, parce que plus respectueuse.
Ce projet d’offrir au monde un regard inclusif sur l’humanité, un modèle de vivre ensemble qui s’inscrit sur le chemin du rapprochement des diversités individuelles et collectives constitue un projet emballant pour tous les Canadiens.
Par ailleurs, une reconnaissance adéquate de la Nation québécoise devrait permettre de faire progresser concrètement l’idée de l’asymétrie au Canada.
Ce choix que le Québec privilégie et qui occupe une place importante dans la pensée politique contemporaine, est souvent proposé comme la solution institutionnelle à favoriser au sein d’États fédéraux où coexistent différentes réalités nationales.
Il est nécessaire de dissiper tout malentendu quant à l’idée d’asymétrie.
Elle permet la recherche d’équilibre et d’équité et non la formalisation d’un quelconque privilège fondé sur l’iniquité.
L’asymétrie répond à l’esprit fédéral en réconciliant les principes d’unité et de diversité.
Concrètement, la flexibilité et l’asymétrie recherchées par le Québec signifient qu’en raison de son caractère national, celui-ci peut être appelé à exercer certaines responsabilités qui n’incomberont pas nécessairement aux autres provinces.
N’oublions pas que le Québec est le seul État à majorité francophone parmi les provinces de la fédération canadienne et qu’il se reconnaît des responsabilités claires à l’égard de l’affirmation des Québécoises et des Québécois.
La pratique du fédéralisme asymétrique permet la poursuite d’objectifs communs tout en respectant les priorités et les façons de faire du Québec.
Il ne s’agit pas d’un instrument permettant au Québec de se dissocier des autres, mais plutôt d’une manière de faire flexible qui facilite l’adhésion du Québec aux projets communs.
L’asymétrie au Canada constitue un moyen de favoriser la cohabitation des nations en son sein.
Elle constitue la reconnaissance conséquente des appartenances plurielles.
En faisant le choix des appartenances plurielles, de la diversité nationale reconnue et acceptée, le Canada peut offrir une partie de réponse aux défis actuels de notre monde.
Dans un monde inquiet, tenté par l’isolement et le repli identitaire, les Québécois et tous les Canadiens ont l’occasion de se retrouver pour partager et réaliser l’ambition de rapprocher les appartenances plutôt que de les opposer.
Pour cela, il importe de faire lever tous les tabous qui ont fait en sorte que, depuis deux décennies, il n’y a plus de débats dans l’espace public sur le fonctionnement du fédéralisme canadien, incluant sa dimension constitutionnelle.
Aux sceptiques de la reprise du dialogue, ceux qui ont connu ou étudiés les grands débats constitutionnels de 1980 et 1982, 1987 et 1990, 1992 et 1995, et à ceux qui, comme moi, sont imbibés du dernier demi-siècle, je voudrais dire ceci : l’avenir ne sera pas fait par nous.
L’avenir appartient aux moins de 20 ans. C’est à leur tour.
Si on pense qu’ils feront l’avenir à notre façon et à l’image de ce que nous avons connu : non.
Les épisodes constitutionnels qui ont façonné les années 1970, 80 et 90 n’ont pas la même résonnance ou la même signification chez les jeunes que celle qu’ils peuvent avoir chez leurs aînés.
D’abord, le Québec et le Canada de 2017 ne sont plus ceux de 1967.
Le Québec est devenu une force économique et il a trouvé les moyens d’assurer la pérennité de sa langue.
Le Canada de son côté manifeste une ouverture nouvelle à l’égard du français et une sensibilité accrue pour les Autochtones.
Et puis, la mondialisation, la mobilité croissante, la révolution de l’information et de la communication sont autant de réalités qui changent notre façon de voir le monde, de voyager, de faire des affaires.
Les jeunes Québécois, comme les jeunes Canadiens, vivent au cœur de ces bouleversements et, à ce titre, ils sont des agents de changement et d’ouverture.
À leur façon, les jeunes Québécois imagineront le Québec. Avec la jeunesse du Canada, ils réinventeront le pays.
Ensemble, ils apporteront leur contribution au monde.
On aurait tort de sous-estimer l’importance de leur influence.
Le premier ministre du Canada disait, à la tribune des Nations Unies, que le monde avait besoin de plus de Canada.
Je crois qu’il a raison, mais je veux aussi rajouter ceci : le Canada dont a besoin le monde, c’est un Canada qui accueille toutes les dimensions de la diversité individuelle et collective.
Un Canada qui choisit de mieux se connaître pour mieux se reconnaître.
Un Canada qui sait bâtir une appartenance commune en accueillant les appartenances plurielles.
Le Canada dont a besoin le monde est encore à parfaire.
Convenir que ce sera l’affaire de la jeunesse ne nous donne pas congé de nos propres responsabilités.
Les gouvernements, les groupes de réflexion intéressés par les rapports sociétaux doivent initier le dialogue, ouvrir les espaces de discussion.
Le gouvernement du Québec doit privilégier une présence accrue dans les débats et les échanges d’opinions des différents forums.
La voix du Gouvernement du Québec doit d’abord être plus présente sur la colline parlementaire à Ottawa, à Queen’s Park et dans les autres capitales du pays.
Elle doit aussi résonner sur Bay Street, se lire dans le Vancouver Sun et le Globe and Mail et même apparaître dans certains médias sociaux.
Notre voix, comme gouvernement, doit porter auprès des forums de réflexion, des influenceurs et des faiseurs d’opinions.
Nous voulons aussi favoriser les interactions de la société civile.
Nous devons encourager les groupes sociaux et syndicats, les chefs d’entreprise, les environnementalistes, les artistes, les chercheurs du Québec à redécouvrir ou à intensifier leurs échanges avec ceux qui, ailleurs au Canada, partagent le même désir d’appuyer les plus vulnérables, de créer l’emploi, de répondre aux défis du climat, d’émouvoir et d’innover.
Cela ne durera pas un an; construire l’avenir, ça dure longtemps.
Mais l’objectif est clair : nous devons chercher à mieux nous connaître pour mieux nous comprendre et cela doit être réciproque.
Faire connaître ce que nous sommes, ce qui est fondamental pour nous permet de faire comprendre nos choix, nos priorités, nos visions, nos ambitions.
Pour une vaste majorité de Québécois, notre identité repose sur une double appartenance.
Une allégeance québécoise et une appartenance canadienne.
Cette identité, notre identité, n’a plus à être alimentée par le ressentiment ou la peur de l’autre mais peut plutôt se construire sur notre désir de vivre ensemble. Cette identité a mûri, elle s’est affirmée.
Autrefois Canadiens français, puis Québécois, nous nous définissions par opposition, soit aux Canadiens anglais, soit aux autres Canadiens.
Aujourd’hui, nous préférons affirmer toutes les dimensions de notre identité.
Ce que nous sommes est le reflet de nos appartenances plurielles.
Particulier, et ensemble.
Nous sommes Québécois et c’est notre façon d’être Canadiens.
Merci beaucoup.