La version prononcée fait foi.
Nous sommes ici pour réussir l’immigration francophone.
Avant de s’intéresser aux différentes mesures de recrutement, d’accueil et de rétention, avant de puiser à même les fonds publics les ressources essentielles à chacune de ces étapes, il faut se demander: « pourquoi l’immigration francophone au Canada? »
Bien sûr, il y a la diversité culturelle et linguistique du pays ; bien sûr, il y a la vitalité des communautés francophones et acadiennes.
Et le Plan d’action préparé en vue de notre forum l’exprime clairement.
On ne peut imaginer une mesure plus structurante pour assurer la pérennité des communautés francophones que celle d’un apport démographique soutenu.
Cela dit, je veux insister sur les premiers mots de ce Plan : « Les immigrants francophones apportent de la force et de la prospérité au Canada ». Je veux insister sur ce point, car réussir l’immigration francophone, c’est à l’avantage de tous les Canadiens, pas seulement les francophones.
Donc, à la première question, « pourquoi l’immigration francophone? », je veux répondre : pour tous les Canadiens ».
Il ne s’agit pas de répondre à un groupe de citoyen, il s’agit de donner force et prospérité à tous les Canadiens.
Je vais donc vous parler de l’avantage francophone pour le Canada, pour tous les Canadiens.
Nous sommes 10,5 millions de francophones et de francophiles au Canada, pour tous les Canadiens.
Dans le monde, nous sommes présentement 275 millions.
En tenant compte de la démographie et de la scolarisation accrue en Afrique, en 2050, nous serons 700 millions.
L’Organisation Internationale de la Francophonie, c’est 84 pays et régions membres.
Et 13 des 27 états membres de l’Union européenne font partie de la francophonie. Et nous venons de conclure un accord de libre-échange avec l’Europe à l’avantage de tous les Canadiens.
L’Agence universitaire de la francophonie compte 804 établissements dans 102 pays. Au moyen de cette agence créée au Québec en 1961, se constitue des réseaux scientifiques et d’innovation qui vont façonner l’avenir du monde.
Le français est, avec l’anglais, la seule langue parlée sur les cinq continents.
Le français est, après l’anglais, la langue vivante étrangère la plus enseignée dans le monde.
Le français n’est pas une langue dépassée ni du passé. C’est une langue d’avenir.
Le Canada, avec ses deux langues officielles et ses deux communautés linguistiques, détient un avantage comparatif que peu de pays ont la chance d’avoir.
Il a une fenêtre sur le monde anglophone et une fenêtre sur le monde francophone.
Nous devons ouvrir toutes grandes ces fenêtres.
Réussir l’immigration francophone, c’est décider d’ouvrir cette fenêtre sur le monde.
Il en va de notre progrès économique, social, culturel et diplomatique, dans tout le Canada et pour tous les Canadiens.
Selon les auteurs Frankel, Stein et Wei, deux pays partageant des liens linguistiques tendent à échanger environ 65 % de plus que s’ils n’en avaient pas.
Et on aurait tort de penser que l’anglais est la seule langue des affaires. À preuve, la Chine fait du français un des vecteurs de pénétration sur le continent africain.
Nous avons un avantage immense, mais nous ne le savons pas vraiment ; en tout cas nous ne le savons pas assez.
Plusieurs pays qui n’ont pas notre avantage ont décidé de passer à l’action. L’avenir sera plurilingue et plurinational, et d’autres pays l’ont compris.
Saviez-vous qu’un peu plus de 50 % des citoyens des États membres de l’Union européenne parlent au moins une autre langue étrangère en plus de leur langue maternelle?1
Le Président Macron, récemment, dans un discours à la Sorbonne, a fixé l’objectif que d’ici 2024, chaque étudiant français parle deux langues européennes.
Il y a un large consensus en Europe, à près de 85 %, à l’effet que tous les Européens devraient être capables de parler au moins une langue étrangère2.
Le monde va dans cette direction.
Le Canada a deux langues officielles, deux communautés linguistiques, mais nous n’avons pas encore agi pour répondre au défi multilingue du présent siècle.
Les langues officielles du Canada devraient faire office de pont qui nous unit plutôt que de fossé qui nous sépare.
Le français, c’est un cadeau offert au Canada par 10,5 millions de Canadiens qui le parlent.
Ce n’est pas une langue contre une autre.
Ce n’est pas une communauté contre une autre.
C’est une opportunité offerte à tous, par nos origines et notre histoire, par notre insistance et notre persistance.
Une opportunité qui déjà profite de nombreux anglophones et de nombreux immigrants qui ont fait le choix du français.
Nous sommes réunis ici parce que nous avons décidé ensemble de faire fructifier ce cadeau, au moyen de l’immigration francophone.
Investir des fonds publics pour ouvrir notre fenêtre sur le monde francophone, ce n’est pas enlevé à l’un pour donner à l’autre.
L’immigration francophone, c’est bon pour tout le Canada et pour tous les Canadiens.
De plus en plus de Canadiens reconnaissent cet avantage francophone et veulent en profiter.
L’engouement pour les classes d’immersion française à l’extérieur du Québec ne se dément pas. Leur popularité a monté en flèche depuis 10 ans.
Une augmentation de 45 %. Alors qu’on comptait 295 000 élèves inscrits en 2005-2006, il y en avait 429 000 en 2015-20163.
Au Yukon et au Nouveau-Brunswick, c’est 50 % des élèves du primaire et du secondaire qui étudient soit en école française, soit en école d’immersion.
Il y a encore bien des défis à relever, mais une nouvelle légitimité pour le français apparaît dorénavant au Canada.
L’Ontario créé une université francophone et adhère à l’Organisation internationale de la francophonie, le gouvernement fédéral lance un corridor touristique francophone, et combien d’autres exemples que l’on n’aurait jamais imaginés il y a un siècle. Ni même il y a cinquante ans.
Pour réussir en matière d’immigration francophone, évidemment, il faut d’abord aller en chercher.
Le gouvernement fédéral s’est donné une cible de 4,4 % d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec d’ici 2023.
Les premiers ministres des provinces et des territoires ont quant à eux adopté une cible de 5 % lors du Conseil de la fédération en juillet 2016.
J’aimerais qu’on ait la même cible.
Mais on en parlera plus tard. Commençons par se rendre à 4 %.
Clairement, il faut d’abord commencer à trouver des moyens pour attirer et aller chercher des immigrants francophones.
Faisons-le! Et ajoutons à cela des outils pour mesurer notre progression, année après année, vers ce 4 %, ce 4,4 % puis vers ce 5 %.
On est encore loin de ces cibles, mais nous devons au moins, chaque année, faire mieux qu’à la précédente !
J’ajouterais que non seulement faut-il aller chercher des immigrants francophones; non seulement faut-il mesurer chaque année la progression vers l’atteinte de nos cibles; mais il faut aussi penser à mettre en place des mesures qui orientent les immigrants et les réfugiés qui ne parlent ni le français ni l’anglais à leur arrivée, vers les services en français et les milieux francophones.
Une fois que nous sommes allés chercher ces nouveaux arrivants francophones, il faut les accueillir.
Récemment, j’ai eu la chance de visiter l’Accueil Francophone de Winnipeg et j’ai été impressionné par l’ampleur de ce que fait cet organisme, de l’accueil des nouveaux arrivants à l’aéroport jusqu’aux visites qui se poursuivent une fois que les familles ont intégré leur logement permanent.
Il faut plus de ressources, mais il y a déjà des outils qui existent et qui fonctionnent.
Et le Québec peut faire sa part. Nous avons des programmes d’appui et de coopération qui peuvent être mis à contribution. Et justement, dans les semaines qui viennent, nous allons bonifier notre appui financier dans ces programmes.
D’ailleurs, les Déclaration portant sur la francophonie canadienne et les Accord de coopération et d’échanges en matière de francophonie, que le Québec a signés avec 8 provinces et 1 territoire à ce jour, mentionnent expressément la question de l’immigration francophone comme domaine de collaboration.
Cela étant dit, il faut que nos gouvernements le fassent savoir sur le terrain et demandent aux organismes concernés de proposer des projets.
Des projets comme :
Ces programmes offrent de nouvelles opportunités aux organismes à travers le pays. Mais il faut faire plus, et il faut le faire ensemble.
Il faut donc un effort accru du fédéral auprès des groupes francophones qui œuvrent sur le terrain à l’accueil et à l’intégration des immigrants francophones.
Il faut un effort accru des provinces, des territoires et du fédéral pour l’enseignement en français et du français, pour ne pas perdre ces Canadiens francophones lorsqu’ils terminent le secondaire, et pour ne pas perdre les générations à venir.
Mais où en sommes-nous maintenant?
Nous avons un plan d’action qui identifie les bonnes priorités. Mais avouons-le, nous n’avons pas encore tout le matériel, toutes les mesures, et certainement pas toutes les ressources, pour mener à bien nos ambitions.
Ce n’est pas une critique d’autant que le budget fédéral semble indiquer une réelle volonté de commencer la route. Il s’agit simplement de nommer une réalité pour s’assurer d’avoir les moyens de se rendre à destination.
Un Symposium s’en vient, à la fin du mois, qui réunira les groupes du milieu communautaire en immigration francophone.
Je souhaite que des fonctionnaires de la Francophonie et de l’immigration, de toutes les juridictions canadiennes, y participent.
À la suite de ce symposium, nous devons prévoir un moment, en juillet prochain, lors de la prochaine Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne, et lors de celle sur l’immigration, pour en assurer le suivi.
Suite à ces rencontres, nous devrons nous assurer que les ressources financières seront au rendez-vous.
Le présent siècle sera plurinational et plurilingue. Le Canada sera-t-il à la traîne des autres ou devant les autres? C’est à nous, ici, aujourd’hui, d’apporter le début d’une réponse à cette question.
D’abord, assurons-nous que le communiqué final de notre rencontre attestera clairement du bénéfice pour tous les Canadiens de l’avantage francophone.
Ensuite, indiquons notre volonté que le Symposium permette de préciser nos moyens d’action.
Aussi, prévoyons que nos tables francophones et immigration reçoivent les officiers rapporteurs de ce Symposium.
Enfin, militons ensemble pour que l’année 2019 permette de dégager les ressources financières nécessaires pour soutenir les moyens identifiés nous permettant d’atteindre notre cible.
Ne soyons pas frileux. Il ne s’agit pas de prendre à un groupe pour donner à un autre. Il s’agit d’investir au bénéfice de tous les Canadiens.
Avec peut-être un peu de retard, donnons raison à Sir Wilfrid Laurier, acceptons cette démarche aujourd’hui et on pourra dire que le présent siècle sera celui du Canada.
Merci.
1 http://ec.europa.eu/eurostat/news/themes-in-the-spotlight/language-day
Selon Eurostat, en 2014, un peu plus de la moitié des citoyens des États membres de l’Union européenne (54 %) parlent au moins une autre langue étrangère en plus de leur langue maternelle suffisamment bien pour participer à une conversation. Cependant, les statistiques varient énormément d’un pays à l’autre. Les meilleures compétences linguistiques s’observent dans les États membres relativement petits dont les langues nationales sont peu répandues. À l’autre extrémité, des pays comme la France, l’Espagne, Irlande et le Royaume-Uni par exemple, font moins bonne figure. Aussi, au sein de l’Union européenne, l’anglais est la langue étrangère la plus parlée, suivi de l’allemand et du français.
2 http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/archives/ebs/ebs_386_en.pdf (p.8)
3 Statistique Canada, Tableau 477-0027. http://www5.statcan.gc.ca/cansim/a47