La version prononcée fait foi.
À L’INSTITUT FRASER DE VANCOUVER
(COLOMBIE-BRITANNIQUE)
(L’allocution prononcée fait foi)
Monsieur le directeur-exécutif de l’Institut,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Distingués invités,
Monsieur le représentant du Québec pour l’Ontario et l’Ouest canadien,
Permettez-moi de vous dire tout le plaisir que j’ai à être parmi vous aujourd’hui. Je tiens à remercier l’Institut Fraser de m’avoir si cordialement invité à ce déjeuner-conférence.
Peut-être vous rappelez-vous que la dernière fois que j’ai eu le privilège de vous rencontrer, le Parti de l’Action démocratique du Québec se retrouvait favori dans les intentions de votes au Québec et son chef, M. Mario Dumont, était pressenti pour devenir premier ministre. D’autre part, M. Jean Charest était le chef de parti politique le moins populaire et j’étais porte-parole de l’opposition officielle en matière d’affaires intergouvernementales.
Aujourd’hui, seulement quelques mois plus tard, Jean Charest est perçu comme un premier ministre crédible et respecté, Mario Dumont dirige une formation politique avec quatre députés élus – le même nombre qu’avant les élections – et pour ma part, je suis devenu ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et des Affaires autochtones du Québec. C’est ça la politique… ou devrais-je dire, c’est ça le realpolitik. Le terme « realpolitik » signifie faire de la politique de manière concrète et pragmatique, non de manière théorique. Cela signifie faire de la politique avec tous ses aléas et ses revirements de situations, ses nombreuses contraintes, ses possibilités illimitées et ses compromis nécessaires.
En raison de la nature de mes responsabilités, je ne fais pas de la politique dans la théorie. Je suis sur le terrain de l’action et des initiatives et je suis très conscient que, parfois, il faut du temps pour que certaines idées soient acceptées, pour qu’émergent de nouvelles dynamiques et pour obtenir des résultats concrets.
Le nouveau gouvernement du Québec veut donner un nouvel élan aux relations intergouvernementales canadiennes. Il veut permettre une nouvelle synergie et une nouvelle orientation fondées sur la compréhension mutuelle, l’esprit d’ouverture et la recherche des compromis lorsque cela est possible et souhaitable.
Les questions relatives aux politiques institutionnelles et constitutionnelles étaient au cœur de mes travaux avant même mon élection comme député à l’Assemblée nationale du Québec. Ainsi, la thématique des relations intergouvernementales canadiennes m’intéresse et m’anime depuis déjà bon nombre d’années. C’est pourquoi j’ai accepté avec plaisir l’invitation qui m’a été faite de venir vous entretenir, aujourd’hui, de ces questions.
Mais j’ai également accepté cette invitation parce que le Canada est présentement à un tournant de son histoire. Une occasion formidable se présente pour changer les relations intergouvernementales canadiennes.
Vous savez, bien que la Colombie-Britannique et le Québec soient séparés par des milliers de kilomètres, ce sont les mêmes préoccupations intergouvernementales qui nous rejoignent. Nous partageons les mêmes intérêts et le même désir de voir nos collectivités respectives connaître toujours une plus grande prospérité, nous avons le même désir d’améliorer l’efficacité de nos gouvernements, la même volonté de participer à l’amélioration de la fédération canadienne. Nous sommes préoccupés par les coûts toujours plus élevés dans le domaine des soins de santé et par la capacité de nos gouvernements d’assurer des services de qualité à tous nos citoyens. En termes de relations intergouvernementales, nous sommes préoccupés par les questions relatives à l’autodétermination des peuples autochtones, au commerce transfrontalier, au bois d’œuvre et à l’exploration pétrolière et gazière en milieu marin. Mais par dessus tout, nous croyons fermement que la nature même de notre fédération doit être améliorée, modernisée et renouvelée.
D’ailleurs, rarement aura-t-on eu une occasion d’améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne comme celle qui se présente maintenant. Les premiers ministres de provinces et les chefs de gouvernement des territoires, parmi lesquels certains – comme monsieur Charest – sont nouvellement élus, attendent avec impatience l’arrivée d’un nouveau premier ministre à Ottawa.
C’est pour toutes ces raisons qu’il m’apparaissait important de partager avec vous plusieurs éléments de la vision du nouveau gouvernement du Québec au regard des relations intergouvernementales dans le contexte de la « nouvelle géométrie politique propre au Canada ».
Cette vision, nous l’avons proposée aux Québécoises et Québécois lors de la dernière campagne électorale. C’est une vision du Québec dans un Canada en mouvement, un Québec prêt à développer de nouvelles relations et à partager de nouvelles approches avec ses partenaires au sein d’une fédération tournée vers l’avenir et capable de relever les nombreux défis qui se profilent à l’horizon.
La nouvelle vision de notre gouvernement avait été présentée dans le rapport final d’un comité que j’ai eu le privilège de présider, il y a quelques années. Intitulé « Un projet pour le Québec – affirmation, autonomie et leadership », le rapport du Comité spécial du Parti libéral du Québec sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise a été rendu public en octobre 2001. Il présentait une vision qui, par ailleurs, est devenue partie intégrante de notre programme politique lors de la récente campagne électorale, en avril dernier.
En élisant notre gouvernement au printemps dernier, les Québécoises et les Québécois ont choisi le changement. Non seulement ont-ils réitéré leur attachement au Canada, mais ils ont également fait part de leur désir que cessent les querelles Québec-Canada. Les Québécoises et les Québécois ont exprimé ainsi l’espoir qu’un gouvernement du Parti libéral puisse être le catalyseur d’une nouvelle dynamique dans la fédération canadienne.
Les Québécoises et les Québécois sont, et ils le seront toujours, préoccupés à préserver, protéger et promouvoir la spécificité du Québec. Ce qui nous distingue, c’est le prisme à travers lequel nous percevons notre rôle et notre place dans la fédération canadienne. C’est ce qui dicte clairement nos attitudes et nos actions autant au Québec, qu’à l’extérieur de nos frontières. Contrairement à une croyance populaire, notre spécificité n’est pas un instrument politique ou un stratagème pour obtenir plus d’argent du fédéral, plus de points d’impôts ou de pouvoirs. Cette spécificité est inhérente à ce que nous sommes et à ce que nous voulons devenir. Les Québécoises et les Québécois vont toujours rechercher à faire reconnaître, à faire protéger et à faire respecter cette spécificité.
Un des meilleurs moyens de protéger notre spécificité, c’est de sauvegarder notre autonomie dans le cadre de la Constitution canadienne. Le plein exercice des compétences constitutionnelles de notre gouvernement est fondamental à notre bien-être collectif et essentiel pour permettre aux Québécoises et aux Québécois de répondre aux aspirations sociales, économiques et culturelles de la société unique qu’ils forment en Amérique du Nord.
De par sa situation particulière en Amérique, le Québec a non seulement un rôle prépondérant à jouer, mais aussi un devoir de leadership au sein de la fédération canadienne.
Depuis quelques années – et pour les raisons que l’on sait – le Québec avait abandonné ce leadership dont il a déjà su faire montre historiquement dans la fédération canadienne. La poursuite de l’objectif d’un Québec plus fort au sein d’une fédération mieux équilibrée a été laissée de côté au profit d’une dynamique de confrontation et de méfiance. Cette éclipse a nui au Québec. Elle a aussi nui au Canada.
Mais l’arrivée d’un nouveau gouvernement change les choses. Le Québec ne sera plus en marge de la fédération canadienne. Notre gouvernement veut dynamiser la collaboration au sein du Canada, il veut mettre en œuvre une nouvelle solidarité avec l’ensemble du Canada, une solidarité davantage ancrée dans l’action, une solidarité qui cherche à faire progresser nos communautés respectives sur la voie de la prospérité.
Cela coïncide avec de nouvelles orientations, de nouvelles initiatives intergouvernementales et des appels à un renouvellement provenant de partout au Canada. À titre d’exemple :
Ces exemples concrets et pragmatiques démontrent que les gouvernements des provinces et des territoires, en tant que gardiens du meilleur intérêt de leurs citoyens, peuvent et doivent agir pour changer la fédération canadienne.
Au cours des derniers mois, le Premier ministre, M. Jean Charest, a employé à quelques occasions l’expression « diplomatie intérieure » pour décrire les relations du Québec avec ses partenaires de la fédération canadienne. L’expression me semble tout à fait indiquée pour décrire cette nouvelle philosophie qui anime le gouvernement du Québec dans ses relations avec ses partenaires fédératifs : cultiver des alliances et entretenir des amitiés dans le respect mutuel, c’est ce que nous voulons faire, c’est ce que nous allons faire.
Dans cette optique, le Québec est plus que jamais déterminé à travailler avec tous ses partenaires de la fédération canadienne.
Comme vous le savez, vivre dans une fédération implique une communauté d’idées et d’idéaux. Cela implique que le consensus social soit constamment renouvelé autour de valeurs communément partagées, dans le respect de l’autonomie et de la diversité des entités fédérées.
À cette fin, le Québec et ses partenaires fédératifs doivent passer à l’action. Ils ont le devoir de trouver ensemble les moyens de faire progresser le Canada au-delà de la confrontation et des affrontements inutiles.
D’ailleurs, force est de constater que l’état des relations intergouvernementales canadiennes ne nous laisse guère le choix que d’être plus créatifs, déterminés et convaincants. Depuis quelque temps, on constate une insatisfaction croissante des gouvernements des provinces et des territoires à l’égard de la façon dont s’opèrent les relations fédérales-provinciales.
Bien que le gouvernement fédéral prétende qu’il est le seul ordre de gouvernement capable de réconcilier les différences, de redresser les torts et de réparer les injustices, les faits prouvent que de telles prétentions ne se sont jamais matérialisées. Dans l’arène des affaires intergouvernementales, le gouvernement fédéral est parfois perçu davantage comme étant la source du problème que la solution.
On déplore cette tendance qui pousse le gouvernement fédéral à chercher à orienter l’ « agenda » intergouvernemental selon ses priorités, ce qui l’amène immanquablement à imposer sa conception du développement des politiques, même dans des secteurs d’activité qui ne relèvent pas de sa compétence.
Pour des raisons inconnues, le gouvernement fédéral cherche à s’imposer comme seul architecte de la nation. En procédant de la sorte, il cherche à imposer une uniformité à un pays dont la force fondamentale est exactement ce qu’il cherche à combattre, c’est-à-dire sa diversité et ses différences régionales et culturelles.
Les initiatives fédérales se concrétisent de plus en plus au moyen d’interventions directes auprès des citoyens, des organismes locaux ou des municipalités.
Ces actions unilatérales ont pour effet injustifié de court-circuiter la mécanique constitutionnelle et, partant, d’écarter les gouvernements des provinces et des territoires de leurs champs de responsabilités propres. On affaiblit ainsi les assises mêmes du fédéralisme canadien alors qu’il faudrait, au contraire, travailler à les renforcer dans un esprit de coopération et de respect des missions de chacun.
De plus, l’existence d’un déséquilibre fiscal important entre les deux ordres de gouvernement de la fédération canadienne a pour effet de donner à Ottawa des moyens considérables pour agir dans des domaines qui ne relèvent pas de sa compétence constitutionnelle. Ces surplus faramineux l’invitent en outre à assortir les transferts financiers consentis aux provinces et aux territoires de conditions qui limitent leur pouvoir d’intervention et qui respectent rarement leurs besoins et leurs particularités.
Finalement, à ces problèmes très concrets s’en greffe enfin un autre concernant l’attitude généralement démontrée par le gouvernement fédéral lorsqu’il est proposé d’améliorer la gouvernance du Canada. Le ton cavalier qu’il adopte, et trop souvent imbu de certitude, a pour effet de sublimer des approches ou des propositions par ailleurs fort valables et pertinentes dans les circonstances.
Permettez-moi d’ailleurs de souligner – et vous l’aurez sûrement noté – qu’il n’y a pas qu’au Québec où le fonctionnement du régime canadien soulève des mécontentements. L’état des relations intergouvernementales canadiennes suscite actuellement un certain nombre de frustrations dans plusieurs régions du Canada, dont notamment ici dans l’Ouest canadien.
Le sentiment d’ « aliénation de l’Ouest » est une manifestation régionale d’une insatisfaction croissante à l’égard de la manière dont sont prises et par qui sont prises d’importantes décisions politiques et économiques dans ce pays.
Le Québec vous comprend. En raison de son expérience particulière dans le fonctionnement de notre fédération, le Québec partage votre insatisfaction. Vous trouverez, dans le nouveau gouvernement du Québec, non seulement un partenaire attentif, mais plus important encore, un ami et un allié prêt à vous appuyer dans les dossiers d’intérêt commun.
De ces constats d’insatisfaction, il découle donc un urgent besoin pour les provinces et territoires de répondre à l’initiative lancée par le Québec visant à insuffler une nouvelle dynamique à la fédération, afin de rééquilibrer son fonctionnement.
Mais pour arriver à traduire cette intention en action concrète, il fallait trouver un moyen de redonner aux provinces et aux territoires l’influence et le rapport de force nécessaires qui leur permettraient d’agir comme véritables partenaires dans la définition du progrès de la fédération canadienne.
C’est dans ce contexte que nous avons proposé l’instauration d’un Conseil de la fédération comme lieu permanent d’échanges et de concertation entre les partenaires provinciaux et territoriaux.
Cette idée d’un Conseil de la fédération repose sur la prémisse fondamentale voulant que l’existence même des provinces, en tant que gouvernements autonomes, constitue une manifestation tangible des valeurs qui traduisent l’esprit fédéral. Autrement dit, les provinces sont et doivent rester à la base du projet fédéral. Il ne faut jamais perdre de vue que ce sont elles, à titre d’entités constitutives du Canada, qui ont à l’origine fait le choix d’une forme fédérative de gouvernement.
Comme l’a si justement souligné le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres dans l’arrêt Liquidators of the Maritime Bank of Canada :
Le but de [la Loi constitutionnelle de 1867] n’était pas de fusionner les provinces en une seule ni de subordonner les gouvernements provinciaux à une autorité centrale, mais de créer un gouvernement fédéral dans lequel elles seraient toutes représentées et auquel serait confiée de façon exclusive l’administration des affaires dans lesquelles elles avaient un intérêt commun, chaque province conservant son indépendance et son autonomie. (Liquidators of the Maritime Bank of Canada c. Receiver-General of New-Brunswick, [1892] A.C. 437, p. 441-442.)
= En somme, la formule fédérale originellement envisagée reposait sur les valeurs fondamentales suivantes :
S’il est vrai que l’esprit du fédéralisme doit guider sa pratique, cela signifie que ces valeurs ont toujours un rôle important à jouer dans la définition des relations intergouvernementales contemporaines. La proposition de créer un Conseil de la fédération s’inscrit parfaitement dans le courant qui cherche à ramener ces valeurs à l’avant-scène.
Par ailleurs, s’il est également vrai que les provinces sont à la base du projet fédéral, cela signifie que c’est d’abord et avant tout aux provinces et aux territoires qu’il revient de changer la dynamique et de donner un signal clair de leur volonté de rétablir l’équilibre dans les relations intergouvernementales canadiennes. C’est ce qui s’est produit en juillet dernier à Charlottetown , alors que les premiers ministres des provinces et des territoires se sont ralliés à l’idée de créer un Conseil de la fédération. Par ailleurs, le 24 octobre dernier, les premiers ministres des provinces et les chefs de gouvernement des territoires ont tenu, à Québec, une session de travail visant à donner forme au Conseil de la fédération.
Dans l’esprit de tous, le Conseil permettra de renforcer les rapports entre les provinces et les territoires. Il facilitera l’élaboration de positions communes, cohérentes et concertées. L’objectif est clair : agir dans l’intérêt des citoyens des provinces et territoires et non dans la perspective d’affrontements stériles avec le gouvernement fédéral.
Le Conseil de la fédération ne sera pas une institution constitutionnelle. Il sera un instrument politique de coopération intergouvernementale.
Je crois sincèrement qu’il est possible, pour les entités fédérées, de participer à une institution de collaboration intergouvernementale, comme le Conseil de la fédération, tout en conservant leur entière autonomie d’action et leur souveraineté dans les domaines de compétence que leur reconnaît la Constitution. Comme instrument de concertation et de collaboration, le Conseil de la fédération ne portera pas atteinte aux pouvoirs, aux droits et aux privilèges des provinces.
Dans ce nouveau Conseil de la fédération, le gouvernement fédéral ne sera pas un membre actif. Plutôt, les provinces ont exprimé le désir et la nécessité de tenir annuellement une rencontre fédérale-provinciale-territoriale qui sera coprésidée par le Premier ministre du Canada et le Premier ministre de la province qui assumera alors la présidence du Conseil. Ainsi, le Conseil de la fédération deviendra une « interface » importante et incontournable entre Ottawa et les provinces.
À Québec, le 24 octobre dernier, les premiers ministres des provinces et les chefs de gouvernement des territoires ont invité le nouveau Premier ministre du Canada à venir assister, l’an prochain, à une rencontre du Conseil de la fédération, afin de traiter de cette question importante d’un financement raisonnable et stable en matière de soins de santé.
Bien sûr, les gouvernements des provinces et des territoires ne seront pas toujours d’accord sur tout, mais nous sommes convaincus qu’en favorisant l’instauration d’un véritable partenariat entre les gouvernements provinciaux et territoriaux, conduisant ainsi au renforcement de l’interprovincialisme, il sera possible pour eux de reprendre le leadership de l’ « agenda » dans leurs propres champs de compétence et d’améliorer les rapports qu’ils entretiennent avec le gouvernement fédéral dans les matières à compétences partagées, afin d’améliorer le climat général des relations intergouvernementales.
À Charlottetown , les premiers ministres ont fait part de leur volonté de faire du Conseil de la fédération une véritable institution capable de s'approprier certains enjeux intergouvernementaux et de contribuer aux grandes orientations nationales de façon aussi importante que le fait le gouvernement fédéral. Aussi, le Conseil relèvera-t-il de la branche exécutive des provinces et des territoires et, partant, sera piloté directement par les premiers ministres provinciaux et les leaders territoriaux.
Le travail de création du Conseil de la fédération sera mené à terme le 5 décembre prochain à Charlottetown . Avec l’avènement de ce Conseil, les provinces vont combler le vide important qui existe présentement en matière de collaboration intergouvernementale. En ce sens, un pas significatif sera franchi pour formaliser les relations intergouvernementales et permettre une gouvernance à paliers multiples au Canada.
De plus, avec l’avènement d’un Conseil de la fédération, les provinces vont également se doter d’un moyen pour éventuellement développer une nouvelle vision prospective d’un Canada en devenir.
Dans un document publié sur les sites Internet de l’Institut des relations intergouvernementales et de l’Institut de recherche en politiques publiques, M. le professeur Ronald L. Watts de l’Université Queen a procédé à une analyse comparative des mécanismes de coopération intergouvernementale au Canada et dans d’autres fédérations. Sa conclusion est particulièrement intéressante :
While contemporary federations have ranged somewhere along the spectrum between interlocking intergovernmental relations and arm’s length co-operation, most, it would appear, have developed intergovernmental collaboration to a much greater degree than Canada. Thus, in comparative terms, it must be recognized that Canada has been less well-equipped to manage the contemporary challenges of interdependence than most federations. Federations elsewhere, therefore, illustrate possible improvements, including formal federal-provincial and interprovincial councils, which Canadians would do well to consider carefully. (R.L. Watts, “Intergovernmental Councils in Federations”, Constructive and Co-operative Federalism? A Series of Commentaries on the Council of the Federation, Institut des relations intergouvernementales et Institut de recherche en politiques publiques, 2003, 8-9.)
Je suis convaincu qu’avec l’avènement de ce Conseil, un pas significatif sera franchi vers un renouvellement de la fédération canadienne, dans un sens qui servira les intérêts du Québec, comme les intérêts de tous les partenaires de la fédération canadienne.
Toujours dans la perspective de la nécessité d’améliorer la qualité de la gouvernance au sein de l’ensemble fédéral canadien, en particulier dans le domaine des relations intergouvernementales, le gouvernement du Québec a récemment pris une autre initiative visant cette fois spécifiquement la problématique du déséquilibre fiscal.
Il existe actuellement un consensus au sein des gouvernements provinciaux et territoriaux sur l’existence d’un important déséquilibre fiscal entre eux et le gouvernement fédéral. Tel que je l’ai souligné un peu plus tôt, ce déséquilibre fiscal accentue la propension du gouvernement fédéral à intervenir dans les champs de compétence des provinces par des initiatives directes et souvent unilatérales, en invoquant un prétendu pouvoir de dépenser.
C’est ainsi que la persistance d’un déséquilibre fiscal nuit grandement à la capacité des gouvernements provinciaux d’exercer sans contrainte leurs compétences constitutionnelles.
Il existe pourtant un principe fondamental en matière de fédéralisme selon lequel chaque ordre de gouvernement doit pouvoir disposer des ressources financières nécessaires pour assumer les responsabilités qui lui sont attribuées par la Constitution. De plus, il ne devrait être permis ou toléré aucune situation ayant pour effet de subordonner, au moyen du financement, l’action des gouvernements provinciaux aux dictats du gouvernement fédéral. Une telle situation est inconciliable avec le principe fédéral. Une fois encore, cette situation affaiblit le fédéralisme canadien.
C’est pourquoi les premiers ministres des provinces et les chefs de gouvernement des territoires ont également convenu à Charlottetown , au mois de juillet dernier, de donner suite à l’initiative du Québec d’établir un Secrétariat d’information et de coopération sur le déséquilibre fiscal qui agira sous l’égide du futur Conseil de la fédération. Le geste n’est pas anodin. Il vient d’abord rappeler au gouvernement fédéral – qui nie toujours l’existence d’un déséquilibre fiscal au Canada – que les provinces et les territoires n’ont pas l’intention de renoncer et qu’ils vont activement rechercher une solution à ce qu’ils considèrent être un écueil majeur dans les relations intergouvernementales canadiennes.
Cette décision vient ensuite témoigner de l’intention ferme des premiers ministres de faire du Conseil de la fédération un instrument véritablement voué à la recherche d’un équilibre souhaitable entre les partenaires de la fédération, et plus spécialement entre les deux ordres de gouvernement, comme condition essentielle au bon fonctionnement du régime fédéral canadien.
Pour conclure cette brève présentation de l’état des relations intergouvernementales canadiennes, du point de vue du nouveau gouvernement du Québec, je veux d’abord insister sur la nécessité d’innover dans les moyens visant à améliorer la situation actuelle et à dynamiser les relations intergouvernementales. Il faut aussi sortir des affrontements stériles qui hypothèquent notre capacité à être plus constructif et plus attentif aux besoins de nos populations respectives.
Plutôt que de craindre le changement, il faut oser remettre en question les dogmes et les vaches sacrées. Au Canada, il y a urgence d’innover et de mettre au point, dans le champ des relations intergouvernementales, des moyens de favoriser la coopération et de développer des approches concertées.
Le temps est maintenant venu de donner aux provinces et aux territoires une voix forte et respectée dans l’évolution de la fédération canadienne. Le gouvernement du Québec est déterminé à travailler à l’émergence d’une nouvelle dynamique interprovinciale.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter les éléments essentiels de la philosophie et des objectifs du nouveau gouvernement du Québec en matière de relations intergouvernementales. Les éléments de cette vision du nouveau gouvernement du Québec sont les suivants :
Au moment où des changements importants sont sur le point de survenir sur la scène fédérale, avec un gouvernement fédéral se montrant de plus en plus actif et imaginatif pour s’immiscer dans les champs de compétence provinciale, il est urgent que les provinces se concertent pour consolider le rôle qu’elles ont à remplir dans le cadre fédéral qui est le nôtre, dans le contexte d’un nouvel ordre politique. Partant, le nouveau gouvernement du Québec, formé du Parti libéral du Québec dirigé par Jean Charest, lance un appel vigoureux à ses partenaires des autres provinces afin que tous les efforts et les ressources soient déployés en ce sens, afin d’accomplir cette tâche des plus importantes.
C’est ensemble que nous pourrons réussir à insuffler une nouvelle synergie dans les relations intergouvernementales canadiennes. C’est ensemble que nous pourrons provoquer de nouvelles occasions d’agir dans une fédération canadienne qui fait face à une nouvelle réalité politique tant attendue.
Je vous remercie.