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Le 24 mars 2004 L’état de notre fédération : la perspective du Québec

La version prononcée fait foi.

Allocution prononcée par monsieur Benoît Pelletier, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux Affaires autochtones du Québec dans le cadre d’un déjeuner organisé par la Canada West Foundation

24 mars 2004

La version lue fait foi

Mesdames et Messieurs,

Je souhaite remercier sincèrement monsieur James Gray, président du conseil, monsieur Roger Gibbins, président-directeur général, et la Canada West Foundation pour leur invitation chaleureuse. Comme certains parmi vous le savent, dans une première vie, avant mon entrée en politique en 1998, j’étais professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa. Aujourd’hui, en ma qualité de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux Affaires autochtones au sein du gouvernement du Québec, j’ai le privilège non seulement de pouvoir influencer l’état de notre fédération, mais également de pouvoir communiquer à d’autres, comme vous aujourd’hui, une perspective québécoise de l’état de notre fédération.

Vous savez, le gouvernement du Québec s’est engagé résolument en faveur d’une revitalisation de notre fédéralisme. Il est plus que jamais déterminé à travailler, avec tous ses partenaires de la fédération, à ce que s’établisse une nouvelle synergie fondée sur la compréhension et le respect mutuel, l’ouverture d'esprit et la recherche de compromis, lorsque cela est possible et souhaitable.

Ces derniers temps, plusieurs acteurs des relations intergouvernementales ont changé. Un contexte favorable au progrès de la fédération canadienne se présente ainsi à nous aujourd’hui. Il faut profiter de cette conjoncture pour établir un fédéralisme davantage influencé et dirigé par les principes fondamentaux qui sous-tendent cette forme de gouvernement.

Une première étape vers l’instauration de cette nouvelle ère dans les relations intergouvernementales a été franchie par la création, le 5 décembre dernier à Charlottetown, du Conseil de la fédération. Comme vous le savez, le mois dernier, se tenait à Vancouver la première réunion du Conseil de la fédération qui a permis aux premiers ministres des provinces et des territoires de s’entendre sur un ambitieux plan de travail, dont je vous parlerai tout à l’heure au moment d’aborder la question du fonctionnement du Conseil. Mais auparavant, j’aimerais vous entretenir de certaines réflexions à l’origine de la création de cette nouvelle institution et, plus généralement, de notre désir de revitaliser le fédéralisme canadien.

La formule fédérale, dans ce qu’elle a d’universel, implique l’existence de deux ordres de gouvernement, chacun étant souverain dans l’exercice de ses compétences constitutionnelles. Cependant, certaines conditions doivent être remplies afin qu’une fédération, quelle qu’elle soit, puisse fonctionner et évoluer sainement :

  1. Il doit y avoir un partage équilibré des compétences entre les deux ordres de gouvernement.
  2. Chaque ordre de gouvernement doit disposer des ressources fiscales lui permettant d’assumer pleinement et adéquatement ses responsabilités, de sorte qu’aucun ne se trouve en position de dépendance financière par rapport à l’autre.
  3. Les provinces doivent avoir la possibilité de s'exprimer au sujet de la gouverne de la fédération et exercer une certaine influence sur le processus législatif fédéral. Cela peut se réaliser, par exemple, par une seconde chambre du Parlement fédéral à l'action effective, ou par une institution équivalente où les provinces pourraient faire valoir leur point de vue et influencer ainsi, de façon réelle et positive, l'avenir de notre fédération.
  4. Des mécanismes efficaces doivent être instaurés afin de favoriser la concertation intergouvernementale dans des secteurs où la convergence s’impose entre des intérêts a priori divergents.

Pour ce qui est de la première de ces conditions, force est d'admettre qu'il y a déséquilibre entre l'État fédéral et les provinces en ce qui a trait aux pouvoirs concrets que chacun détient et exerce. Ainsi, les pouvoirs fédéraux s’étendent à des compétences comme la dimension nationale et l’urgence, le pouvoir résiduel, le pouvoir déclaratoire et différents pouvoirs de nomination. Le déséquilibre entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux réside également dans l'interprétation de plus en plus étendue donnée par la Cour suprême du Canada à certaines compétences fédérales, notamment en matière d'échanges et de commerce, de droit criminel, d'urgence ou de « dimensions nationales ».

Le déséquilibre entre les pouvoirs fédéraux et provinciaux résulte au surplus de développements que n'avaient pas prévus les rédacteurs de la Constitution canadienne en 1867, c’est-à-dire ceux directement liés à l’accession du Canada à son indépendance officielle. Cet événement historique des plus heureux s’est traduit dans les faits par un large contrôle fédéral notamment en matière de traités internationaux — y compris dans des domaines de compétence provinciale — et de sélection des juges de la Cour suprême qui, depuis l'abolition par le Parlement canadien des appels à Londres en 1949, a hérité du rôle d'arbitre ultime des contentieux constitutionnels entre les deux ordres de gouvernement.

Cette situation résulte enfin de l'usage abusif et insidieux dans les champs de compétence provinciale du pouvoir de dépenser par le gouvernement fédéral. Sur le fondement d’une jurisprudence non arrêtée, évasive et éminemment discutable, le gouvernement fédéral prétend qu'il peut intervenir à sa guise dans les domaines de compétence provinciale du moment que ses interventions prendraient la forme de dépenses, et ce, même si elles sont assorties de conditions qui, dans les faits, viennent s'imposer aux provinces. Or, il faut bien voir que, compte tenu des responsabilités sociales accrues de l'État, depuis l'avènement de l'État-providence, les mesures de dépenses et de services à l'intention de la population en sont venues à former la majeure partie de son activité. Ainsi, avec ce prétendu pouvoir fédéral de dépenser, nous ne sommes pas simplement confrontés à une interprétation large et abusivement « créative » des compétences fédérales, mais c'est la pertinence même du partage des compétences qui est remise en cause. Bref, c’est comme s’il n'y avait plus de règles et que l’on pouvait faire ce que l'on veut!

Ceci m'amène à la deuxième condition nécessaire pour un fédéralisme sain : un partage fiscal adéquat. Or, en ce qui a trait aux ressources financières, on constate qu'elles sont marquées au Canada par un important déséquilibre fiscal entre les deux ordres de gouvernement. Ce déséquilibre découle de la capacité du gouvernement du Canada d’engranger des surplus si considérables qu’ils lui permettent à la fois d’assumer ses responsabilités constitutionnelles, de réduire sa dette et d’envahir, par l’argent qu’il lui reste, les compétences des provinces, alors que ces dernières ont, pour la plupart, du mal à boucler leur budget. C’est en invoquant son soi-disant pouvoir de dépenser, dont je viens de parler, que le gouvernement fédéral s’autorise à agir de la sorte. Le déséquilibre fiscal étant de plus en plus important, le gouvernement canadien a de plus en plus recours à cette justification. Le pouvoir fédéral de dépenser et le déséquilibre fiscal s’alimentent ainsi mutuellement.

En ce qui touche maintenant à la voix que devraient avoir les provinces quant à la gouverne de la fédération, s'agissant d'une participation des provinces au processus législatif fédéral, elle n’existe pas au Canada puisque le Sénat n’a jamais vraiment joué le rôle de Chambre des régions ou des provinces, rôle qu’il était censé jouer à l’origine, mais qu’il n’a pu assumer pour le principal motif que les sénateurs sont nommés exclusivement par le gouvernement fédéral plutôt que par les provinces elles-mêmes et principalement en fonction de leur allégeance à des partis fédéraux. Cette absence des provinces au niveau pancanadien a eu notamment pour effet de laisser au gouvernement fédéral le champ libre, lui permettant de se présenter à la population comme le seul garant du bien commun. Cette importante lacune n’est pas étrangère à bien des frictions vécues dans les relations intergouvernementales canadiennes.

Enfin, en ce qui concerne la mise sur pied d’instances intergouvernementales, le Canada semble faire piètre figure par rapport aux autres fédérations du monde, du moins s’il faut en croire l’un de nos comparatistes les plus connus, monsieur Ronald Watts, qui disait :

 

Si l’on fait une comparaison, force est d’admettre que le Canada est moins bien outillé pour faire face au défi contemporain de l’interdépendance que la plupart des autres fédérations. Les fédérations, un peu partout, sont parvenues à innover, notamment en se dotant d’instances fédérales-provinciales et interprovinciales, ce que les Canadiens feraient mieux d’examiner attentivement [traduction libre]1 . Si le nouveau Conseil de la fédération, créé par les provinces et les territoires le 5 décembre 2003, vise principalement à pallier cette dernière lacune, j'ai, pour ma part, espoir qu'il pourra également aider à solutionner les trois autres lacunes dont j'ai parlé précédemment.

 

Certes, le Conseil de la fédération n’aura pas d’effets directs sur le partage des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernement. Mais, en structurant davantage les rapports intergouvernementaux par une entente multilatérale, la création de cette nouvelle institution constitue implicitement une reconnaissance de l’importance d'avoir des règles dans une fédération, ce qu’on avait un peu perdu de vue ces dernières années. Le manque de règles dans notre pratique intergouvernementale a trop souvent permis au gouvernement fédéral d’imposer sa vision. Plus fondamentalement, le Conseil vise à ramener à l’avant-plan les valeurs ayant servi de fondement à la fédération canadienne, soit le respect de la Constitution, le respect du rôle constitutionnel de chaque ordre de gouvernement et le respect de ces différences inhérentes qui sont les bienvenues.

Certes, le Conseil ne remédie pas, du moins dans l’immédiat, à la problématique du prétendu pouvoir fédéral de dépenser, tout comme il ne rétablira pas, du jour au lendemain, l’équilibre fiscal entre le fédéral et les provinces au Canada. Cependant, le Conseil permettra aux provinces et aux territoires d’être plus efficaces dans la lutte contre le déséquilibre fiscal et les diverses tentatives centralisatrices fédérales. À cet égard, les provinces ont démontré clairement leur volonté commune de trouver une solution à ces problèmes qui entravent le bon fonctionnement du fédéralisme canadien. C’est d’ailleurs en raison de l’importance de cette question qu’elles ont créé tout récemment le Secrétariat d’information et de coopération sur le déséquilibre fiscal, placé sous la responsabilité du Conseil, et qu’elles en ont fait une priorité dans le plan de travail adopté le mois dernier à Vancouver.

Le Conseil de la fédération ne constitue pas non plus un sénat réformé. Là-dessus, tout le travail reste à faire. Mais il donnera, j’en suis convaincu, une voix centrale aux provinces dans la prise des principales décisions qui affectent l’avenir du Canada et qui concernent l’évolution de notre régime fédératif. À cet égard, le Conseil cherche à remettre en question cette vision que certains entretiennent de ce pays, selon laquelle le gouvernement fédéral est le seul architecte du projet canadien. Notre objectif est, au contraire, de permettre aux provinces de reprendre le leadership dans leurs propres champs de compétence et d’améliorer leurs rapports avec le gouvernement fédéral afin que leurs points de vue soient davantage pris en considération dans les matières intéressant les deux ordres de gouvernement. D'ailleurs, l'une des fonctions du Conseil consistera à analyser toute action ou mesure du gouvernement fédéral susceptible d’avoir un impact majeur sur les provinces et les territoires. Cette analyse s’étendra également à des projets de loi ainsi qu’à certaines lois du Parlement du Canada.

Enfin, et c’était là l’objectif principal, la création récente du Conseil de la fédération permettra que l'on se dote de mécanismes favorisant le resserrement des relations intergouvernementales canadiennes. Un tel besoin a d’ailleurs été maintes fois constaté dans notre histoire. Ainsi, dès 1956, le rapport de la commission Tremblay, qui avait été mise sur pied par le gouvernement du Québec, a proposé la création d’un conseil permanent des provinces, modelé sur le American Council of State Governments, afin d’assurer une coordination des politiques provinciales, sans l’intervention du gouvernement fédéral.

Lorsque, il y a à peine trois mois, à Charlottetown, les premiers ministres des provinces et des territoires ont signé l’Entente fondatrice du Conseil de la fédération, ils ont alors posé un geste historique et se sont donné, pour la première fois depuis la création de la Conférence annuelle des premiers ministres en 1960, une instance formelle par laquelle ils entendent reprendre le rôle de leadership qui leur revient à titre de partenaires de la fédération, et ce, conformément à l’esprit qui a présidé à la création du Canada, il y a 137 ans.

Le nouveau Conseil de la fédération constitue d’abord et avant tout un instrument permanent de consensus et de solidarité visant à donner un nouveau dynamisme aux relations intergouvernementales en général et à instaurer un système fédératif plus constructif. Il réunit des représentants issus de la branche exécutive du gouvernement de chaque province ou territoire, et sa nature est administrative plutôt que constitutionnelle. Une telle instance intergouvernementale favorisera l’échange d’information et de points de vue, la mise en commun d’expériences et d’expertise, et la conclusion d’ententes de coopération.

Le Conseil pourra également renforcer la position globale des provinces et des territoires par rapport au gouvernement fédéral dans des dossiers d'intérêt commun. Il ne s’agit pas de provoquer des affrontements stériles avec le gouvernement fédéral; rechercher davantage l’équilibre de nos relations intergouvernementales, c’est en réalité travailler à les améliorer.

Dans le respect de l’autonomie des différents gouvernements, le Conseil pourra se pencher sur un grand nombre de questions. Le Conseil pourra donc aborder des sujets tels que la santé, l’éducation, le déséquilibre fiscal, l’environnement, les relations internationales ou le commerce intérieur. Il se penchera également sur des questions liées aux défis de la mondialisation.

Le Conseil sera composé des chefs de gouvernement des provinces et des trois territoires. Les premiers ministres des provinces en assumeront à tour de rôle la présidence dans un mandat d’une année. Les décisions du Conseil seront prises par voie de consensus, comme cela a été le cas jusqu’à maintenant pour les conférences annuelles des premiers ministres. Le Conseil se réunira au moins deux fois par année. Tout en étant une institution strictement provinciale-territoriale, le Conseil pourra tenir des réunions spéciales auxquelles le gouvernement fédéral sera invité à participer.

Le Conseil de la fédération sera doté d’un secrétariat permanent qui aura pour fonction d’appuyer les provinces et les territoires dans le suivi de leurs engagements et la réalisation de leurs objectifs. Ce secrétariat sera situé à Ottawa. Le Conseil supervisera également, entre autres, le Conseil des premiers ministres pour sensibiliser les Canadiens à la santé et, comme je l’ai mentionné, le Secrétariat d’information et de coopération sur le déséquilibre fiscal. Enfin, ses objectifs, son mandat et son organisation feront l’objet d’un examen soigneux dans cinq ans, tel que le prévoit l’Entente fondatrice du Conseil.

Dès la première réunion du Conseil de la fédération, soit celle des 23 et 24 février 2004, à Vancouver, les premiers ministres des provinces et des territoires ont procédé à la création du Secrétariat du Conseil et à celle du Secrétariat d’information et de coopération sur le déséquilibre fiscal. Ils ont aussi adopté un plan de travail très élaboré pour 2004 — portant notamment sur la viabilité et la réforme des systèmes de santé, les relations avec les États-Unis, le déséquilibre fiscal, la péréquation, les évaluations environnementales, les nominations au Sénat et à la Cour suprême du Canada, ainsi que la participation des provinces et territoires aux négociations internationales et aux accords qui touchent à leurs domaines de compétence. Ils sont aussi passés à l’attaque en ce qui concerne le renforcement des échanges commerciaux à l’intérieur du Canada et le financement adéquat des soins de santé.

Avec la mise sur pied de ce conseil, une étape substantielle a été franchie dans la recherche d’un meilleur système fédéral au Canada. Je crois au potentiel de cette nouvelle institution. Il faut cependant se garder d’y voir la solution à tous les irritants existant au sein de la fédération canadienne.

En effet, le Conseil de la fédération n’a aucune vocation constitutionnelle. Par conséquent, il ne porte aucunement ombrage aux revendications constitutionnelles du Québec ni à celles des autres provinces. La création du Conseil de la fédération n’entraîne aucune adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982, pas plus qu’elle n’équivaut à une réforme constitutionnelle de quelque nature que ce soit.

J’évoquais précédemment le déséquilibre fiscal et le problème du prétendu pouvoir fédéral « illimité » de dépenser. Je pense qu’il y a également lieu d’insister sur la nécessité de se soucier de l’interprétation judiciaire de nos normes constitutionnelles. L’interprétation des compétences constitutionnelles de chaque ordre de gouvernement et de certains principes régissant le partage des pouvoirs ne doit pas venir rompre les délicats équilibres propres au fédéralisme. Trop de marge de manœuvre pour le gouvernement fédéral nuit à ce système de gouvernement qui a intrinsèquement besoin d’un certain nombre de règles s’imposant à chaque ordre de gouvernement et agissant véritablement comme cadre et guide de l’activité étatique.

Cela dit, je suis tout à fait conscient que, de nos jours, l’on ne saurait s’en tenir à une compartimentation étanche entre les pouvoirs fédéraux et les pouvoirs provinciaux. Au contraire, les problèmes auxquels font face les diverses sociétés dans le contexte actuel de la mondialisation acquièrent souvent une dimension et une nature qui dépassent largement leurs frontières, fussent-elles locales, provinciales ou nationales, et qui interpellent tous les gouvernements en présence. L’heure n’est donc pas au repli sur soi, à l’isolationnisme, mais plutôt à l’ouverture sur le monde, à une certaine gestion commune de l’interdépendance et, surtout, à la collaboration intergouvernementale.

Cette collaboration ne doit cependant pas se faire à sens unique. Après tout, il est si facile pour le gouvernement fédéral de n’offrir sa collaboration aux provinces que dans le but de mieux justifier son immixtion, par le biais de l’argent dont il dispose, dans leur champ de compétence. Le dernier discours du trône fédéral témoigne d’ailleurs amplement de ce type de tentation à se mêler des questions qui ne relèvent pas de sa compétence. Cela revient à envahir le terrain de son voisin et à lui offrir par la suite notre collaboration pour déterminer avec lui les modalités de l’usage de sa piscine.

Non, vraiment, la collaboration, lorsqu’elle s’impose, doit aller dans les deux sens. Au Canada, comme dans n'importe quelle autre fédération, selon l'expression anglaise, « it takes two to tango ».

L’importance du fédéralisme est souvent soulignée dans la perspective québécoise. Nous savons qu’aux origines de la fédération, les Québécois ont joué un rôle déterminant en faveur du choix de ce système de gouvernement. D’ailleurs, c’est une réalité que la Cour suprême du Canada rappelait encore récemment :

 

Le fédéralisme était la réponse juridique aux réalités politiques et culturelles qui existaient à l'époque de la Confédération et qui existent toujours aujourd'hui.
[…]
La réalité sociale et démographique du Québec explique son existence comme entité politique et a constitué, en fait, une des raisons essentielles de la création d'une structure fédérale pour l'union canadienne en 18672 .

 

Pour nous du Québec, le respect du fédéralisme et du partage des compétences représente une question particulièrement importante en raison de la spécificité du Québec. Mais il constitue également une question importante dans une perspective pancanadienne. S’agissant d’une réalité au cœur de l’architecture institutionnelle canadienne, le fédéralisme mérite autant d’être protégé et mis à l’abri de l'incertitude et de l’arbitraire que la démocratie ou les droits et libertés de la personne. Ne pas respecter le fédéralisme affaiblit la primauté du droit elle-même en dévalorisant les normes constitutionnelles.

Dans son approche, le Québec cherche donc à revitaliser le fédéralisme canadien et à faire en sorte que les rapports intergouvernementaux soient mieux structurés. C’est une approche ainsi qu'un objectif constructifs et soucieux de la pérennité de nos institutions. En somme, les gouvernements doivent s’efforcer de donner à la fédération canadienne une nouvelle dynamique de respect et de confiance face aux grands défis et enjeux contemporains.

Je vous remercie.

1. R. L. Watts, « Intergovernmental Councils in Federations » dans Constructive and Co-operative Federalism? 2003 (2), Institute of Intergovernmental Relations, Queen’s University et IRPP, Montréal, p. 1-9 aux p. 8-9 : Thus, in comparative terms, it must be recognized that Canada has been less well-equipped to manage the contemporary challenges of interdependence than most federations. Federations elsewhere, therefore, illustrate possible improvements, including formal federal-provincial and inter-provincial councils, which Canadians would do well to consider carefully.

2. Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, aux pages 244 et 251-252.