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Château Bromont, le 26 mars 2004 Allocution prononcée à l'occasion du Congrès du Réseau des collèges et cégeps francophones

La version prononcée fait foi.

Allocution de M. Benoît Pelletier, ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes et aux Affaires autochtones, prononcée à l’occasion du Congrès du Réseau des collèges et cégeps francophones

Mesdames et Messieurs,

En ma qualité de ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux Affaires autochtones et de ministre responsable de la francophonie canadienne, j’ai eu, à plus d’une reprise, l’occasion de réfléchir aux dimensions interprovinciales et linguistiques de cet inépuisable sujet qu’est l’éducation. Il me semblait donc tout à fait opportun de venir échanger quelques idées avec vous aujourd’hui sur ce sujet.

Avant d’aborder plus spécifiquement la question de l’éducation et de la francophonie, j’aimerais traiter du besoin qui est ressenti dans tout le Canada d’une meilleure coopération entre les différents acteurs de la fédération canadienne.

Comme vous le savez, l’éducation, dans toutes ses dimensions, incluant la formation professionnelle et la formation de la main-d’œuvre, relève de la compétence exclusive des provinces, lesquelles semblent d’ailleurs désireuses de collaborer davantage entre elles dans ce domaine névralgique.

Dans cette perspective, le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada [CMEC] cherche à renforcer son leadership pancanadien et à faire en sorte que l’éducation soit placée à l’avant-plan des priorités au pays, et ce, afin de créer de meilleures conditions de réussite pour les élèves, les étudiantes et les étudiants, et d’améliorer nos systèmes d’éducation. Pour ce faire, les provinces et les territoires comptent se donner des priorités communes répondant aux grands enjeux qu’ils partagent à ce chapitre.

Incidemment, c’est le ministre de l’Éducation du Québec, M. Pierre Reid, qui, depuis octobre 2003, assume la présidence du CMEC, et ce, jusqu’en 2005. Le Québec entend exercer cette responsabilité dans la même perspective qui l’anime dans ses relations intergouvernementales en général, c’est-à-dire en faisant preuve de leadership, mais ce, en partenariat avec les autres provinces et territoires.

Depuis son élection, le gouvernement dont je fais partie s’est engagé résolument en faveur d’une revitalisation du fédéralisme canadien. C’est pourquoi il est plus que jamais déterminé à travailler avec tous ses partenaires provinciaux et territoriaux à ce que s’établisse une nouvelle synergie fondée sur la compréhension et le respect mutuel, l’esprit d’ouverture et la recherche de compromis lorsque ceux-ci sont possibles et souhaitables. Un pas marquant vers l’instauration de cette nouvelle ère a été franchi avec la création à Charlottetown, le 5 décembre dernier, du Conseil de la fédération, formé des premiers ministres des provinces et des territoires.

Je crois que le travail qui s’amorce au sein du Conseil de la fédération ne pourra que favoriser l’intensification des échanges entre les provinces dans des domaines prioritaires comme l’éducation où, possédant une compétence exclusive, comme je l’ai déjà dit, les provinces ont toute la latitude pour agir selon leur vision et leurs priorités spécifiques tout en développant, à l’occasion, quand le besoin se manifeste, une approche concertée face à des problématiques communes.

Mais, il est un autre sujet qui fait partie de mes préoccupations et dont j’aimerais maintenant vous entretenir : il s’agit de la francophonie canadienne.

Depuis ma nomination à titre de ministre, j’ai pu constater à quel point nous, francophones du Québec ou d’ailleurs au Canada, poursuivons le même but : celui d’assurer, chacun dans notre milieu, chacun dans notre sphère d’activités et à la mesure de nos moyens, par diverses actions et initiatives personnelles ou collectives, la promotion et le développement d’une francophonie vivante et dynamique. Depuis lors, j’ai entrepris résolument d’appuyer cette convergence et d’en développer tout le potentiel.

Le français est la clé de l’affirmation de notre identité et de notre culture, et l’instrument privilégié de partage et de rapprochement entre le Québec et les francophones des autres provinces canadiennes. C’est pourquoi l’affirmation de notre identité francophone ne doit pas être qu’un simple rappel du passé; en effet, bien qu’elle témoigne éloquemment d’une histoire, elle doit également marquer notre présence sur ce continent, une présence qui se veut actuelle, tenace et inspirée, en plus d’être le véhicule grâce auquel nos sociétés respectives ont choisi de se projeter dans l’avenir.

Nous savons pourtant que la francophonie canadienne est multiple. En effet, la diversité des situations qui la composent fait en sorte que les priorités et les besoins varient sensiblement d’une province à l’autre. Le Québec, bien qu’il soit le phare francophone le plus influent et le foyer principal de la francophonie en Amérique, n’est pas l’unique dépositaire de cette richesse, et il le sait bien. C’est pourquoi il reconnaît que la promotion et la défense du français doivent déborder ses propres frontières.

De mon point de vue, ce constat commande que s’instaure un échange continu d’informations touchant l’évolution et le rayonnement de la langue française au Canada. C’est pourquoi j’ai récemment amorcé un processus de consultation sur la Politique du Québec à l’égard des communautés francophones et acadiennes du Canada, que je souhaite revoir en profondeur. Je suis convaincu qu’en misant sur une compréhension mutuelle des besoins et ambitions des communautés et du Québec autour des principaux enjeux qui concernent l'avenir même du fait français dans les Amériques, nous serons tous en mesure de dégager des objectifs et des pistes de collaboration en vue de parvenir à une action plus concertée. C’est dans cet esprit que j’entends aborder, avec les représentants des communautés et ceux du Québec, la Politique et les programmes qui en découlent, ainsi que l’idée d’un Centre de la francophonie dans les Amériques. Cet exercice devrait se traduire, à terme, par l’adoption d’un nouvel énoncé mieux adapté aux besoins actuels de la francophonie canadienne, et faisant état plus clairement des perspectives qui baliseront les interventions du Québec au cours des prochaines années. Quant au Centre, il aura vraisemblablement pour principale mission de promouvoir le français et la culture d’expression française partout au Canada et, plus largement, à l’échelle continentale.

Cette vaste consultation culminera lors du Forum d’orientation sur la Politique du Québec à l’égard des communautés francophones et acadiennes et sur le Centre de la francophonie dans les Amériques, que nous tiendrons à Québec, les 30 avril, 1er et 2 mai prochains.

Je suis confiant que ces assises sauront répondre aux souhaits formulés depuis plusieurs années par les communautés francophones et acadiennes et par les associations pancanadiennes. La révision de la Politique, en particulier, devrait nous fournir une occasion de mieux répondre aux aspirations légitimes des uns et des autres. Quoi qu’il en soit, nous reconnaissons déjà que l’avancement de notre cause commune doit passer de manière obligée par un partenariat concret établi sur la base d’intérêts et de bénéfices partagés.

Il me semble que cette volonté qui est la nôtre, et qui consiste à affirmer au présent la vitalité du fait français sur ce continent et à définir une vision pour le futur, doit se matérialiser d’une façon plus large et plus consensuelle que par le passé. C’est du moins dans cette perspective que le gouvernement du Québec a tenu, à l’automne 2003, un Forum sur l’éducation, dont je voudrais maintenant vous parler brièvement. Les pistes d’intervention qui ont été dégagées de ces assises sont prometteuses; elles devraient pour le moins contribuer à donner à la vision qui nous anime un cadre débouchant sur l’action et sur des résultats probants. C’est en effet par des projets clairement balisés, des collaborations bien réelles, des stratégies communes d’intervention que nous verrons nos liens se resserrer et une nouvelle solidarité émerger dans nos rapports.

Nous savons tous que l’éducation est le levier par excellence pour la transmission de la langue, de la culture, de l’identité et des valeurs. Cette évidence, à elle seule, a conféré à ce Forum sur l’éducation un intérêt stratégique. À la faveur des échanges entre les participants sur les thèmes de la réussite scolaire en français, de l’apprentissage du français, langue maternelle, ainsi que sur la formation professionnelle et technique, un certain nombre d’idées ont été émises, à savoir la nécessité de valoriser conjointement la langue française, d’améliorer le soutien et les possibilités de ressourcement au profit de la filière scolaire et communautaire de l’éducation en français au Canada, et d’établir concurremment une concertation plus étroite entre le ministère de l’Éducation du Québec, ceux des provinces et territoires, de même qu’avec les communautés et les associations en éducation, qu’elles soient du Québec ou d’ailleurs au Canada. Éventuellement, ces assises nous permettront de jeter les bases d’une vision pancanadienne de l’éducation en français, du moins je l’espère. Et cette vision commune, nous la développerons non seulement en échangeant sur les expériences de tous dans une perspective de rétroaction, mais aussi en misant sur un continuum d’éducation en français, et cela, dès la petite enfance et dans un nombre maximal de provinces.

Pour l’heure, je puis vous dire que les besoins exprimés au cours de cette importante rencontre qu’a constitué le Forum sur l’éducation, les solutions qui y ont été avancées et les projets qui y ont été proposés par les participants de toutes les régions du Canada ont fait ressortir cinq axes d’intervention, soit le maintien et la croissance des communautés, le renforcement de la culture identitaire, l’accès à la culture, aussi bien à la culture générale d’expression française qu’à la culture scientifique en français, l’administration scolaire et, enfin, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, notamment en appui à l’enseignement et aux apprentissages en français.

Ce Forum sur l’éducation s’inscrit tout à fait dans la nouvelle approche que j’entends développer et qui consiste à associer, dans le respect des responsabilités, compétences et priorités de chacun, le gouvernement du Québec d’une part, et les communautés francophones et leurs gouvernements provinciaux d’autre part, pour la mise en route de projets communs et structurants dans le domaine de l’éducation. Dans le sillage et l’esprit des recommandations de ce Forum, nous allons donc proposer divers modes de coopération visant à bâtir une « vision globale de l’éducation en français ». Nous sommes d’ailleurs à préparer un plan d’action inspiré essentiellement des pistes qui nous ont été suggérées par les participants, lequel plan balisera nos interventions au cours des prochaines années.

En outre, nous avons entamé des pourparlers avec l’Ontario et le Nouveau-Brunswick afin de moderniser les ententes que nous avons conclues il y a plusieurs années avec ces provinces; nous avons également entrepris des discussions avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador, afin de signer une première entente de coopération avec cette dernière. Toutes ces ententes comporteront un important volet consacré à la francophonie, lequel fera lui-même une large place à l’éducation, en vue de la réalisation des objectifs qui ont découlé du Forum dont j’ai parlé précédemment.

Toutes ces initiatives dont je viens de vous dresser un portrait succinct montrent à l’évidence que le gouvernement du Québec souhaite réellement définir des positions communes et des pistes d’intervention qui nous permettront d’assurer tous ensemble le rayonnement d’une francophonie unie, quoique diversifiée. Vous le voyez, le Québec a l’intention de se rapprocher des communautés francophones et acadiennes et de leurs gouvernements davantage que par le passé.

Nous allons nous organiser et nous redéployer de façon à faire tomber les barrières qui nous ont éloignés les uns des autres pendant si longtemps; nous allons nous fixer comme objectif de parler de l’avenir, le plus souvent possible, d’une seule et même voix, en faveur du français, pour sa vitalité et pour son rayonnement.