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Le 2 mai 2004 Allocution l’occasion de la clôture du Forum de la francophonie

La version prononcée fait foi.

Allocution du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et aux Affaires autochtones, monsieur Benoît Pelletier,à l’occasion de la clôture du Forum de la francophonie,

Introduction

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d’abord de vous exprimer ma profonde satisfaction à la lumière des résultats, même préliminaires, de ce forum qui prend fin aujourd’hui. Depuis un an, j’ai eu l’occasion de rencontrer nombre d’entre vous partout au Canada et de présenter la vision de notre gouvernement quant aux relations que le Québec souhaite développer avec ses partenaires de la francophonie canadienne. C’est donc avec plaisir que je constate que ce forum nous a permis d’exprimer différents points de vue et de mieux percevoir le contexte linguistique dans lequel s’enracinent au Canada les différentes composantes de la francophonie des années 2000. Nous savons maintenant mieux en quoi et comment resserrer nos liens et cela, nous souhaitons le faire ensemble.

Depuis vendredi, c’est avec confiance et ouverture que nous avons tous fait part de nos idées, de nos expériences et de nos solutions, et que nous avons défini les bases sur lesquelles nous pourrons construire cette nouvelle solidarité.

Les interventions ont été de grande qualité et nous avons constaté qu’en fin de compte, nous, francophones de partout au Canada, voulons travailler à assurer une place de premier plan au fait français, souhaitant ainsi démontrer au reste du monde la vitalité de la langue française dans les Amériques.

C’est un premier constat de succès que je fais aujourd’hui. Nous avons atteint l’objectif que nous nous étions fixé. Cette réussite marque une première étape dans un parcours qui, je le souhaite profondément, va nous mener encore plus loin dans la voie de la concertation et de la solidarité.

Une cause commune : la promotion de la langue française

Il n’y a pas de doute, la promotion de la langue française et du fait français au Canada et dans les Amériques nous relie inévitablement. Cette belle langue française est le véhicule d’affirmation de notre identité et de nos cultures. Elle est aussi la voie privilégiée du partage et du rapprochement entre le Québec et les communautés francophones et acadiennes du Canada. À cet égard, j’ai pris conscience comme jamais, au cours de ce forum, que l’affirmation de notre identité francophone n’est pas qu’un simple rappel du passé, bien que sa présence tenace témoigne éloquemment d’une réalité historique quatre fois centenaire; elle est surtout, au quotidien, une richesse et une inspiration dans le Canada d’aujourd’hui, en plus d’être un instrument par lequel nos sociétés ont choisi de se projeter dans le nouveau millénaire et d’y faire leur marque.

Forts de cette cause que nous avons en partage, dégageons une vision et des objectifs communs, raffermissons les liens qui nous unissent, et adaptons nos modes de collaboration en conséquence.

En ce sens, c’est avec ouverture, mais surtout avec grand intérêt que j’avais accueilli les commentaires et suggestions formulés par l’ensemble des organismes consultés lors des préparatifs du forum. Je tiens d’ailleurs à remercier vivement la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, la Fédération culturelle canadienne-française et la Société Nationale de l’Acadie de leur collaboration essentielle à la préparation et au déroulement de ce forum.

Les échanges lors du forum

La seconde étape de cette consultation, qui s’était amorcée en septembre dernier, s’est poursuivie tout au long de la fin de semaine. Elle nous a permis d’approfondir, constat par constat, des questions cruciales pour le développement et le rayonnement accru de la langue française au Canada, de même que des cultures d’expression française sur ce continent.

Trois grands thèmes ont été abordés au cours de nos travaux :

Dans un premier temps, nous avons discuté de l’état des relations entre le Québec et les communautés francophones et acadiennes du Canada. Lors de la plénière portant sur ce thème, nous avons été appelés à réfléchir sur ce qui fonde nos rapports. Nous nous sommes appliqués à identifier des éléments de convergence entre les diverses composantes de la francophonie canadienne, ainsi que des approches qui permettent de concrétiser cette solidarité dans l’action, et ce, dans le respect des intérêts respectifs du Québec et des communautés.

Les résultats du premier thème

Quant à ce premier thème, je retiens de vos travaux les éléments suivants :

  • Bien que les communautés n’aient jamais disposé d’autant d’institutions, la survie du fait français est toujours préoccupante.
  • Il y a de plus en plus d’immigrants de langue française; il faut reconnaître leur apport et assurer leur intégration au cœur de nos activités.
  • Depuis quarante ans, le défi a consisté à faire reconnaître nos droits, à obtenir et gérer certaines des institutions essentielles à notre développement, alors qu’aujourd’hui, il faut susciter la fierté et le sentiment d’appartenance particulièrement chez nos jeunes.
  • En matière de francophonie, le leadership du Québec, autant du gouvernement que de la société civile, doit s’exercer dans le respect des caractéristiques des uns et des autres.
  • Les médias ne reflètent pas toute la réalité de la francophonie canadienne, ce qui entraîne une méconnaissance de celle-ci chez les Québécois. Toutefois, l’épisode de l’hôpital Montfort a démontré qu’il peut exister une véritable solidarité entre les Québécois et les Francophones de l’extérieur du Québec.
  • Il faut favoriser davantage les échanges entre les jeunes francophones de partout au Canada, y compris avec ceux du Québec.
Il s’agit donc là de questions de fond. Notre capacité à trouver des solutions mutuellement satisfaisantes déterminera plusieurs des actions qui viendront par la suite. C’est pourquoi, cette question de nos relations a donné lieu à des échanges de haut niveau.

Il a été souligné, entre autres choses, que le Québec de même que les communautés francophones et acadiennes ont des attentes élevées lorsque vient le temps d’assurer l’épanouissement de la langue française. Il s’agit là d’un enjeu qui, on l’a dit hier matin, nous interpelle tous et de plus en plus en raison de l’attrait grandissant de l’anglais dans le monde. À cet égard, nous faisons face à un certain cadre juridique qui, en proposant une symétrie théorique entre le français au Québec et l’anglais dans le reste du Canada, a eu pour effet de nous placer trop souvent dos à dos. Or, je suis heureux de constater l’émergence d’un certain consensus autour de la notion d’asymétrie, une notion qui tient davantage compte de la réalité, une notion à laquelle les tribunaux pourraient vouloir se montrer sensibles et une notion qui pourrait nous permettre de défendre ensemble encore mieux la langue française qui au fond, tel qu’il a été souligné au cours des travaux, est celle qui a besoin d’être protégée au Canada.

Deuxième thème

Dans un deuxième temps, nous avons passé en revue certains éléments liés à la mise à jour de la Politique du Québec à l’égard des communautés francophones et acadiennes du Canada, adoptée en 1995. En effet, l’un des principaux engagements du gouvernement du Québec en matière de francophonie consiste à revoir cette politique gouvernementale afin d’en améliorer les retombées, de sorte qu’elle corresponde davantage à notre réalité francophone et à notre désir de mieux nous connaître et de resserrer nos liens.

Là encore, vous avez été nombreux à formuler des commentaires sur la mise en œuvre de cette politique, à distinguer les points forts des points à améliorer et à suggérer des solutions, ce dont je me réjouis vivement. En effet, tous les éléments composant cette politique étaient sur la table : ses objectifs, les domaines privilégiés d’intervention, les mécanismes de concertation ainsi que les programmes d’aide financière.

Les résultats du deuxième thème

Vos travaux m’indiquent que les principaux objectifs, qui pourraient être pris en compte par la nouvelle Politique, devraient viser à :

  • Déterminer les enjeux politiques de la francophonie et dégager une vision commune de même que des stratégies assorties d’objectifs précis.
  • Associer l’ensemble des ministères québécois à sa mise en œuvre.
  • En faire davantage la promotion tout particulièrement au Québec.
  • Favoriser la collaboration avec les autres gouvernements, les réseaux institutionnels et la société civile.
  • Prendre en compte les plans de développement global des communautés.
  • S’assurer que son champ d’application soit le plus large possible et cibler explicitement la jeunesse.
  • Favoriser des projets structurants tout en ne négligeant pas les initiatives communautaires de moindre envergure.
  • Poursuivre la tenue de forums sectoriels et développer un mécanisme continu de concertation.

Troisième thème

Enfin, dans un troisième temps, nous avons débattu du rôle et des principales caractéristiques d’un éventuel Centre de la francophonie dans les Amériques. En effet, le mandat de ce Centre et la forme qu’il pourrait prendre ont suscité de nombreuses interrogations particulièrement au sein des communautés francophones et acadiennes. La richesse des débats témoigne d’une certaine perplexité devant tous les scénarios, mais aussi d’un élan de créativité qui me conforte quant à la pertinence et à l’intérêt pour tous d’un lieu de concertation de la francophonie dans les Amériques.

Les résultats du troisième thème

En effet, tous s’entendent pour reconnaître la nécessité d’un regroupement des forces vives de la francophonie afin de faire avancer la cause du fait français au Canada et dans les Amériques. Ce centre aurait une mission hybride conciliant une vocation première de concertation entre le Québec et les communautés avec une mission de promotion et de diffusion auprès du public québécois, du Canada et des Amériques. Ainsi, son rôle et ses mandats consisteraient notamment en :

  • Une vitrine culturelle.
  • Un événement rassembleur qui aurait lieu en alternance au Québec et dans les communautés en s’appuyant sur les infrastructures et les réseaux existants.
  • Un lieu de rencontres et d’échanges continus.
Le Centre aurait pignon sur rue et serait ouvert au grand public. Quant à sa gouvernance, il est clair que la réflexion devra se poursuivre.

Il est nettement trop tôt pour se commettre catégoriquement sur le nom que portera cette nouvelle instance. Pour ma part, je suis attaché au nom Centre de la francophonie dans les Amériques puisque c’est celui que j’avais choisi dès 2001, année où j’ai élaboré ce projet.

Quel que soit le nom qu’elle portera éventuellement, je peux vous assurer que cette nouvelle instance sera au carrefour des idées et des tendances. J’espère que ce sera un lieu à l’image de la francophonie canadienne, c’est-à-dire habité, accueillant et bien vivant.

Les étapes à venir

Cette fin de semaine, les participants des communautés francophones et acadiennes du Canada et ceux du Québec ont eu la chance de s’exprimer. Je vous ai écoutés et je vous ai entendus. Votre participation active, vos idées, votre ouverture et votre franchise ont permis d’enrichir les thèmes qui étaient à l’étude, à l’occasion de ce Forum de la francophonie, et de poser les jalons essentiels à l’émergence d’une francophonie canadienne renouvelée, plus forte et plus visible que jamais. Je vous en félicite et je vous en remercie.

Cependant, le travail accompli, quoique colossal, ne saurait constituer un achèvement, mais plutôt un commencement. Dès demain, je suis persuadé que, vous comme nous, voudrez concrétiser les grandes orientations dégagées ces derniers jours.

Cette volonté et les moyens de soutenir la réalisation des grands éléments du plan d’action des prochaines années, dont nous avons esquissé de concert les grandes lignes, trouveront leur écho dans une politique actualisée dont l’élaboration peut maintenant débuter. Nous prendrons les mesures pour que cette nouvelle politique soit adoptée en prévision d’une entrée en vigueur en 2005.

En ce qui a trait au Centre de la francophonie dans les Amériques, je crois, comme plusieurs d’entre vous, qu’il devrait être le lieu de nos travaux, de nos réflexions et de nos échanges en vue de planifier et d’évaluer la réalisation d’actions conjointes en matière de francophonie sous le couvert de la Politique.

Mais permettez-moi à mon tour de formuler certaines suggestions. Je vous l’ai dit, j’entrevois cette initiative qu’est le Centre comme une expression de notre nouvelle solidarité, mais aussi du leadership qu’entend assurer le Québec. Si notre ambition, comme je l’ai entendu, est d’être plus visible et d’augmenter notre influence en tant que francophones dans ce pays et au-delà, il me semble qu’il y a des points d’ancrage majeurs :

  • Planifier plus étroitement nos recherches en matière de francophonie, en partager et en diffuser les résultats, et ainsi mieux nous connaître et nous faire connaître.
  • Travailler, à l’échelle des Amériques, à assurer un plus grand rayonnement à l’industrie culturelle francophone.
  • Faire des affaires en français d’un océan à l’autre, augmenter notre réseautage, développer des marchés ici et ailleurs, affirmer l’excellence de notre compétitivité et nous faire connaître pour cela aussi.
Ces quelques idées, assurément porteuses, contribueraient à l’affirmation du fait français dans un contexte de mondialisation et d’homogénéisation culturelle. Je vous invite aujourd’hui à imaginer le Centre comme un lieu où vous pourriez être associés à la réalisation de telles ambitions. Ces responsabilités découlent logiquement du souhait maintes fois exprimé par les représentants des communautés francophones et acadiennes d’amener les Québécois à mieux les connaître et les comprendre et inversement.

Conclusion

S’il est une chose que je retiens des différents thèmes abordés cette fin de semaine, c’est qu’une collaboration encore plus soutenue, mieux ciblée et plus systématique entre le gouvernement du Québec et vos gouvernements provinciaux respectifs, au bénéfice de vos communautés, contribuera, de manière déterminante, à la réalisation de l’objectif ultime que nous poursuivons tous, soit celui d’assurer, ensemble, le rayonnement d’une francophonie sans frontières, diversifiée, mais unie comme jamais dans l’action.

Dans cette perspective, il me fait plaisir d’annoncer que le SAIC mettra en place dans les prochains jours un comité de suivi des travaux du présent forum.

En 1967, les États généraux du Canada français avaient réuni des francophones de tout le Canada pour discuter de l’avenir de la nation canadienne-française. La tenue de ces États généraux a marqué une scission entre le Québec et les communautés francophones. À partir de ce moment, tant les Québécois que les communautés francophones du Canada décidèrent de définir leur identité propre sur une base territoriale. Il n’est donc pas étonnant que, dans les années qui suivirent, et encouragés en cela par l’adoption en 1969 de la première Loi sur les langues officielles, vous ayez de plus en plus cherché le soutien du gouvernement fédéral pour faire avancer vos dossiers.

Mais aujourd’hui, en 2004, soit 37 ans après les États généraux, le Forum de la francophonie marque le début d’une nouvelle ère dans les relations entre le Québec et les communautés francophones et acadiennes du Canada. Nous sommes plus unis et plus solidaires que jamais, liés par l’histoire certes mais aussi par un certain sens du destin.

Les Québécois et Québécoises ont besoin de vous afin que la langue française rayonne vraiment, afin qu’elle n’évolue pas en vase clos, qu’elle n’évolue pas en serre chaude.

La différence entre le Québec d’une part et les communautés francophones et acadiennes d’autre part est manifeste. Nous ne partageons pas du tout le même contexte sociopolitique. Mais cette différence fait partie de notre diversité, laquelle est elle-même une richesse, une plus-value, plutôt qu’un obstacle à notre évolution commune, à notre évolution collective.

Car, de par sa situation majoritaire, le Québec est l’allié naturel de tous ceux et celles qui veulent vivre et prospérer en français sur ce continent. Quiconque souhaite, par des actions d’envergure, contribuer à l’avancement de la langue française, la confirmant ainsi dans son statut universel, trouvera le Québec à ses côtés. La cause pour laquelle vous luttez tous depuis si longtemps est également la mienne, de même que celle de tous les Québécois. C’est à bâtir et à vivre cette nouvelle solidarité francophone que je vous convie maintenant. Amis francophones du Canada, tenez-vous le pour dit, à compter d’aujourd’hui, le Québec est de retour.


Je vous remercie!