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Le 24 février 2000 Allocution de M. Joseph Facal lors de son intervention auprès du Comité législatif des Communes chargé d’étudier le projet de loi C-20

La version prononcée fait foi.

Le 30 octobre 1995, 2 308 360 Québécois votèrent OUI à la question que vous savez . Aujourd'hui, le gouvernement fédéral veut vous octroyer, à vous les 301 élus du Parlement fédéral, le pouvoir de décréter que ces 2 308 360 personnes ne comprenaient pas cette question et qu'il faut donc les protéger contre elles-mêmes.

« Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font ». « Father, forgive them for they do not know what they are doing ». C'est ce que C-20 dit aux Québécois. That's what C-20 is telling Quebeckers.

Ainsi croit-on occulter le mal canadien, oubliant que plus de Québécois ont voté OUI qu'il y a d'électeurs en Saskatchewan, au Manitoba,à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et à l'Île du Prince-Édouard, mis ensemble.

C-20 ne fera disparaître ni les souverainistes ni l'idée que le Québec devienne un jour un pays. Ce serait trop simple.

Mais si le gouvernement du Québec est ici aujourd'hui, c'est au même titre que tous les précédents gouvernements québécois, indépendamment de leurs options constitutionnelles, comme gouvernement issu d'une Assemblée nationale qui est l'unique dépositaire du droit du peuple québécois de choisir seul son statut politique.

C-20 est inacceptable parce qu'il veut mettre sous tutelle le peuple québécois, parce qu'il met en cause des principes démocratiques fondamentaux, parce qu'il insulte l'intelligence des Québécois, parce qu'il instaure le règne de l'arbitraire et parce qu'il porte en lui, pour vous, les germes d'une amère désillusion.

La mise sous tutelle du peuple québécois

Le Québec, comme entité politique, existait avant la création de la fédération canadienne. C'est parce qu'il a exercé son droit de choisir librement son statut politique que le Québec a, en 1867, contribué à créer le Canada. N'oubliez jamais cela.

En adhérant à cette fédération, le peuple québécois n'a ni renoncé à son droit de choisir un autre statut politique ni voulu soumettre pour toujours son destin à un Parlement dont la majorité des membres provient de l'extérieur du Québec.

Or, l'article 1 du projet de loi C-20, qui dicte indirectement la question référendaire, permet à une majorité de députés de l'extérieur du Québec de décider qu'une question n'est pas suffisamment claire pour y donner suite malgré la volonté de l'Assemblée nationale et d'une population qui, l'ayant jugée claire, y aurait répondu positivement.

Certains diront que l'Assemblée nationale du Québec demeure libre de poser la question qu'elle veut. Faux, car C-20 rend irrecevables les questions de 1980 et de 1995, de même que la question de Bruxelles évoquée jadis par Robert Bourassa.

Avec l'article 2 du projet de loi, le Parlement fédéral s'arroge le pouvoir de décider que la majorité obtenue est insuffisante … même si la population du Québec acceptait le résultat du vote et s'y ralliait.

Finalement, l'article 3 confère au Parlement de n'importe quelle autre province, sous le couvert de la formule d'amendement contenue dans une constitution canadienne sans légitimité parce qu'imposée au Québec et jamais entérinée depuis, un droit de veto absolu sur l'avenir du peuple québécois.

Trois articles, trois mécanismes pour contrecarrer l'expression d'une volonté démocratique.

La remise en cause d'un principe démocratique fondamental

C-20 remet aussi en cause la règle démocratique universelle du 50 % + 1. Or tous les référendums tenus jusqu'ici au Canada l'ont été en vertu de celle-ci.

Le Canada a aussi reconnu de nombreux pays formés à la suite de référendums tenus en vertu de cette règle, qui est également celle des Nations-Unies lorsqu'elle supervise des référendums d'accession à la souveraineté.

Exiger toute autre règle équivaut à donner plus de poids à un vote fédéraliste qu'à un vote souverainiste, c'est discriminer sur la base de l'opinion politique. C'est mettre en cause le principe de l'égalité des électeurs.

Une insulte à l'intelligence des Québécois

C-20 postule que les Québécois doivent être protégés contre leur gouvernement, mais aussi contre eux-mêmes car ils seraient incapables de juger des enjeux posés par une question référendaire. Aussi vaut-il mieux tenir compte de l'avis d'un député du Manitoba ou de la Saskatchewan qui saura mieux que l'électeur québécois ce qui est clair et ce qui ne l'est pas. Il comprend lui.

Mesdames et messieurs les députés du Parlement fédéral, est-ce que vous réalisez le ridicule dans lequel les auteurs de C-20 vous font sombrer? Réalisez-vous que vous vous apprêtez à ériger en principe législatif la supposée supériorité de jugement des élus sur leurs électeurs?

C-20 est aussi insultant parce qu'il déforme grossièrement l'avis de la Cour suprême.

Nulle part dans son avis la Cour suprême vient conférer au Parlement fédéral un droit de regard sur le contenu de la question référendaire, en l'autorisant à statuer sur sa clarté avant même que l'Assemblée nationale ne l'ait adoptée.

Nulle part la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit d'imposer une question devant expressément exclure toute référence à une offre de partenariat.

Nulle part la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral l'autorité de fixer a posteriori et à son gré la majorité requise.

Nulle part la Cour suprême ne donne au Parlement fédéral le droit de dicter unilatéralement le contenu des négociations postréférendaires.

Le gouvernement fédéral a joué avec le feu en s'adressant à la Cour suprême. Il s'est brûlé, récoltant la consécration du fait que le territoire canadien est divisible sur la base des territoires des provinces, la reconnaissance du caractère légitime de l'option souverainiste, la création d'une obligation de négocier d'égal à égal, et l'admission qu'en cas de mauvaise foi fédérale, la reconnaissance internationale d'un Québec souverain s'en trouverait facilitée.

Aujourd'hui, le gouvernement fédéral vous demande à vous, députés, de racheter son erreur en réécrivant l'avis.

Le règne de l'arbitraire

Le parrain du projet de loi C-20 insiste aussi beaucoup sur le respect de la primauté du droit.

Mais la primauté du droit doit exclure le pouvoir arbitraire. Or C-20 est un monument érigé à l'arbitraire. Il veut donner à la Chambre des communes le pouvoir de déclarer la question non claire sur la base de « tout avis qu'elle estime pertinent ». L'avis de qui? Il vous donnerait le pouvoir d'évaluer la majorité requise à la lumière de « tous autres facteurs ou circonstances (que vous estimerez) pertinents ». Lesquels?

Quelle est la nouvelle règle du jeu si ce n'est plus 50 % + 1? 55 %, 60 %, 65 %? Devant pareil arbitraire, comment un citoyen peut-il se gouverner? Ce que lui dit C-20, c'est que son vote n'aura que l'importance que vous voudrez lui donner.

Les germes d'une amère désillusion

C-20 crée l'illusion que le territoire du Québec serait divisible, que les votes pourraient être comptés sur une base ethnique, linguistique ou géographique. Tout cela est faux.

Le jour où les Québécois décideront de se donner un nouveau pays, C-20 ne pourra les en empêcher. Vous vous illusionnez si vous pensez le contraire. L'Union soviétique a tenté cela en 1991. En vain.

Conclusion

Le projet de loi C-20 est inacceptable pour le Québec, inacceptable aussi pour tous les partis représentés à l'Assemblée nationale.

Le gouvernement du Québec ne reconnaît aucune légitimité au Parlement fédéral pour s'ingérer de la sorte dans l'exercice du droit du peuple québécois de décider seul de son avenir.

L'Assemblée nationale adoptera la question qu'elle voudra. Le peuple québécois décidera seul de sa clarté. L'option victorieuse sera celle qui franchira la barre des 50 % +1 des voix validement exprimées. Qui a peur de la volonté démocratique des Québécois?

Je demeure convaincu qu'advenant un résultat positif, s'élèveront dans le reste du Canada des voix qui en appelleront au respect de la décision des Québécois et à une négociation conduite en toute bonne foi au nom de nos intérêts mutuels.