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Le 4 avril 2000 Allocution de M. Joseph Facal à l’occasion de la fin de la consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi 99 – Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec

La version prononcée fait foi.

Seul le texte prononcé fait foi

Monsieur le Président,

Nous arrivons au terme de la première étape d'un exercice démocratique dont l'importance se mesure par la gravité des circonstances qui y ont donné naissance. Le 15 décembre 1999, le premier ministre du Québec, dans une déclaration télévisée, avait, on s'en rappellera, tenu à informer nos concitoyennes et concitoyens des moyens que l'État du Québec comptait prendre pour répondre au projet de loi C-20, faussement appelée « Loi sur la clarté », que le gouvernement fédéral venait de déposer dans le but de restreindre l'exercice de leurs choix démocratiques dans tout futur référendum touchant au statut politique du Québec.

Cette réponse de l'État québécois a pris la forme du projet de loi no 99 qui a fait l'objet, au cours des dernières semaines, d'une consultation générale et d'auditions publiques devant la présente commission. Au nom du gouvernement, je tiens à exprimer notre profonde satisfaction face au déroulement de cette consultation.

Il y a quelques mois à peine, les détracteurs de cet exercice démocratique en prédisaient l'échec. Vous n'intéresserez personne, disaient-ils, sauf quelques groupes que le ministre Stéphane Dion, avec l'amabilité qu'on lui connaît, s'était empressé de qualifier de « boules à mites ». Cela ne suscite plus aucun intérêt chez les gens, a-t-on pu aussi entendre.

Or, trois mois plus tard, que constatons-nous? Simplement que ces détracteurs sont devenus étrangement silencieux. Et pour cause. La commission a reçu pas moins de 67 mémoires. De ceux-là, elle en a entendu près d'une soixantaine, provenant de divers milieux et de divers horizons politiques.

L'intérêt fut manifeste. Organismes socio-économiques, organismes communautaires, partis politiques, personnalités politiques émérites, professeurs d'université et autres spécialistes sont venus témoigner devant nous. La commission a aussi entendu plusieurs citoyens venus à titre individuel. Cela a d'ailleurs donné une valeur ajoutée au caractère démocratique de nos travaux qui, sur ce plan et sur beaucoup d'autres, se sont situés très loin des manigances partisanes et antidémocratiques qui ont marqué les auditions et le débat sur le projet de loi C-20. Parlant de participation, je salue au passage l'assiduité des représentants du Conseil privé d'Ottawa, qui n'ont pratiquement rien manqué de nos travaux. Je ne doute pas qu'ils feront un compte-rendu fidèle de ce qu'ils ont entendu.

Quel bilan pouvons-nous faire des travaux de la commission? Quelques constats s'imposent. J'en vois quatre principaux.

Premièrement, il est clair que la réponse privilégiée par le gouvernement du Québec, à savoir un projet de loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, s'avère, aux yeux de la très large majorité des intervenants, une réponse appropriée. À une loi, il fallait répondre par une loi. Cela signifie que le gouvernement du Québec se sent appuyé dans sa démarche qui l'a amené à saisir l'Assemblée nationale du projet de loi no 99. Je tiens également à exprimer la confiance renouvelée du gouvernement dans l'avenue proposée par le projet de loi.

Par ailleurs, plusieurs chefs des nations autochtones sont venus nous faire part de leurs préoccupations. Le gouvernement leur sait gré d'avoir participé à cet exercice démocratique. Il importe cependant que les onze nations autochtones du Québec comprennent pour leur part que le projet de loi no99 est un geste d'affirmation et de défense devant l'assaut perpétré par le projet de loi C-20 du gouvernement fédéral et qu'il ne vise d'aucune manière à porter atteinte aux droits qui sont les leurs.

Deuxièmement, il ressort de nos travaux que le projet de loi C-20 inquiète sérieusement les Québécoises et les Québécois qui voient le gouvernement fédéral agir pour s'arroger un contrôle sur l'exercice de leurs choix démocratiques. Plus personne ne peut sérieusement prétendre que le projet de loi C-20 reçoit au Québec un accueil favorable. En fait, c'est tout le contraire.

Plusieurs des mémoires ont en effet dénoncé, en termes vigoureux, l'ingérence du gouvernement fédéral dans une question qui regarde au premier chef le peuple québécois et ses institutions politiques. Beaucoup ont été choqués du caractère antidémocratique des principales dispositions du projet de loi C-20, notamment des dispositions qui visent à subordonner, à toutes fins utiles, l'Assemblée nationale au Parlement canadien dans la formulation de la question référendaire et qui écartent la règle démocratique du 50 % + 1 pour la remplacer par un seuil dont l'appréciation est laissée- après le dévoilement des résultats référendaires, cela aussi il ne faut pas l'oublier – à l'arbitraire du gouvernement fédéral.

Je dirais, par ailleurs, que cette inquiétude semble avoir été accrue par les gestes profondément antidémocratiques posés par le gouvernement fédéral pour forcer l'adoption du projet de loi avec un minimum de débats, tant au sein du Parlement qu'au sein de la société canadienne en général. Doit-on rappeler la façon dont le gouvernement fédéral s'y est pris pour le faire adopter à toute vapeur par la Chambre des communes? La façon dont il s'y est pris pour éviter de venir entendre ce que le peuple québécois pouvait penser des mesures proposées, dont certaines remettent en cause des règles démocratiques universellement reconnues?

Le troisième constat qu'il faut tirer des travaux de notre commission est l'insistance mise par beaucoup d'intervenants sur la nécessité d'arriver, parmi les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, à un consensus sur le projet de loino 99. À maintes reprises, tant de la part des citoyens venus à titre individuel que de la part de personnalités aux états de service impressionnants, nous avons été conviés à mettre de côté les lignes partisanes et à nous ranger, de façon solidaire, derrière les intérêts supérieurs du Québec.

Le gouvernement aurait certes pu, comme cela lui a été proposé par certains intervenants, répondre à l'initiative fédérale au moyen d'un projet de loi sur la souveraineté du Québec. Nous avons choisi une autre voie, celle d'un projet de loi de portée plus générale, susceptible non seulement de rallier à un consensus la plus large majorité possible, mais aussi d'évoluer vers ce que le premier ministre Bouchard a appelé une charte des droits politiques du peuple québécois.

C'est pourquoi je me permets d'insister auprès des députés réunis autour de cette table qui, comme moi, ont entendu l'invitation faite à nos partis politiques respectifs pour qu'ils oublient leurs divergences et se rallient autour du projet de loi no99. Je rappelle à tous qu'il n'est pas trop tard pour forger ce consensus. Je presse en particulier l'Opposition officielle de cesser de voir partout des complots et des machinations souverainistes, de sortir de son immobilisme, d'admettre plutôt que les intérêts supérieurs du Québec commandent que nous fassions cause commune, et de contribuer de façon constructive à la bonification du projet de loi no99.

Enfin, un quatrième et dernier constat à tirer des travaux de la commission est que le projet de loi no99 doit être enrichi. Le gouvernement va donc s'affairer, au cours des prochaines semaines, à dresser le bilan de cette consultation générale. Plusieurs intervenants ont déposé des propositions d'amendement qu'il faut maintenant étudier avec soin.

À l'ouverture de cette commission, j'avais en effet dit que le gouvernement serait réceptif à tout amendement susceptible de bonifier le contenu du projet de loi et susceptible de rallier l'Opposition officielle. Je peux aujourd'hui annoncer que le projet de loi sera amendé afin d'être enrichi et, à cet égard, j'entends soumettre à cette commission, dans quelques instants, une motion visant la réimpression du projet de loi avant qu'il ne soit à nouveau déposé devant l'Assemblée nationale. Nous prendrons le temps de faire les choses correctement et dans le respect de nos institutions parlementaires, contrairement au processus suivi par Ottawa pour l'adoption de son projet de loi
C-20.

En terminant, vous me permettrez, Monsieur le Président, de remercier chaleureusement toutes ces personnes qui ont pris la peine de préparer un mémoire et qui se sont déplacées pour venir en faire la présentation devant cette commission. La qualité des interventions et la civilité des débats ont permis de constater à nouveau la santé de nos institutions démocratiques et nous ont constamment rappelé combien elles sont précieuses et combien elles méritent que nous les protégions contre ceux qui voudraient en restreindre les pouvoirs et les prérogatives.

Ces remerciements s'adressent également à tous les députés qui ont siégé autour de cette table, en particulier à mon vis-à-vis de l'Opposition officielle, le député de Chapleau, à mes collègues de la majorité ministérielle, ainsi qu'au chef de l'ADQ, le député de Rivière-du-Loup, et à vous-même Monsieur le Président.