La version prononcée fait foi.
Allocution prononcée par monsieur Benoît Pelletier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes, de la Francophonie canadienne, de l’Accord sur le commerce intérieur, de la Réforme des institutions démocratiques et de l’Accès à l’information à l’occasion du déjeuner-causerie tenu par le Conseil des relations internationales de Montréal, dans le cadre d’un colloque organisé par a Chaire Hector-Fabre d’histoire du Québec, de l’Université du Québec à Montréal
En me replongeant récemment dans le discours qu’il prononçait, au nom du gouvernement du Québec, devant le Corps consulaire de Montréal en avril 1965, je me suis demandé si Paul Gérin-Lajoie avait eu prescience des effets particuliers qu’aurait le phénomène de la mondialisation sur les États fédérés comme le Québec. En postulant que le Québec pouvait – et devait – exercer sur la scène internationale la part de souveraineté qui lui était attribuée par la Constitution canadienne, Paul Gérin-Lajoie n’a pas fait qu’exprimer les principes de droit constitutionnel qui devraient s’appliquer aux relations internationales. Il a aussi pressenti avec grande acuité l’un des défis les plus importants au maintien de l’autonomie du Québec au sein de la fédération canadienne.
En effet, la mondialisation pose un formidable défi au fédéralisme canadien, entre autres en ce qui a trait au rôle des provinces sur la scène internationale. À peu près tous les domaines qui, dans notre fédération, relèvent exclusivement ou concurremment des provinces font aujourd’hui l’objet de décisions, de négociations et d’ententes à l’échelle internationale. C’est dans les forums internationaux que sont désormais décidées bon nombre des orientations et des normes qui guident l’action des gouvernements. Parmi les domaines touchés par cette nouvelle réalité, mentionnons : la santé, le développement économique et social, l’environnement, le travail, les droits de la personne, les nouvelles technologies ainsi que les domaines devenus indissociables de la spécificité québécoise, tels l’éducation, la langue, la culture, l’identité et le droit civil. Tous ces domaines d’action gouvernementale deviennent en quelque sorte des champs de compétence d’un ordre normatif international de plus en plus présent.
La multiplication et l’élargissement d’accords commerciaux, qu’ils soient globaux comme l’OMC, régionaux comme l’ALENA ou bilatéraux comme l’Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, ont beaucoup contribué à ce phénomène et, de ce fait, méritent une attention particulière.
La mondialisation est une tendance qui va en s’accélérant et qui pose plus que jamais la nécessité, pour les États fédérés, d’être présents à toutes les étapes de l’élaboration des normes internationales et de conclure, dans certains cas, leurs propres engagements internationaux. Cela est particulièrement vrai pour les États qui, comme le Québec, constituent l’expression politique d’un peuple et de sa spécificité, sans compter l’importance que revêtent les accords commerciaux internationaux pour l’économie québécoise, fondée, à hauteur des deux tiers, sur son commerce extérieur.
Le gouvernement dont je fais partie est convaincu que l’interdépendance grandissante des instances gouvernementales, tant à l’intérieur de la fédération canadienne qu’entre les États souverains sur le plan international, rend la doctrine Gérin-Lajoie encore plus pertinente aujourd’hui pour le Québec qu’elle ne l’était lorsqu’elle a été formulée. Nous avons d’ailleurs indiqué, dès notre arrivée au pouvoir, que l’action internationale du Québec serait au coeur de notre programme d’affirmation de l’identité québécoise. Ma collègue, Mme Monique Gagnon-Tremblay, ministre des Relations internationales, élabore présentement un nouvel énoncé de politique sur les affaires internationales du Québec.
En 2005, la présence du Québec doit être assurée dans un univers encore plus complexe, plus intégré qu’il y a quarante ans, univers marqué par la nécessaire coopération entre gouvernements. Le monde a changé. De grands ensembles économiques et politiques supranationaux se sont construits. De nouveaux acteurs, étatiques et non étatiques, ont accédé à la sphère internationale, brisant le monopole qu’exerçaient les gouvernements centraux.
Cette évolution appelle aussi, à l’échelle canadienne, plus d’interactions, tant avec le gouvernement fédéral qu’avec les gouvernements des autres provinces qui désirent également défendre leurs intérêts sur la scène internationale. Ces interactions doivent, il me semble, être fondées sur un désir réel de travailler en collaboration. Il en va de la pérennité de notre fédéralisme.
C’est dans le contexte de cette réalité contemporaine des relations internationales et fédérales-provinciales que se situent aujourd’hui les revendications internationales du Québec. Je reviendrai un peu plus tard sur quelques-uns des éléments fondamentaux qui animent la demande du Québec de renforcer son rôle international.
Mais, en premier lieu, je me fais un devoir d’aborder une question que j’aurais espéré indubitable dans le Canada de 2005, soit celle de rappeler le caractère légitime de l’action internationale du Québec. Il existe, depuis un certain nombre d’années, un large consensus dans la société québécoise en faveur d’un plus grand rôle du Québec dans les forums internationaux qui touchent des sujets relevant de sa responsabilité. Cependant, je constate avec regret que, quarante ans après que le gouvernement du Québec eut postulé un principe dont la logique ne fait aucun doute dans un contexte fédéral, certains acteurs et commentateurs influents de la scène politique canadienne remettent toujours en question la légitimité des aspirations du Québec sur le plan des relations internationales.
Une première critique veut que le champ des relations internationales soit en quelque sorte réservé au gouvernement fédéral. Or, contrairement à ce qui est souvent véhiculé, le fait pour le gouvernement d’une province d’exercer ses compétences sur la scène internationale n’est ni inconstitutionnel, ni incompatible avec le fédéralisme canadien.
D’abord, on ne répétera jamais assez que la Constitution canadienne confère aux provinces une souveraineté aussi vaste, dans leurs champs de compétence, que celle conférée au gouvernement fédéral dans les siens. Cette donnée fondamentale de notre fédéralisme n’est-elle pas sans répercussions sur les relations internationales? À ce sujet, le texte de la Constitution canadienne est d’ailleurs silencieux, si l’on fait exception des anciens traités conclus par l’Empire britannique au nom du Canada avant le Statut de Westminster de 1931. Il est donc clair que l’État central ne s’est vu conférer aucun monopole constitutionnel sur les relations internationales.
À cet égard, il est utile de revenir aux sources. Dans son avis de 1937 sur les conventions de travail, le Conseil privé de Londres a expressément refusé de trancher la question de savoir si le gouvernement fédéral avait une compétence exclusive en matière de conclusion de traités ou si, comme les provinces l’avaient prétendu, le pouvoir de l’exécutif en ce domaine était partagé entre les deux ordres de gouvernement en fonction de leurs compétences constitutionnelles. Le tribunal s’est limité à la question de la compétence relativement à la mise en oeuvre des traités internationaux. Et, là-dessus, il a été très clair : ce sont les provinces qui ont la responsabilité de mettre en oeuvre les traités conclus par le Canada, lorsque ceux-ci portent sur des matières qui relèvent de leurs compétences constitutionnelles.
La compétence reconnue aux provinces en matière de mise en oeuvre des traités rend nécessaire la participation des provinces à chacune des étapes préliminaires à l’application d’un accord international. Vous conviendrez aisément, en outre, qu’il est difficilement justifiable, tant sur le plan de la capacité juridique que sur le plan de la pratique concrète, de dissocier la mise en oeuvre d’un traité de sa conclusion. La situation actuelle, en vertu de laquelle le gouvernement fédéral conclut des accords internationaux sur des sujets qui relèvent des champs de compétence internes des provinces, ne procède donc pas d’une quelconque habilitation constitutionnelle, mais bien d’une pratique répétée ou encore des règles internes des organisations internationales elles-mêmes. Mais, à partir du moment où les accords affectent également les compétences des provinces, il n’y aucune raison valable pour vouloir exclure ces dernières du processus.
Prenons le cas des accords commerciaux. Il y a longtemps que ceux-ci ne se limitent plus à la réduction des tarifs, qui est de compétence fédérale. Aujourd’hui, nous savons tous que des accords comme ceux de l’OMC et de l’ALENA, qui s’attaquent aux barrières non tarifaires, peuvent avoir d’importantes répercussions à l’égard de la législation provinciale, et ce, dans des domaines aussi variés que le travail, l’environnement, les services, les institutions financières, la réglementation des professions, l’exploitation des ressources naturelles, le soutien à l’agriculture, les subventions aux entreprises, etc. Puisque les choix faits à l’échelle internationale conditionnent l’exercice des responsabilités des provinces et puisque celles-ci sont des acteurs incontournables de la mise en oeuvre des engagements contractés par le Canada, il est tout à fait justifié de les associer aux discussions.
De même, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas reconnaître formellement que les provinces sont libres de conclure elles-mêmes des ententes, à l’intérieur des limites de leur souveraineté sur le plan interne, lorsqu’elles sont les seules concernées? Je ne parle pas ici des accords commerciaux qui, comme je l’ai dit, interpellent les deux ordres de gouvernement, mais plutôt des ententes où le gouvernement fédéral n’a ni compétence, ni expertise, par exemple en matière de sécurité sociale, domaine dans lequel le Québec a déjà signé des ententes.
Vous aurez compris par cette argumentation que l’action internationale du Québec, loin d’aller à l’encontre de la Constitution, découle de notre cadre fédératif. Je tiens à ajouter que ce dernier est suffisamment souple pour permettre une présence internationale des provinces selon les capacités et les besoins de chacune. Il est du reste tout à fait normal que le Québec, en raison de sa spécificité et de ses intérêts, ait des aspirations différentes, plus ambitieuses à maints égards, que d’autres gouvernements provinciaux. On pense immédiatement aux forums traitant de certains des sujets que j’ai évoqués plus tôt : l’éducation, la langue, la culture, le droit privé. Que le Québec puisse rechercher des aménagements particuliers en pareilles circonstances ne devrait ni surprendre ni inquiéter.
La pratique internationale du Québec, depuis les années 60, a déjà consacré une forme d’asymétrie, sa manifestation la plus achevée, jusqu’ici, étant sans doute le statut de gouvernement participant dont jouit le Québec au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie. Pour nous, il ne s’agit pas d’un précédent à proscrire, mais plutôt d’un modèle que l’on peut légitimement chercher à reproduire dans d’autres organisations internationales.
Pour peu que l’on fasse preuve d’ouverture à cet égard, le domaine des relations internationales pourrait, à mon avis, être celui où s’exprimera le plein potentiel de notre fédéralisme asymétrique, en nous permettant de trouver des solutions adaptées aux aspirations de tous les acteurs, dans le souci de la cohérence et de la cohésion de l’ensemble canadien.
En outre, je constate que nombre d’États fédérés ou non souverains, un peu partout dans le monde, cherchent à accentuer leur présence internationale et que de plus en plus de pays se dotent de mécanismes pour reconnaître cette évolution. Cela est particulièrement vrai en Europe, où les régions et les communautés belges, les cantons suisses, de même que certains Länder allemands, comme la Bavière, font preuve d’un très grand dynamisme que j’ai pu constater en participant tout récemment à la dernière Conférence internationale sur le fédéralisme, à Bruxelles. Lors de cette rencontre, le premier ministre du Québec a d’ailleurs souligné que, si le Québec a longtemps été à l’avant-garde en ce qui concerne l’action internationale des États fédérés, il doit maintenant faire du rattrapage par rapport à ce qui se fait dans certaines fédérations européennes. La réflexion sur la participation internationale des entités infranationales s’étend également aux États non fédéraux qui sont engagés dans un processus de décentralisation, voire de fédéralisation. Je pense ici à l’Espagne, où la Catalogne, notamment, est très active sur la scène internationale.
La seconde critique, généralement formulée à l’endroit des aspirations du Québec sur la scène internationale, est qu’il serait inopportun pour le gouvernement fédéral de permettre au Québec, ou à toute autre province, d’avoir une voix dans ce domaine, sous prétexte que cela nuirait à la cohérence de la politique étrangère du Canada.
Au contraire !
Cet argument est d’abord contredit par les faits. L’histoire de la pratique internationale du Québec, bien que marquée par une indéniable volonté d’autonomie et d’affirmation, témoigne de l’appui constant dont ce dernier a su faire preuve à l’égard de la politique étrangère du gouvernement canadien. Les exemples les plus éloquents de cet appui, au fil des ans, sont certainement les négociations ayant débouché sur les deux grands accords commerciaux que sont l’Accord de libre-échange avec les États-Unis et l’ALENA, négociations au cours desquelles le Québec a soutenu de façon indéfectible la position canadienne. Il en fut également ainsi, plus récemment, dans le cas du Protocole de Kyoto.
Comme je l’ai déjà expliqué, le gouvernement du Québec conçoit sa présence internationale dans une perspective fédérale. Cela signifie, entre autres, que le Québec reconnaît la personnalité juridique internationale du Canada et convient que cela confère au gouvernement fédéral un domaine réservé — un noyau dur — qui comprend la défense, l’octroi du statut diplomatique, la reconnaissance des États étrangers, les douanes et les tarifs, et, plus généralement, le pouvoir de déterminer certaines orientations fondamentales de la politique étrangère.
Le Québec n’entend donc pas usurper le rôle qui revient au gouvernement fédéral. Sa volonté de participer aux organisations et aux négociations internationales, tout comme son affirmation à l’étranger, peut s’inscrire dans une recherche de complémentarité avec le gouvernement canadien à l’égard de la politique internationale. Cela dit, on ne saurait exclure la possibilité de désaccords entre le gouvernement fédéral et le Québec — ou d’autres provinces — sur certaines questions qui font l’objet de négociations internationales ou encore de différends entre États, dans le cadre de l’application d’un traité ou d’une convention. Cette perspective même milite en faveur d’une meilleure intégration des provinces au processus qui mène à l’élaboration des normes internationales. La raison en est simple. Comme il revient, en droit, aux provinces de mettre en oeuvre les traités portant sur leurs domaines de compétence, le Canada a tout intérêt à associer celles-ci aux négociations dès le départ. Il s’assurerait ainsi que sa position et les engagements éventuellement contractés reflètent véritablement les intérêts légitimes des gouvernements touchés et de leur population. En cas contraire, le Canada court le risque de ne pouvoir respecter ses engagements internationaux, car il ne peut garantir leur mise en oeuvre par les provinces.
En outre, faire participer activement les provinces aux négociations comporterait l’avantage non négligeable de faciliter une meilleure compréhension par tous des enjeux et, éventuellement, de la portée des obligations contractées. À cet égard, une participation active du Québec, ce dernier étant appelé à approuver les engagements internationaux importants en vertu de la Loi sur le ministère des Relations internationales, permettrait de bien faire ressortir les avantages de ces engagements pour le Québec.
En d’autres termes, il est avantageux pour le gouvernement fédéral de gérer, en collaboration avec les provinces, tout éventuel différend en amont, c’est-à-dire au moment de la négociation et de la conclusion des traités internationaux. Une telle démarche renforcerait la capacité du Canada de s’engager de manière cohérente et avec confiance sur la scène internationale. Elle réduirait également les risques qu’un instrument international négocié par le gouvernement canadien ne vienne heurter les lois et pratiques en vigueur dans une province. Une telle pratique a déjà cours en matière de droits de la personne et cela ne nuit aucunement, bien au contraire, à la réputation internationale du Canada en la matière. Elle s’impose d’emblée, à mon avis, en matière commerciale, comme le démontre le dossier du bois d’oeuvre. J’estime qu’elle sera incontournable, si l’on souhaite un jour approfondir nos liens économiques avec nos voisins et évoluer vers un renforcement de l’espace américain.
Une fois convenu qu’il est à la fois légitime et opportun pour le Québec de réclamer une véritable participation aux organisations et aux négociations internationales, il reste à se demander quelle est la place que devrait occuper le Québec. On le sait, le Québec est depuis longtemps actif sur la scène internationale. Ses délégations, ses bureaux et ses antennes à l’étranger jouent un rôle précieux à cet égard. Ce réseau demeure un outil prioritaire pour le rayonnement du Québec dans le monde. Il ne fait aucun doute, cependant, que le déséquilibre fiscal, qui fait des ravages sur le plan interne, a aussi un impact en ce qui touche à la capacité du Québec d’assurer une présence internationale. L’affirmation internationale du Québec constitue déjà un défi de taille. Il ne faudrait pas qu’elle soit compromise par une sorte d’attrition fiscale.
Malgré ces contraintes, le gouvernement du Québec demeure extrêmement dynamique, grâce au travail de ma collègue, la ministre des Relations internationales, et de son équipe. Il conclut des ententes avec d’autres États. Il entretient des relations avec certaines organisations et conférences internationales. Il participe à l’élaboration d’accords multilatéraux, lorsque des représentants du gouvernement québécois sont invités à agir au sein de la délégation canadienne. Il existe également certains processus de concertation intergouvernementale en matière de commerce international, principalement au niveau des fonctionnaires, où le Québec joue un certain rôle dans l’élaboration de la position canadienne.
Cependant, si l’on fait exception de la Francophonie internationale et de quelques trop rares autres précédents, comme en matière de droits de la personne, la participation du Québec varie énormément d’un dossier à l’autre. Elle est aménagée de manière informelle, souvent au cas par cas, selon les personnalités du moment et les variations de la conjoncture. En outre, il arrive que dans le cadre de cette pratique, le Québec et les autres provinces soient traités au même titre que d’autres intervenants, comme s’il s’agissait de simples groupes de pression.
Or, pour le Québec, il est clair que ce système d’arrangements ad hoc et informels ne suffit pas à l’heure où les normes internationales influent, de façon toujours croissante, sur la capacité d’agir de son gouvernement et de son Assemblée nationale. Le modèle actuel doit être intensifié et mieux défini, à commencer par notre participation aux organisations, aux conférences et aux négociations internationales qui touchent à nos compétences et à nos intérêts. Nous devons maintenant relever le défi qui consiste à élaborer des règles équitables, fonctionnelles et prévisibles en la matière. Je suis heureux de constater que nos partenaires des autres provinces sont, eux aussi, engagés dans cette voie, notamment par des travaux menés au sein du Conseil de la fédération.
Je tiens à affirmer aujourd’hui que, dans ses échanges à venir avec le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec mettra en avant un certain nombre de principes qu’il estime fondamentaux afin de faire progresser la présence internationale du Québec.
Premièrement, je suis résolu à rechercher, en collaboration avec ma collègue, la ministre des Relations internationales, et au nom du Québec, une entente avec le gouvernement fédéral. Cette entente établirait, par des mécanismes institutionnels, un cadre formel et prévisible pour accompagner la participation du Québec aux organisations et aux négociations internationales et favoriser ainsi la coopération et la coordination des deux ordres de gouvernement.
Deuxièmement, en ce qui a trait à cette participation, il faudra permettre au Québec de jouer un rôle plus soutenu à toutes les étapes du processus de négociation des instruments internationaux, lorsque ses compétences et ses intérêts sont en cause. Cela implique, notamment, que le Québec participe aux travaux préparatoires et qu’il intervienne, par le truchement de ses propres représentants au sein des délégations canadiennes, tant au moment de la négociation qu’au moment du suivi d’une décision ou d’un accord. Évidemment, il faudra tenir compte de la nature, de la vocation et des règles d’adhésion des diverses organisations internationales.
Troisièmement, en ce qui a trait plus particulièrement aux forums comme l’UNESCO, où l’on traite de sujets qui définissent la spécificité même du Québec, il est crucial que ce dernier obtienne le droit de s’y exprimer de sa propre voix, comme l’avait d’ailleurs reconnu le premier ministre du Canada lors de la dernière campagne fédérale.
Quatrièmement, le gouvernement du Québec attachera une importance particulière aux négociations commerciales. Il réclame de participer à la négociation et à la mise en oeuvre de futurs accords commerciaux, tant dans l’axe nord-américain que transatlantique, comme le rappelait tout récemment le premier ministre en donnant l’exemple de l’Accord sur le renforcement du commerce et de l’investissement que se proposent de conclure le Canada et l’Union européenne.
Cinquièmement, un cadre ne doit pas nous faire reculer ni devenir pour nous une camisole de force. Il faudra s’assurer que toute éventuelle entente préserve les acquis historiques qui sont le fruit des efforts entrepris par le gouvernement du Québec, au fil des ans, dans la construction de son action internationale. Le Québec n’acceptera aucune situation qui menace le contrôle qu’il exerce sur ses propres relations internationales, y compris sa capacité de conclure lui-même des ententes internationales.
Enfin, sixièmement, il faudra s’assurer que le Québec puisse bénéficier de toute évolution future, que ce soit au Canada ou à l’échelle internationale, quant à la place des États fédérés ou non souverains dans les forums internationaux. Cela permettrait à l’action internationale du Québec d’évoluer selon le développement de nouvelles règles édictées par les diverses organisations et conférences internationales, y compris celles touchant la capacité de contracter des engagements internationaux. Le Québec entend d’ailleurs travailler à ce que ces règles soient créées, précisées et mises en oeuvre le plus rapidement possible.
Je suis convaincu que nous sommes capables d’en arriver à des solutions qui permettent la réalisation de deux objectifs qui, je le répète, ne sont nullement incompatibles : d’une part, assurer une présence plus importante du Québec sur la scène internationale et, d’autre part, consolider la capacité du Canada à mener une politique étrangère qui reflète vraiment son caractère fédéral.
Les relations internationales constituent un enjeu majeur pour l’actuel gouvernement du Québec. C’est une question d’affirmation du Québec dans toute son identité, dans tous les aspects de sa souveraineté interne. Il s’agit également d’un enjeu de taille pour le gouvernement fédéral qui a tout à gagner à ce que son action internationale soit enrichie par la contribution des provinces. L’intérêt mutuel me paraît évident.
Le premier ministre du Canada a déjà manifesté une ouverture. Vous me permettrez donc de profiter de l’occasion qui m’est donnée, aujourd’hui, pour réitérer publiquement que le gouvernement du Québec est prêt à avancer dans ce dossier. Il a la ferme intention de consacrer l’énergie nécessaire pour en venir à un résultat satisfaisant pour lui, comme pour ses partenaires fédératifs.
Au cours de la dernière année, le Québec a réussi à s’entendre avec le gouvernement fédéral dans des dossiers importants. Nous avons notamment conclu l’entente de septembre 2004 sur la santé, reconnaissant expressément les vertus du fédéralisme asymétrique, et, plus récemment, celle consacrant le rapatriement par le Québec du domaine des congés parentaux. La négociation de ces ententes a démontré avec éloquence que, lorsque les deux ordres de gouvernement font preuve de bonne volonté et se découvrent des intérêts mutuels, ils peuvent en arriver à des succès éclatants.
Les Québécoises et Québécois ont vu qu’il était possible de s’entendre avec le gouvernement fédéral sans compromettre les principes politiques et constitutionnels qui fondent notre conception du fédéralisme. Ils s’attendent à rien de moins en ce qui concerne la présence du Québec dans les forums internationaux et dans les négociations internationales.
Je vous remercie.