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Rouyn-Noranda, le 16 septembre 2005 Allocution à l'occasion du 16e congrès annuel de l'Association française des municipalités de l'Ontario

La version prononcée fait foi.

Monsieur le Maire de Rouyn-Noranda, merci de vos bons mots.

Monsieur le maire de Kirkland Lake, thank you, Mister Mayor, for being here today and thank you for your confidence in the relationship between you and Québec.

Monsieur le Président de l’Association des municipalités françaises de l’Ontario et maire de Hawksbury.

Monsieur le Député Lemay.

Mesdames et Messieurs les maires et mairesses, préfets et conseillers et conseillères de l’Ontario et du Québec.

Il y a une personne que je gardais volontairement pour la fin, et c’est le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mon ami Daniel Bernard. Merci, Daniel, pour tout ce que tu fais pour ta région. Je puis vous dire que Daniel défend avec beaucoup de vigueur les dossiers de la région de l’Abitibi-Témiscamingue, de son comté, en fait, de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Il défend ses dossiers avec beaucoup de vigueur au caucus du Parti libéral du Québec.

C’est donc avec grand plaisir que j’assiste à cette seizième rencontre de l’Association des municipalités françaises de l’Ontario, la première rencontre qui se tient à la fois en Ontario et au Québec. Puisqu’il s’agit d’une association ontarienne et québécoise, j’ai pensé aujourd’hui vous parler de deux sujets qui vous touchent de près : il s’agit d’abord des relations entre le Québec et l’Ontario et, par ailleurs, de la francophonie canadienne et de l’avenir de la langue française au Canada.

Je tiens en premier lieu à vous dire que l’Ontario ne m’est pas du tout étranger, puisque je suis ministre de l’Outaouais, que je suis député de Chapleau et que Chapleau, c’est l’ancienne ville de Gatineau d’avant la fusion. Je suis originaire de Québec. J’ai quitté la ville de Québec à 23 ans pour venir m’installer dans l’Outaouais québécois. J’ai commencé ma carrière au ministère de la Justice du Canada, à Ottawa. J’ai continué par la suite en tant que professeur à l’Université d’Ottawa. J’ai été bénévole pour le festival franco-ontarien. J’ai été bénévole pour la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada.

Bref, je peux dire que je connais l’Ontario. Je peux même dire que je suis un allié de l’Ontario. Au Conseil des ministres, je plaide fréquemment en faveur de liens plus soutenus entre le Québec et l’Ontario parce que c’est d’une importance fondamentale. Nous mettons actuellement toute notre énergie à régler le dossier de la mobilité de la main-d’oeuvre. Les négociations vont bien, les négociations avancent. Elles sont ardues, néanmoins, mais je puis vous dire que, dès le moment où le dossier de la mobilité de la main-d’oeuvre sera derrière nous, le gouvernement du Québec et le gouvernement de l’Ontario seront prêts à signer une entente globale de coopération entre eux, entente qui sera accompagnée d’une dizaine d’ententes sectorielles.

Tout cela pour confirmer que nous voulons donner un nouvel élan à cette relation qui unit l’Ontario et le Québec. Et pourquoi voulons-nous donner un nouvel élan à cette relation qui nous unit? Pourquoi voulons-nous entrer dans une nouvelle ère de collaboration, nous, Québécois, avec les Ontariens? Parce que nous savons pertinemment que ces deux provinces peuvent faire de très grandes choses dans l’espace canadien, lorsqu’elles travaillent ensemble.

Historiquement, l’Ontario et le Québec ont souvent été deux grands complices politiques. Historiquement, l’Ontario et le Québec ont souvent été deux grands alliés, et l’alliance Québec-Ontario a souvent été profitable à l’ensemble des provinces canadiennes et du Canada. C’est cette alliance, c’est cette amitié réciproque, c’est ce lien étroit entre les deux provinces que nous voulons à nouveau faire revivre. Nous sentons d’ailleurs, dans le dossier du déséquilibre fiscal, qu’il y a en ce moment un certain rapprochement dont nous nous réjouissons entre le premier ministre McGuinty et le premier ministre Charest. Ces deux premiers ministres vont d’ailleurs coprésider un sommet sur la question de l’éducation et postsecondaire et de son financement, sommet censé être tenu cet automne. Et censé être tenu où? À l’Université d’Ottawa. Le Québec a applaudi, bien entendu, à ce choix.

Donc, vous voyez qu’il y a un rapprochement entre les deux gouvernements en train de s’opérer lentement, mais sûrement. Il y a un rapprochement des municipalités qui est souhaitable. Ce rapprochement est non seulement souhaitable, il est également possible. Hier, vous avez entendu monsieur Tremblay, je crois, venu plaider en faveur d’un rapprochement entre les municipalités québécoises et les municipalités ontariennes. J’y crois sincèrement et je militerais fort pour que nous redonnions à cette alliance québécoise et ontarienne toute la force, toute l’ampleur qu’elle mérite.

Par ailleurs, je vous ferai remarquer que le Québec a un bureau à Toronto. D’ailleurs, le représentant de ce bureau est ici présent aujourd’hui. Le Québec a également un bureau à Ottawa. C’est dire l’intérêt que nous portons aux activités de la province de l’Ontario.

Nous continuons donc à investir beaucoup d’efforts, beaucoup d’énergies dans ces relations avec la province de l’Ontario. Nous investissons également beaucoup d’efforts en ce qui concerne le renforcement de la francophonie canadienne. Depuis deux ans et demi, nous avons accompli un certain nombre de choses à cet égard dont je ferai état dans un instant et dont nous sommes extrêmement fiers.

Mais alors, qu’est-ce que c’est, la francophonie en général? Que veut dire le mot francophonie? Le mot francophonie peut avoir plusieurs sens. Il a très certainement un sens géographique. La francophonie, c’est l’ensemble des hommes et des femmes dont la langue est le français, mais c’est aussi l’ensemble des peuples, l’ensemble des sociétés, l’ensemble des communautés, l’ensemble des pays qui ont le français en partage. Voilà la signification géographique du mot francophonie.

Le mot francophonie a aussi un sens un peu plus philosophique, un peu plus mystique. Cela a rapport au sentiment d’appartenance à une même communauté, cela a rapport à la solidarité, au réseau de solidarités né du partage de valeurs communes à des personnes ou à des communautés. En d’autres termes, la francophonie, c’est le sentiment d’appartenance qui se développe autour de valeurs communes. Or, nous qui sommes ici aujourd’hui, la grande majorité d’entre nous avons justement de telles valeurs qui nous sont communes. La valeur la plus importante, c’est ce désir que nous avons de vivre et de prospérer en français, que l’on soit du Québec ou de l’Ontario.

La francophonie, donc, est une entité, c’est une réalité qui rassemble. En quelque sorte, la langue a des vertus rassembleuses. La langue ne connaît pas de frontières. Cela me permet de dire que vous avez choisi un excellent thème pour votre conférence : La conférence sans frontières. La langue ne connaît pas de frontières. Nous rencontrons quelqu’un qui parle français, qu’il vienne d’Europe, qu’il vienne d’Afrique, qu’il vienne d’ailleurs dans le monde, qu’il vienne de l’Ontario, qu’il vienne de la Saskatchewan, nous rencontrons quelqu’un qui parle français et, l’espace d’un instant, nous avons l’impression d’être en pays de connaissance. Vous connaissez l’expression être en pays de connaissance? Pourtant, cela n’a absolument rien à voir avec le fait d’être Français, d’être Canadien, cela n’a absolument rien à voir avec le fait d’être Algérien ou Congolais. Cela a tout à voir avec le fait qu’on parle la même langue et que parlant la même langue nous pouvons échanger. C’est un peu comme si j’étais en train de vous dire que la langue en soi est un pays. Attention, je ne suis pas en train de dire que les limites territoriales d’un pays doivent être dessinées en fonction des réalités linguistiques ou en fonction de la langue. Ce n’est pas ce que je suis en train de vous dire. Au contraire, la langue se fout des frontières. Je l’ai dit précédemment, la langue en soi est un pays, d’où justement l’expression être en pays de connaissance. C’est ce qui fait toute la magie de cette langue que nous avons en commun, c’est ce qui fait toute la magie de cette langue qui a une vocation, heureusement, universelle.

La langue est donc rassembleuse. Elle est faite d’unicité. Je l’ai décrite comme une entité, comme une réalité qui rassemble les gens qui partagent des valeurs communes. Mais nous savons aussi que la francophonie est plurielle et qu’elle possède des accents divers. Nous le savons très bien. À titre d’exemple, cette francophonie existe en Ontario. Elle y est minoritaire, certes, mais elle y est néanmoins vivante et dynamique. Trop souvent, les Québécois ignorent cette réalité de la francophonie ontarienne. Trop souvent, les Québécois sont insensibles à l’existence vibrante de ces francophones de l’Ontario qui ne demandent pas mieux que de tisser des liens d’amitié avec les Québécois. Malheureusement, il nous faut parfois des épisodes aussi tragiques que ceux de l’hôpital Montfort pour nous rappeler la réalité existentielle des francophones de l’Ontario, pour nous rappeler ce combat qu’ils mènent depuis des années pour assurer l’épanouissement de leur langue, combat qu’ils mènent, devrais-je dire, avec beaucoup de succès.

Francophones de l’Ontario, votre détermination, votre opiniâtreté nourrit en quelque sorte la propre confiance des Québécois en eux-mêmes. Mais cette francophonie vit également au Québec. Elle évolue dans un contexte tout à fait différent puisqu’elle est majoritaire, d’une part, et que, d’autre part, elle est dotée de leviers gouvernementaux dont ne disposent malheureusement pas les francophones de l’Ontario. Je puis vous dire que, sous notre gouvernement, le Québec est engagé dans une démarche d’affirmation de son identité, de sa spécificité dans le contexte de la fédération canadienne. Cette spécificité, cette identité du Québec s’est développée au cours des dernières années, mais malheureusement elle s’est développée dans un contexte où, entre les francophones du Québec et les francophones des autres provinces canadiennes et des territoires, il y a eu un événement majeur qui s’est produit et qui ont été les États généraux du Canada français de 1967. Ces états généraux de 1967 ont marqué une rupture froide, une rupture brutale, une rupture bête, en quelque sorte, entre les francophones du Québec et ceux des autres provinces canadiennes. C’est comme si, tout à coup, la fraternité et l’amitié n’avaient plus leur raison d’être ou n’étaient plus de saison, mais, aujourd’hui, ce que je vous annonce, c’est que le Québec veut réintégrer le giron de cette grande francophonie canadienne à laquelle nous appartenons, avec notre réalité sociopolitique, évidemment, qui nous est propre et que j’ai décrite précédemment, avec cette vocation nationale qui caractérise les Québécois et Québécoises, mais en même temps avec ce sentiment d’appartenance à une réalité qui dépasse nos frontières. En quelque sorte, nous sommes prêts, Québécois et Québécoises, à un solide geste d’amitié.

Mais, vous le savez, l’amitié en la matière ne suffit pas. Encore faut-il pouvoir reposer nos liens sur du solide. Voilà pourquoi depuis deux ans et demi le gouvernement du Québec a accumulé les réalisations dans le domaine de la francophonie canadienne. À titre d’exemple, depuis 2003, je participe à la conférence ministérielle sur les affaires francophones. Vous allez me dire qu’il n’y a rien là, sauf que c’était depuis 1994 que le Québec n’y participait plus. Pouvez-vous réaliser ce que représente le leadership du Québec à la table des ministres des affaires francophones, lorsqu’on parle avec nos homologues provinciaux, lorsqu’on parle avec nos homologues territoriaux et lorsqu’on parle avec notre homologue fédéral? D’ailleurs, le Québec contribue présentement à la révision du mandat de cette conférence.

Depuis deux ans et demi, nous avons tenu au Québec un forum sur l’éducation. Nous avons tenu un forum sur la francophonie ainsi qu’un grand forum sur l’assemblée des francophones de tout le Canada. Nous avons aussi signé une entente de collaboration en matière de francophonie avec le Yukon et nous en avons signé une autre avec l’Alberta. Nous avons conclu une entente de coopération avec la Fédération des communautés francophones et acadiennes. Nous avons mis sur pied un comité ministériel qui concerne tous les sousministres associés et sous-ministres adjoints de tous les ministères du gouvernement du Québec. Nous avons mis sur pied un comité ministériel sur la francophonie canadienne. Nous avons également fait un prêt de service à la société Santé en français. Dans les mois qui viennent, nous allons conclure une entente en matière de francophonie avec la Colombie britannique, nous allons réviser la politique du Québec en ce qui regarde la francophonie canadienne. Nous allons mettre sur pied à Québec le Centre de la francophonie dans les Amériques. Nous allons continuer les négociations avec Terre-et-Labrador en vue de conclure une entente en matière de francophonie en 2005-2006. Nous allons continuer nos négociations avec le Nunavut en vue de conclure également une entente en matière de francophonie et nous allons signer, au cours des prochains mois, une entente de coopération en matière de francophonie avec l’Ontario.

Mes amis, je suis venu vous dire que j’ai fait le voyage moi-même, si je puis dire. Je suis allé dans tous les coins du Canada. J’ai rencontré les francophones d’un peu partout. J’ai consulté les gens, j’ai consulté les instances représentatives des communautés francophones et acadiennes du Canada et, surtout, j’ai écouté. Ce que j’ai compris, c’est que la francité, cet attachement intrinsèque à la langue française habite les couloirs de notre mémoire. Elle fait partie de notre passé, mais elle est également l’une des grandes priorités de notre présent. Nous voulons tous et toutes que cette francité se prolonge dans le futur également.

Eh bien, parlant de futur, ce que le gouvernement du Québec souhaite le plus, c’est que nous opérions, que nous procédions à de véritables retrouvailles, mais à des retrouvailles durables et mutuellement bénéfiques pour le Québec et le reste de la francophonie canadienne. Nous voulons également que la francophonie canadienne se définisse davantage par des réalisations concrètes, comme une vaste communauté de concertation et de coopération. Nous voulons surtout que tous ensemble nous donnions à la jeunesse le goût de l’avenir, le goût d’un avenir en français.

Merci.