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29 septembre 2005 Allocution devant l'association des civilistes

La version prononcée fait foi.

Trois mots-clés guident notre action : affirmation, autonomie, leadership

L’affirmation, c’est l’affirmation du Québec dans son identité propre. Le Québec a une identité particulière, tout le monde le sait. C’est d’ailleurs ce qu’on désigne de plus en plus comme la spécificité du Québec. C’est l’expression qui a remplacé, dans le discours public, la fameuse clause du caractère distinct ou du fameux caractère distinct du Québec qu’on trouvait dans l’accord du lac Meech et du caractère unique qu’on trouvait dans la Déclaration de Calgary. Maintenant, on parle davantage de spécificité du Québec.

Peu importe l’expression qu’on utilise, on désigne toujours la même réalité. Le Québec n’est pas une province comme les autres, à tout le moins. Certains vont même jusqu’à dire que le Québec a toutes les composantes et caractéristiques d’une nation au sein d’une autre nation qu’est le Canada. Mais alors, il faut prendre le mot nation dans son sens français plutôt que dans son sens anglais. En anglais, le mot nation renvoie essentiellement à l’existence d’un pays. En français, le mot nation renvoie davantage au concept de peuple. C’est un concept beaucoup plus large et un petit peu plus nébuleux, je dirais un peu moins effectif?.

Nous sommes donc vraiment, comme gouvernement, dans une démarche d’affirmation identitaire du Québec, et c’est cela notre motivation première. Nous voulons que le Québec s’affirme. Nous voulons que le Québec s’affirme dans l’ensemble canadien. Nous voulons que le Québec s’affirme sur la scène internationale avec toutes ses composantes, avec toute son identité.

Affirmation donc et autonomie. Pourquoi autonomie? Parce qu’être fédéraliste – je le suis et je fais partie d’un gouvernement fédéraliste – être fédéraliste, c’est être autonomiste, puisque le fédéralisme suppose l’autonomie de ses composantes, l’autonomie des provinces, tout autant que l’autonomie de l’ordre fédéral de gouvernement. On ne peut donc pas être fédéraliste sans être autonomiste, sans vouloir à tout le moins, en ce qui nous concerne, protéger, sauvegarder l’autonomie du Québec dans le système fédératif canadien et même, en matière d’autonomie, marquer un certain nombre de progrès.

Leadership aussi, parce que notre gouvernement a voulu que le Québec retrouve le leadership qu’il a historiquement assumé dans l’ensemble canadien. Et donc nous n’avons pas voulu adopter une attitude passéiste. Nous avons voulu au contraire prendre les devants. Nous avons voulu foncer et nous avons même voulu prendre un certain nombre de risques.

Voilà donc les trois mots qui motivent notre action, action qui nous a amenés, en deux ans et demi, à faire ceci : D’abord, nous avons créé le Conseil de la fédération. Nous l’avons créé très rapidement, après avoir pris le pouvoir, grâce à la collaboration de l’ensemble des provinces et des territoires. Le Conseil de la fédération, une institution nouvelle dans le panorama politique canadien dont je pourrai reparler plus en détail, si cela vous intéresse.

Le Conseil de la fédération se situe dans la zone de ce que nous appelons – expression que nous avons inventée – l’interprovincialisme, c’est-à-dire cette espèce de besoin que nous ressentons de bâtir de nouvelles alliances avec les autres provinces canadiennes, ce besoin que nous ressentons de ne pas voir les relations intergouvernementales uniquement comme une relation avec Ottawa, une relation fédérale-provinciale, mais qu’on puisse également bâtir des choses avec les autres provinces dans les champs de compétence qui nous intéressent, dans nos propres champs de compétence. C’est cela l’idée derrière le Conseil de la fédération. C’est également l’idée de bâtir des consensus, lorsque de tels consensus sont possibles et souhaitables. Nous avons donc créé le Conseil de la fédération.

Nous avons également négocié des ententes globales de collaboration avec deux provinces voisines du Québec, ententes qui sont prêtes à être signées, soit dit en passant, qui seront vraisemblablement signées au cours des prochains mois. Chaque entente-cadre de collaboration s’accompagne, vous l’aurez deviné, d’un certain nombre d’ententes sectorielles, mais, encore une fois, le but, c’est de stimuler la collaboration entre gouvernements. Nous avons donc négocié une entente globale avec l’Ontario et nous en avons également négocié une avec le Nouveau-Brunswick. Nous avons aussi commencé un certain nombre de discussions avec la province de Terre-Neuve-et- Labrador en vue de parvenir à la conclusion d’une telle entente.

Nous avons également conclu un certain nombre d’ententes avec le gouvernement fédéral. Je pense ici à l’entente sur la santé dans laquelle nous avons inscrit – tant dans l’entente multilatérale que dans l’entente bilatérale Québec-Ottawa – le principe du fédéralisme asymétrique. C’est un gain politique important. Ce n’est pas un gain juridique en soi, ce n’est pas un principe qui, tel qu’il est énoncé, est susceptible d’avoir des répercussions ou des conséquences juridiques, mais c’est néanmoins un symbole politique pour nous extrêmement important. Je suis donc heureux de cette entente que nous avons négociée avec Ottawa et avec les autres provinces canadiennes.

Nous avons également conclu une importante entente avec Ottawa en matière d’évaluation environnementale. Nous avons conclu un certain nombre d’autres ententes en matière d’agriculture, notamment la conclusion du cadre stratégique agricole. Nous avons conclu des ententes en matière d’infrastructures avec Ottawa. Nous avons signé jusqu’à présent une entente de principe en ce qui concerne le partage de la taxe d’accise sur l’essence et nous avons conclu avec Ottawa une entente sur les congés parentaux, entente qui est tout à fait particulière au Québec.

Par ailleurs, j’ai cherché à savoir combien d’argent représentaient pour le Québec les ententes que nous avons signées depuis un an – en fait, on en conclut depuis deux ans et demi. J’ai regardé les ententes les plus importantes que nous avons conclues depuis un an. J’ai demandé à voir un chiffre et je puis vous dire que ça représente deux milliards de dollars de plus par année pendant cinq ans pour le gouvernement du Québec.

Bien entendu, il faut être conscient que la plupart de ces ententes sont néanmoins accessibles aux autres provinces canadiennes. La seule entente qui est vraiment particulière au Québec, c’est celle sur les congés parentaux. Par extension, on peut considérer que notre entente avec Ottawa sur la santé est une entente particulière au Québec, fondée sur l’asymétrie.

Vers quoi se dirige-t-on au cours des prochains mois? Quels sont les dossiers qui vont prendre les devants, si je puis dire, sur la scène publique? Il y aura évidemment le dossier du déséquilibre fiscal, déséquilibre fiscal qu’on a commencé à saucissonner, à morceler. D’abord, on a réglé le dossier de la santé, il y a environ un an. Maintenant, on entend de plus en plus parler du dossier de l’ postsecondaire et du financement des programmes sociaux. Mais ce qui nous préoccupe beaucoup, c’est la révision de la formule de péréquation.

Le dossier du déséquilibre fiscal est important. Le dossier des services de garde est également un dossier majeur. Nous souhaitons avoir une entente avec Ottawa sur les services de garde au cours des prochains mois. Bien entendu, un dossier dont vous avez probablement entendu parler au cours des derniers jours est celui du rôle international des provinces en général et du Québec en particulier. À cet égard, j’ai été mandaté par le Conseil des ministres du Québec pour procéder à la négociation, pour entamer une négociation sur un rôle accru du Québec en ce qui concerne la négociation de traités internationaux et les forums internationaux, car nous souhaitons que le Québec ait davantage de place aux forums internationaux.

Nous poussons également beaucoup pour qu’il y ait un renforcement de l’union économique canadienne. Je le mentionne parce que c’est probablement la première fois dans l’histoire du Québec qu’un gouvernement se commet aussi fortement sur le principe même du renforcement de l’union économique canadienne. J’en sais quelque chose puisque j’ai la responsabilité du dossier de l’Accord sur le commerce intérieur. Forcément, ce dossier est capital en ce qui concerne le renforcement du commerce intérieur ainsi que de l’union économique canadienne.

Vous avez donc au Québec un gouvernement qui, lui, milite en faveur du renforcement du lien économique entre tous les Canadiens. Ça passe souvent inaperçu. C’est fort impopulaire en termes politiques dans un contexte strictement québécois, mais je tenais quand même à le mentionner parce que ça fait partie de ces gestes relativement courageux – encore une fois, eu égard à notre contexte politique – que nous posons.

Parallèlement à tous ces dossiers que nous négocions de façon bilatérale – dossier donc avec d’autres provinces, dossiers avec Ottawa – parallèlement à tout ce que nous faisons dans le contexte multilatéral, avec le Conseil de la fédération ou avec les autres provinces dans des dossiers comme le déséquilibre fiscal et ainsi de suite, nous cherchons à développer une vision.

Le sens de mon action depuis quelques années a été de développer une philosophie fédéraliste, de développer une philosophie réellement fédéraliste qui soit adaptée aux besoins du Québec. Cette vision sous-tend la prémisse suivante : La première prémisse de la vision que nous mettons en avant, c’est le droit des Québécois de choisir leur avenir. Moi, personnellement, je pose cela comme prémisse fondamentale en politique québécoise.

Mon rôle, c’est de rendre le fédéralisme canadien plus intéressant. Mon rôle, c’est de rendre le Canada plus attrayant. Mon rôle, c’est de faire la promotion d’une thèse sans ambiguïté, sans équivoque, je le répète, essentiellement fédéraliste. Mais en même temps, je ne veux pas, moi, nier le droit des Québécois de faire un choix quant à leur avenir et de décider du pays dans lequel ils voudront vivre au cours des prochaines années. Ça, pour moi, c’est le principe de base de mon action politique.

Deuxième principe, nous sommes favorables à la collaboration, à la coopération, au consensus. J’ai utilisé le mot consensus tout à l’heure, mais j’ai ajouté une nuance, cependant, qui ne vous a sans doute pas échappé, le consensus, la coopération, la collaboration, lorsque c’est opportun, lorsque c’est souhaitable. Mais ça ne l’est pas toujours. Il ne faut pas devenir victime du discours de la collaboration à tout prix. Il y a des cas où le Québec ne peut pas collaborer parce que l‘on touche à une fibre essentielle de son développement, parce que l’on touche à une de ses compétences exclusives, fondamentales. Si nous acceptions l’invitation de collaborer que nous lance le gouvernement du Canada, nous serions extrêmement naïfs parce que nous donnerions prétexte à une intrusion dans nos champs de compétence. Mais, lorsqu’il est possible de collaborer, lorsqu’il est possible de s’entendre, lorsqu’il est possible de développer des consensus, nous y sommes favorables et nous pensons que c’est dans le meilleur intérêt des Canadiens et des Canadiennes.

Nous sommes également favorables au dialogue. C’est le troisième principe de notre action politique, le dialogue et la concertation. Moi, quand je vais prononcer des discours dans l’ouest du pays, je puis vous dire que je ne fais pas que parler du Québec. Je m’intéresse aussi à leur situation, je m’intéresse à ce que ces gens-là vivent, je m’intéresse aussi à leurs frustrations, je m’intéresse à leurs idéaux, je m’intéresse à leur conception du pays. Voilà le sens du dialogue. À mon avis, l’époque où le Québec se présentait à des tribunes et ne faisait que parler de lui-même, sans tenir compte des intérêts de ses voisins, à mon avis, cette époque-là est révolue. À tout le moins, je dirais que ce type de comportement est contre-productif.

Vous voyez que nous sommes prêts à participer à un projet fondé sur la collaboration, fondé sur le dialogue, fondé sur la concertation, mais nous insistons toujours pour qu’il y ait respect de la spécificité du Québec, ce qui me ramène au point de départ, au respect de l’identité propre du Québec. Nous insistons toujours pour que toute démarche faite dans le contexte fédératif canadien soit fondée sur le respect de l’identité du Québec, le respect, finalement, de ce qui le distingue des autres provinces canadiennes.

Nous plaidons également pour le respect du principe fédératif. Il y a même des gens qui écrivent en ce moment, et je l’ai vu hier dans le journal, que les vrais fédéralistes sont à Québec parce qu’effectivement nous plaidons pour le respect du principe fédératif. Le respect du principe fédératif, ça veut dire aussi le respect des provinces dans leurs champs de compétence, puis des priorités des provinces. Dès le moment où vous ne respectez plus les priorités des provinces, dès le moment où vous assujettissez les provinces à des fins fédérales décidées unilatéralement par Ottawa, vous viciez petit à petit le lien fédératif et vous le transformez en une autre forme de gouvernement.

Lorsque nous plaidons pour qu’il y ait réparation du déséquilibre fiscal, nous le faisons au nom d’un fédéralisme viable. Nous savons que, si les surplus budgétaires continuent d’être engrangés à Ottawa, en vertu du déséquilibre fiscal, comme l’ont dit un grand nombre d’organismes extrêmement importants, des organismes aussi importants que le C.D. Howe, qui ont constaté qu’il y avait effectivement un déséquilibre fiscal au Canada, si nous continuons dans cette veine, si Ottawa continue à engranger des surplus, il va en même temps nourrir la tentation d’envahir les champs de compétence des provinces et d’assujettir ces dernières à ses conditions. Nous ne voulons pas vivre dans un pays où la grande architecture nationale va être décidée strictement par Ottawa et où les provinces vont être les exécutantes des volontés qui y seront décidées.

Cela m’amène à un autre principe que nous mettons en avant et qui est la participation des provinces aux grandes décisions nationales. Le Canada comme pays, quel est-il? C’est un État fédéral. Les provinces sont partenaires de cet État fédéral et donc les provinces en font partie. C’est pourquoi les grandes décisions nationales, quelles qu’elles soient, devraient être prises dans un vrai contexte de collaboration et d’interactions entre le gouvernement canadien et les provinces. Nous sommes favorables à une contribution réelle du Québec à l’évolution du Canada, dans le contexte où le Canada évolue et continue d’évoluer conformément au principe fédératif, et dans le plein respect de la spécificité québécoise.

Vous voyez donc ce qui définit le discours du Québec. Nous prenons un grand nombre d’initiatives pour renforcer la francophonie canadienne pour que les francophones du Canada, y compris les Québécois, puissent former une unité, puissent vraiment être unis, en dépit de leurs disparités socioéconomiques et socio-politiques. Personne ne va nier qu’au Québec les francophones sont majoritaires et qu’ils disposent de leviers gouvernementaux. Forcément, ils ne sont pas nécessairement sur le même pied, au même diapason que les francophones des autres provinces canadiennes. Mais, moi, je considère que l’unité de la francophonie canadienne est un principe pour lequel nous devons militer et pour lequel nous devons investir notre énergie.

Quels sont les grands enjeux pour l’avenir? La limitation du pouvoir fédéral de dépenser est un enjeu important, eu égard au déséquilibre fiscal dont je vous parlais il y a un instant. On peut s’attendre à un usage toujours de plus en plus abusif du pouvoir fédéral de dépenser. Par ailleurs, je me plais parfois à dire, mais cela n’a pas toujours beaucoup de succès, qu’il ne faut pas que nous nous empêchions de penser aussi à l’avenir constitutionnel du Canada. Le mot constitutionnel est un mot tabou, c’est un mot lourd, c’est un mot qui chaque fois que je le prononce ou que quelqu’un d’autre le prononce provoque des réactions absolument énormes. En même temps, il est important qu’un jour… Je dis bien un jour. Je ne dis pas dans un an, je ne dis pas dans deux ans. Il est important qu’un jour les Québécois se reconnaissent davantage dans cette espèce de miroir qu’est censée être la Constitution canadienne. Moi, je travaille pour cela tout en étant conscient du degré énorme de difficulté que cela représente.

Je vous ai donc décrit ma démarche d’abord fondée sur le principe de l’affirmation identitaire du Québec qui est pour moi la valeur première, qui explique un grand nombre de comportements des Québécois en ce moment, comportements qui a priori semblent incompréhensibles, mais qui s’expliquent à la lumière de ce que j’appellerai l’urgence identitaire, fondée sur le fait qu’on est moins de 2 % de la population d’Amérique du Nord, moins de 1 % de la population des Amériques et qu’on est en plein déclin démographique.

Gérer le Québec de nos jours, c’est, qu’on le veuille ou non, gérer la décroissance. Quel que soit le parti politique au pouvoir, le premier ministre qui se lève le matin, les ministres qui se lèvent le matin savent très bien que c’est la décroissance qui est au rendez-vous. Il faut en être bien conscient, il faut se le dire franchement. Ce n’est pas agréable, évidemment. On aime mieux parler de croissance, de choses qui viennent raviver la fierté, qui viennent raviver la flamme. Mais la réalité, c’est que nous avons une urgence identitaire au Québec. Et l’identité, consciemment ou inconsciemment, est une valeur extrêmement importante pour un grand nombre de Québécois.

Je terminerai en vous disant ceci : Parfois, lorsque je parle de l’identité du Québec, il y a toujours quelqu’un dans la salle, surtout dans nos activités partisanes, qui dit à son voisin, en parlant de moi : « Il parle comme un péquiste. » Le problème, c’est qu’on a laissé tout ce discours-là au Parti Québécois. C’est ça, le problème. Le problème, c’est que ça m’appartient à moi aussi, cette fierté du Québec, ce désir de voir le Québec plus fort, ce désir de voir le Québec renforcé dans l’espace canadien et dans le monde. Ça m’appartient aussi. On parle des relations internationales, il y a toujours quelqu’un qui dit : « Il parle comme un péquiste encore. » Les relations internationales, c’est Paul Gérin-Lajoie, ça fait partie aussi de mon héritage à moi. On parle d’autonomie du Québec. Les gens se disent : « Veux-tu bien me dire où c’est qu’il s’en va avec ça? Encore une fois, il parle comme un péquiste. » L’autonomie du Québec, c’est la raison d’être de tous les gouvernements qui se sont succédé au Québec, péquistes ou libéraux. Tous ces gouvernements-là se sont commis pour défendre l’autonomie du Québec et que nous puissions même accroître notre zone d’autonomie à l’intérieur du Canada ou sur la scène internationale.

L’affirmation, la fierté de l’identité fait en sorte que nous voulons l’affirmer. Cela ne veut pas dire que nous voulons l’affirmer comme État souverain, que nous voulons agir comme État souverain. Nous sommes fiers de notre identité. Nous voulons l’affirmer, nous voulons l’affirmer haut et fort dans le contexte fédératif canadien. Nous voulons l’affirmer dans le monde. Le leadership, ce leadership retrouvé du Québec au sein de la fédération canadienne et qui était souhaité par tous, c’est aussi une valeur qui m’appartient.

C’est pour cela que je milite. Je milite pour un recentrage du Québec autour de ces valeurs premières, de ces valeurs principales, et pour moi, vraiment, la valeur principale, je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’identité du Québec. Cela n’enlève rien au fait que l’on peut être en même temps Canadien. De nos jours, il est tout à fait possible de conjuguer les allégeances, de multiplier même les allégeances. On peut être Gatinois, on peut être Québécois, on peut être Canadien, on peut être citoyen du monde. En Europe, on parle de ça à longueur d’année. Ça fait maintenant partie du vocabulaire de tous les jours. Mais au Canada, par contre, non, non. Il faut que vous soyez Canadien, puis dites-le. Mais ce que les Québécois veulent dire, dans le fond, c’est qu’ils sont bien prêts à être Canadiens, mais ils veulent être Canadiens à leur façon. La seule façon d’y parvenir, c’est d’avoir une fédération appliquée de façon plus flexible, plus souple, qui respecte la spécificité du Québec et les besoins propres du Québec.

Aujourd’hui, ce qu’on entend, c’est le discours inverse. Il n’y a qu’une façon d’être Canadien, il faut tous partager les mêmes valeurs, il faut tous partager les mêmes objectifs, il faut tous avoir les mêmes programmes, une seule chaussure qui doit faire à tout le monde. C’est ça qu’on entend. Puis, après ça, on s’étonnera que les Québécois réagissent quand ils entendent ça. C’est ça le danger. Le danger, c’est de croire que la spécificité du Québec est un obstacle à l’unité canadienne. C’est ça le danger. Alors que, dans le fond, la spécificité du Québec est un atout pour le Canada. C’est une source d’enrichissement pour le Canada.

En terminant, je vous dirai ce que je me plais constamment à rappeler. Quand on adhère à un pays comme le Canada, qui est, je le répète, un État fédéral et nous voulons qu’il le demeure, quand on adhère à un pays comme le Canada, nous acceptons qu’il y ait un partage des valeurs, qu’il y ait un partage des ressources, qu’il y ait un partage des idéaux. Ça, c’est assumé par le niveau central de gouvernement. Nous acceptons ce partage d’emblée. Mais n’oubliez pas que le fondement même du Canada, c’est aussi sa diversité intrinsèque, c’est aussi le droit à la différence. C’est le droit au particularisme et la possibilité pour les particularismes de s’exprimer comme faisant partie de cette différence, comme faisant partie de cette diversité, comme faisant partie, finalement, de ces fondements mêmes du Canada qui comprennent la spécificité du Québec.

Je pense que vous comprendrez mieux maintenant, à la lumière de mon exposé, quels sont les grands fondements philosophiques du gouvernement du Québec que nous véhiculons sur toutes les tribunes, parfois avec un accueil très chaleureux, parfois avec un accueil glacial, mais nous le faisons contre vents et marées parce que nous croyons, et je crois très sincèrement à un Québec beaucoup plus fort à l’intérieur du Canada et dans le monde.