La version prononcée fait foi.
Chers amis,
Lorsque l’on m’a approché pour participer à ce dîner-causerie afin de vous parler du Conseil de la fédération, j’ai tout de suite trouvé l’idée intéressante. Intéressante, parce que j’aime toujours faire connaître cette nouvelle institution – en laquelle je crois beaucoup – et parce que je savais que votre activité attirerait des représentants et des experts d’autres fédérations qui pourraient me faire part de leurs commentaires sur leur expérience en matière d’organes de concertation entre entités fédérées et sur ce que leur inspire le Conseil de la fédération. Cela m’intéresse d’autant plus que le Conseil n’a pas encore deux ans d’existence et qu’il est appelé à évoluer grandement au cours des prochaines années.
Comme vous le savez probablement, les institutions canadiennes ne comportent pas, à proprement parler, de Chambre fédérative ou de Chambre des provinces, contrairement à ce que l’on trouve dans beaucoup de fédérations. Le Sénat canadien, bien qu’il se caractérise par une représentation équilibrée de chacune des régions du pays, conformément à ce qui est prévu dans la Constitution, n’a jamais joué de rôle de représentation régionale. Outre qu’il ne semble jamais avoir eu de mandat clair à cet égard, le fait que ses membres soient nommés uniquement par le gouvernement fédéral a contribué à évacuer tout rôle en ce sens.
Le Conseil de la fédération, qui a vu officiellement le jour le 5 décembre 2003 à Charlottetown, endroit même de la naissance du Canada en 1867, fait en partie écho à cette situation en ce qu’il résulte d’une volonté des entités fédérées du Canada de formaliser davantage la voie de la collaboration et de la concertation relativement à des questions d’intérêt commun. La mise sur pied de cette institution constitue le dernier jalon d’une pratique intergouvernementale qui s’est développée pendant près de 50 ans et l’aboutissement d’une réflexion importante sur l’instauration d’organes plus structurés destinés à améliorer le fonctionnement du fédéralisme canadien.
Ce sont les conférences interprovinciales qui ont donné le véritable élan à l’intergouvernementalisme au Canada. Le Québec a d’ailleurs joué un rôle historique dans le développement des relations entre les provinces, puisque c’est le premier ministre Jean Lesage qui, en 1960, a convoqué ses homologues afin de tenir la première conférence des premiers ministres provinciaux en 50 ans. Déjà, à cette époque, le Québec souhaitait la mise sur pied d’un mécanisme permanent de relations interprovinciales qui mènerait à l’établissement d’une meilleure dynamique avec le gouvernement fédéral. L’objectif à court terme était la création d’un conseil des provinces, soutenu par un secrétariat permanent qui aurait visé, d’une part, à favoriser la collaboration et les échanges sur des questions de compétence provinciale et, d’autre part, à faciliter la coordination sur les questions d’intérêt commun qui faisaient l’objet de discussions avec le gouvernement central. Le premier ministre Lesage envisageait également la mise sur pied d’un secrétariat permanent fédéral-provincial. À la fin de la Conférence, pressés par d’autres questions urgentes, les premiers ministres provinciaux durent cependant mettre de côté l’ambitieux projet du premier ministre Lesage, qui ne connut pas de suite immédiate. Toutefois, cette rencontre fut déterminante, car elle entérina le principe de la tenue d’une conférence annuelle des premiers ministres provinciaux, ce qui constituait déjà un grand pas.
Par la suite, la dynamique des relations interprovinciales s’est développée principalement dans le prolongement logique de cette première initiative. La Conférence des premiers ministres, au cours de ses 45 ans d’existence, a évolué de rencontres estivales plutôt informelles à des sessions de travail plus intensives et mieux encadrées, présidées à tour de rôle par chacun des premiers ministres. Au fil du temps, le programme est devenu plus ambitieux. Vers la fin, les premiers ministres avaient pris l’habitude de se rencontrer deux fois par année, ce qui avait permis à la Conférence de s’attaquer à des questions structurelles plus complexes, comme celles des transferts financiers, de la péréquation ou du commerce intérieur.
Parallèlement à ces rencontres des premiers ministres provinciaux, l’intergouvernementalisme canadien a connu un développement assez spectaculaire par la multiplication des conférences provinciales-territoriales et fédérales-provincialesterritoriales sectorielles. Ainsi, seulement pour l’année 2003, le Secrétariat des conférences intergouvernementales canadiennes a recensé la tenue de plus d’une centaine de ces conférences sur des sujets aussi variés que la santé, l’habitation, le sport ou la condition féminine et auxquelles des ministres et sous-ministres ont assisté.
Ces développements n’ont toutefois pas évacué toute volonté de structurer de manière plus formelle et permanente les relations entre les entités fédérées et avec l’entité fédérale, que ce soit constitutionnellement ou non. En effet, au cours des 50 dernières années, plusieurs ont suggéré la mise sur pied d’institutions nationales visant à renforcer la concertation intergouvernementale et, plus généralement, à améliorer le fonctionnement de la fédération canadienne. Un bref retour sur certaines de ces initiatives nous permettra de mieux saisir toute l’importance qui fut accordée à cette idée.
En 1956, la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, instituée par le Québec et mieux connue sous le nom de commission Tremblay, du nom du juge qui la présidait, déplorait qu’aucun organisme n’assume un rôle de coordination interprovinciale. De l’avis de la Commission : « Les provinces devraient pourtant discuter entre elles, sans intervention du gouvernement fédéral, les problèmes qui sont proprement de leur ressort. » Elle recommandait par conséquent la création d’un conseil permanent des provinces, sur le modèle du Council of State Governments américain, qui lui paraissait « nécessaire à la préservation du fédéralisme canadien ». L’institutionnalisation des rencontres interprovinciales par la mise sur pied d’un conseil paraissait dès lors d’une grande importance. C’est directement de cette recommandation qu’était d’ailleurs inspirée la proposition de Jean Lesage, en 1960.
En 1979, la Commission de l’unité canadienne, la commission Pepin-Robarts, mise sur pied par le gouvernement fédéral, proposait, quant à elle, un certain nombre de modifications constitutionnelles. Au chapitre de l’amélioration des « relations fédéralesprovinciales », la Commission recommandait, parallèlement au maintien des conférences intergouvernementales, la transformation du Sénat en un conseil de la fédération composé de délégations provinciales. Selon cette formule, le gouvernement de chaque province aurait pu donner des directives à la délégation le représentant et celle-ci aurait eu à sa tête un ministre de la province. Consciente que sa proposition impliquait un changement radical du fonctionnement des institutions canadiennes, la Commission estimait tout de même que cette nouvelle chambre était la voie à privilégier pour favoriser des relations fédérales-provinciales plus harmonieuses, puisqu’elle aurait contribué, et je cite, « d’une manière déterminante à ce que les vues des gouvernements provinciaux soient considérées avant que le gouvernement central ne prenne quelque initiative pouvant avoir un impact sur des domaines dans lesquels les provinces ont un légitime intérêt ».
En 1980, la Commission constitutionnelle du Parti libéral du Québec allait dans le même sens en proposant d’abolir le Sénat et de doter le Canada d’une instance intergouvernementale spéciale non contrôlée par le gouvernement central. Le nouveau « Conseil fédéral », dont la fonction première aurait été d’encadrer l’interdépendance des deux ordres de gouvernement, aurait été composé de délégations des provinces agissant selon les instructions de leurs gouvernements respectifs. Le gouvernement central aurait pu y faire valoir des points de vue, mais sans que ses représentants n’y aient droit de vote. En faisant cette proposition, la Commission faisait ressortir qu’il était devenu –citation – « essentiel de mettre sur pied une institution permettant aux provinces […] de participer directement au gouvernement de la fédération et de contrôler ou d’influencer, selon le cas, les interventions du Parlement central dans des matières où la concertation des deux ordres de gouvernement est devenue vitale au bon fonctionnement de la fédération ». Elle ajoutait : « le pouvoir politique, le prestige et la légitimité du gouvernement central, loin d’en être diminués, s’en trouveront consolidés ». Ces considérations trouvent un écho encore très actuel et ne sont certes pas étrangères à la mise sur pied de l’actuel Conseil de la fédération.
Finalement, en 2001, je présidais moi-même le Comité du Parti libéral du Québec sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec qui recommanda la création d’un Conseil de la fédération. Dans son rapport, le Comité constatait que la fédération canadienne éprouvait certains problèmes récurrents qui affectaient le dynamisme et l’efficacité des rapports intergouvernementaux, ainsi que la qualité des rapports fédératifs. La nécessité d’un meilleur équilibre était facile à diagnostiquer. Il me parut donc essentiel, comme pour d’autres avant moi, que les provinces se dotent d’une institution capable de favoriser la concertation et la collaboration interprovinciales et d’assurer un meilleur équilibre des rapports fédératifs. Compte tenu de l’absence d’enthousiasme pour toute réforme constitutionnelle, le Conseil envisagé se situait cependant dans le domaine non constitutionnel. Le Parti décida en effet de proposer une solution qui, dans le contexte, paraissait plus susceptible de porter ses fruits. La proposition ne manquait pas pour autant d’ambition, puisqu’elle ne visait rien de moins que l’instauration d’une nouvelle ère dans les rapports fédératifs au Canada. Le Conseil de la fédération que l’on connaît aujourd’hui s’inspire directement de cette proposition.
Dés son arrivée au pouvoir, en avril 2003, le gouvernement du Parti libéral du Québec s’est employé à faire valoir le bien-fondé de cette nouvelle instance auprès des autres gouvernements provinciaux et territoriaux, avec des résultats rapidement concluants. En effet, trois mois plus tard, un processus de revitalisation du fédéralisme canadien était officiellement lancé, lors de la Conférence annuelle des premiers ministres, et, en décembre de la même année, l’ensemble des premiers ministres provinciaux et des chefs des territoires signaient l’Entente fondatrice du Conseil de la fédération.
Comme je viens de le mentionner, le Conseil de la fédération n’est pas une instance de nature constitutionnelle. Il s’agit plutôt d’un instrument politique de coopération intergouvernementale. Il se situe en fait à la croisée des voies explorées jusqu’à maintenant quant aux relations intergouvernementales canadiennes, se voulant le prolongement de la voie des conférences annuelles des premiers ministres, mais avec une volonté claire de formalisme accru. Bien qu’il ne soit pas un organe constitutionnel, il favorise la structuration et la pérennité des échanges interprovinciaux. Il exprime ainsi la volonté de pousser plus loin la dynamique interprovinciale amorcée il y a 45 ans.
Le Conseil s’inscrit également dans l’environnement plus large que constitue le fédéralisme exécutif, phénomène occupant une place importante dans la dynamique intergouvernementale canadienne, où les rapports fédératifs — qu’ils soient interprovinciaux ou fédéraux-provinciaux — s’expriment de façon prépondérante par des relations de gouvernement à gouvernement, plutôt que, par exemple, au sein d’un Parlement commun. Le Conseil de la fédération est donc directement piloté par les premiers ministres provinciaux et les leaders territoriaux. Sa présidence est assurée, à tour de rôle, par le premier ministre de chaque province pour une période d’un an.
Le Conseil de la fédération sert de lieu permanent d’échanges et de concertation entre les partenaires provinciaux et territoriaux. Par sa mise sur pied, ceux-ci veulent pouvoir jouer le véritable rôle devant leur revenir dans la définition du bien commun au sein de la fédération canadienne. Du point de vue institutionnel, le Conseil vient ainsi combler un vide important qui a caractérisé le fédéralisme canadien jusqu’ici.
L’idée d’un tel Conseil repose en fait sur la prémisse fondamentale voulant que l’existence même des provinces, en tant que gouvernements autonomes, constitue une manifestation tangible des valeurs qui traduisent l’esprit fédéral. Ce sont elles, à titre d’entités constitutives, qui ont, à l’origine, fait le choix d’une forme fédérative de gouvernement pour le Canada. Dans cet esprit, le Conseil vise à permettre aux provinces et territoires de contribuer aux grandes orientations canadiennes, de façon aussi importante que ne le fait le gouvernement fédéral, en leur donnant une voix forte dans la prise de décisions qui affectent l’avenir du Canada et qui concernent l’évolution de notre régime fédératif. Il facilite notamment l’élaboration de positions communes, cohérentes et concertées, afin de devenir l’instrument d’un meilleur équilibre des rapports entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral.
À cet égard, le Conseil pose un défi à la vision que certains entretiennent de ce pays, vision selon laquelle seul le gouvernement fédéral peut être l’architecte du projet canadien. L’objectif est de permettre aux provinces, d’abord, de reprendre le leadership dans leurs propres champs de compétence, puis d’améliorer leurs rapports avec le gouvernement fédéral afin que leur point de vue soit davantage pris en considération dans les matières intéressant les deux ordres de gouvernement. Il ne s’agit pas de provoquer des affrontements stériles avec Ottawa. Au contraire, rechercher davantage l’équilibre dans nos relations intergouvernementales, c’est simplement travailler à les améliorer et faire en sorte qu’elles reflètent l’esprit qui a animé les pères de la Confédération.
Le Conseil a également pour objectif de promouvoir des « relations entre les gouvernements fondées sur […] la reconnaissance de la diversité dans la fédération ». Dans le préambule de l’Entente fondatrice, on souligne d’ailleurs l’importance de reconnaître, et je cite : « l’existence de différences entre les provinces et les territoires, de sorte que les gouvernements puissent avoir des priorités et des choix différents dans leurs politiques ». Le Conseil est donc non seulement un lieu d’échanges, de concertation et d’action commune, mais également un lieu de reconnaissance mutuelle et de respect des différences. En fait, je suis convaincu que l’interprovincialisme est un véhicule de premier ordre pour favoriser l’expression des différences naturelles et légitimes qui sont le propre d’une fédération.
Le Québec n’est évidemment pas étranger à l’accent qui est ainsi mis sur la diversité. Par sa situation particulière, il a vite compris l’importance du respect de la différence. D’ailleurs, nous nous réjouissons que cet engagement pour le respect de la différence au sein du Conseil de la fédération ait déjà eu des résonances très concrètes, au premier chef, dans le domaine de la santé, avec la signature, par les premiers ministres fédéral et provinciaux, en septembre 2004, d’une entente satisfaisante pour tous, notamment en ce qu’elle reconnaît le caractère asymétrique du fédéralisme canadien, ce qui a permis la signature d’une entente Québec-Canada parallèle assurant le plein respect des compétences du Québec. Je tiens ici à rappeler que c’est lors de la réunion du Conseil de la fédération du mois d’août que l’idée d’asymétrie est d’abord apparue.
Le Conseil est encore très jeune; sa structure et sa pratique se développeront graduellement. Sur ce plan, je suis d’avis qu’une attention particulière devrait être portée au renforcement de son secrétariat. Mais, déjà, le Conseil est très actif. On en veut pour preuve les sept réunions des premiers ministres qui, à ce jour, ont été tenues sous son égide, un rythme qui n’a pratiquement pas de précédent. On peut également considérer l’ambitieux plan de travail que s’est donné le Conseil et le nombre de chantiers en cours.
Parmi les priorités d’action, nous retrouvons le dossier du fédéralisme financier, et plus particulièrement le problème du déséquilibre fiscal. ll existe, en effet, au sein de la fédération canadienne, un déséquilibre entre, d’une part, les revenus de chaque ordre de gouvernement et, d’autre part, les besoins financiers liés à l’exercice des responsabilités de chacun. Ce déséquilibre structurel, qui alimente par ailleurs un pouvoir de dépenser que le gouvernement fédéral prétend détenir et qui ne serait, selon lui, nullement limité par le partage des compétences, défavorise les provinces et vient affecter leur capacité d’innover. Compte tenu des moyens financiers présentement à la disposition du gouvernement fédéral, cette capacité d’innover risque en effet de se transporter graduellement vers Ottawa, ce qui constitue une perspective défavorable à l’affirmation des provinces. Pour être effective et donner une véritable marge de manoeuvre, l’autonomie, en tant que vecteur d’action, doit s’accompagner d’un contrôle des leviers financiers nécessaires à son exercice. Il ne saurait en effet y avoir d’équilibre politique sans équilibre fiscal.
C’est d’ailleurs dans cette optique que le Conseil de la fédération a décidé de mettre sur pied un comité spécial sur le déséquilibre fiscal, lequel consulte présentement chacun des gouvernements provinciaux et territoriaux, sollicite le point de vue du gouvernement fédéral et tient un certain nombre de tables rondes d’experts dans chacune des régions du Canada. Il s’agit d’un exercice important dont les conclusions sont attendues avec grand intérêt.
Le Conseil de la fédération s’est également donné pour priorité de renforcer l’union économique canadienne, de diminuer les barrières au commerce entre provinces et territoires et de se pencher sur les relations entre le Canada et les États-Unis. À la dernière rencontre du Conseil, en août dernier, à Banff, les premiers ministres ont ajouté à ces priorités la question de l’éducation postsecondaire et de la formation professionnelle, qui, outre une demande de financement fédéral tenant compte de l’augmentation des dépenses dans le domaine, fera l’objet, à l’initiative des premiers ministres du Québec et de l’Ontario, d’un sommet auquel prendront part les partenaires des provinces et territoires au sujet de cet enjeu, soit les étudiants, les collèges, les universités, les entreprises et les syndicats. Les dossiers du transport et de l’énergie ont également été jugés prioritaires par les premiers ministres qui souhaitent accoucher de politiques nationales en ces matières.
Enfin, et il s’agit là d’un dossier auquel le Québec accorde une importance de premier plan, le Conseil est engagé dans des discussions portant sur la participation des provinces aux forums internationaux et à la négociation d’accords internationaux, lorsque leurs compétences sont en cause.
Dans le contexte actuel de la mondialisation, la place faite aux provinces sur la scène internationale est un enjeu fondamental. En effet, de plus en plus de questions traitées sur le plan supranational, notamment dans la multitude des forums internationaux créés depuis la Deuxième Guerre mondiale, sont en fait des questions qui relèvent de la compétence des entités fédérées, alors que celles-ci n’ont généralement pas ou peu accès à ces nouveaux lieux de délibération politique. Si le monopole de droit ou de fait des gouvernements centraux en matière de relations internationales se justifie d’emblée quand on touche au noyau dur de la compétence fédérale, il paraît souhaitable à l’heure actuelle que les entités fédérées aient une place lorsque l’on traite de leurs domaines de compétence lors de négociations internationales ou au sein de forums internationaux. Il faut dire qu’au Canada, la situation est franchement paradoxale puisque le gouvernement fédéral n’a pas, lorsqu’il signe un traité, le pouvoir de le mettre en oeuvre s’il porte sur un domaine de compétence provinciale. Soucieux de préserver le principe fédéral, c’est ce qu’ont tranché les tribunaux dans les années 30, au moment où le Canada a acquis son indépendance face à la Grande-Bretagne.
Concernant cet enjeu, le Canada pourrait gagner à s’ouvrir à ce qui se fait ailleurs. Je constate en effet que nombre d’États fédérés ou non souverains cherchent à accentuer leur présence internationale et que de plus en plus de pays se dotent de mécanismes pour reconnaître cette évolution. Cela est particulièrement vrai en Europe où, notamment, les cantons suisses, les régions et les communautés belges, de même que certains Länder allemands, comme la Bavière, font preuve d’un très grand dynamisme. Il semble que devant le développement de l’Union européenne, certaines fédérations d’Europe ont pris plus rapidement que d’autres la pleine mesure du défi de la représentation des entités fédérées sur la scène internationale. La réflexion sur la participation internationale des entités infranationales s’étend également aux États non fédéraux qui sont engagés dans un processus de décentralisation, voire de fédéralisation, comme l’Espagne. Il semble de plus en plus clair que le Canada est aujourd’hui en retard sur ce point.
Cet enjeu, certains d’entre vous le connaissent bien, puisqu’il fait également l’objet d’un intérêt marqué au sein du Forum des fédérations, tout comme d’autres sujets qui sont d’une pertinence indéniable pour les fédérations du XXIe siècle. J’estime que le Forum accomplit un travail utile. En effet, un dialogue international sur l’évolution et sur les diverses expériences du fédéralisme ne peut qu’enrichir la pratique de ce mode de gouvernance, au Canada et dans le monde.
Le gouvernement du Québec juge important de participer activement au dialogue sur le fédéralisme. D’ailleurs, il estime que la voix des entités fédérées est incontournable pour toute réflexion rigoureuse dans le domaine. Le fédéralisme étant caractérisé par la recherche de l’équilibre entre la voix des entités fédérées et celle du gouvernement central, il semble aller de soi que, pour jouer efficacement son rôle, le Forum doive transposer non seulement dans ses activités, mais aussi dans sa structure de fonctionnement cette logique.
Dans cette optique, il paraît souhaitable, pour le gouvernement du Québec, que les modes de représentation au sein des structures du Forum, qui a entrepris un processus d’internationalisation, soient améliorés, afin qu’ils reflètent davantage la réalité fédérative par la reconnaissance des entités fédérées comme gouvernements partenaires au même titre que les gouvernements centraux.
Vous constatez, comme moi, que les défis du fédéralisme sont nombreux. Je suis persuadé que, pour y faire face, nous ne pouvons faire l’économie d’instances de concertation et de collaboration réunissant des entités fédérées; c’est une question d’équilibre. Au Canada, la mise sur pied du Conseil de la fédération représente en ce sens une excellente nouvelle. Non seulement celui-ci permet de donner aux provinces et territoires une voix à la mesure de leur importance dans la fédération canadienne, mais il participe, de manière générale, à l’actualisation et à la revitalisation du fédéralisme canadien. Nous pourrions nous donner rendez-vous dans cinq ou dix ans pour juger ensemble du travail accompli. Je suis persuadé qu’il sera considérable.
Je vous remercie. Je serai maintenant heureux, bien entendu, de discuter avec vous et de répondre à vos questions.