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Montréal, le 17 novembre 2005 Allocution à l'occasion de la remise du prix Émile Ollivier

La version prononcée fait foi.

Madame la Ministre de la Culture et des Communications,
Monsieur le Président du Conseil supérieur de la langue française,
Mesdames et Messieurs,

À titre de ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, je suis très heureux d’être parmi vous ce soir pour assister à la première cérémonie de remise du prix Émile-Ollivier. Le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes est fier d’avoir été associé à la création de ce prix qui permettra, nous l’espérons, de mieux faire connaître les littératures canadiennes francophones de l’extérieur du Québec, lesquelles proposent aux lecteurs une vision unique et originale du monde, illustration d’une réalité sociologique apparentée à la nôtre, mais qui s’en distingue également à bien des égards.

Lorsque l’on évoque la littérature francophone d’Amérique du Nord, on pense d’abord à celle du Québec, et c’est en effet la plus abondante et la mieux diffusée, mais ce n’est pas la seule. Les oeuvres littéraires canadiennes d’expression française existent bel et bien, mais nous les connaissons fort peu. Il faut le déplorer et veiller à tout mettre en oeuvre pour mieux les diffuser chez nous à l’avenir. Souhaitons que le prix Émile-Ollivier, qui vise justement à reconnaître l’excellence de francophones s’illustrant dans le domaine des lettres à l’extérieur du Québec, contribue un tant soit peu à l’atteinte de cet objectif. Peut-être la tradition que nous voulons instituer ce soir favorisera-t-elle l’émergence d’une conscience plus claire, plus nette de notre appartenance à une seule grande communauté de langue française, par-delà nos différences et nos particularités.

En fréquentant les écrivains et écrivaines francophones des autres provinces canadiennes, non seulement, en effet, nous abordons d’autres rivages et touchons d’autres univers, mais nous comprenons mieux aussi à quel point notre langue est le lieu d’un héritage partagé. C’est pourquoi il nous faut saluer ici tout particulièrement les éditeurs francophones de l’extérieur du Québec qui font un travail essentiel, malheureusement fragilisé par le manque de moyens et par la petitesse du marché qu’ils desservent. Ces éditeurs, travaillant dans les marges à la fois fragiles et résistantes d’une autre réalité francophone, témoignent de la volonté tenace de s’épanouir qui anime les communautés francophones et acadiennes du Canada, et ils le font sur le terreau même de leur marginalité culturelle.

Par ailleurs, nous sommes tous conscients des liens étroits qui existent entre une langue et sa littérature. Il s’agit là d’une relation que l’on peut, sans risque de se tromper, qualifier de symbiotique. Par elle-même, la langue façonne notre identité et permet de donner forme à notre expérience singulière. Elle est le témoin essentiel d’une manière d’appréhender le monde. Cependant, on comprend toute l’importance de la littérature quand on sait avec quel dynamisme elle permet à toute langue de s’illustrer, mais aussi d’évoluer, de s’enrichir et de se renouveler, de façon à pouvoir continuer d’exprimer au plus juste les nuances de la pensée, les subtilités du réel, toute la complexité du monde et de la condition humaine. Ainsi la littérature est-elle à la fois un indéniable instrument d’apprentissage de la langue en même temps qu’un formidable outil de transmission de la tradition humaniste, une grande fenêtre ouverte sur la connaissance. En suscitant de véritables interrogations, elle contribue à aiguiser le jugement et le sens critique, à développer la capacité de réflexion, en plus de l’accès qu’elle donne aux univers fascinants des poètes et des romanciers, aux diverses cultures étrangères ainsi qu’aux innombrables trésors de la pensée. Bref, elle ouvre aux esprits curieux des horizons infinis en leur permettant de voyager dans le temps et dans l’espace.

À mon sens, il faut encourager tous les francophones à avoir confiance en leur propre créativité, de façon que le français continue d’être le laboratoire d’oeuvres littéraires fortes, lesquelles, finalement, seront gage de sa vitalité et de son rayonnement.

Comme vous tous, j’aime profondément cette langue de coeur et de raison qui est la nôtre, et je veux qu’elle puisse façonner notre avenir comme elle a si bien su dessiner les nuances de nos expériences passées. Entretenir cette espérance ne me paraît pas irréaliste. Nous, francophones d’Amérique, devrons cependant continuer à évoluer dans un environnement continental fortement marqué par la présence de l’anglais. C’est là notre destin, et nous le savons. Mieux vaut apprendre à composer avec cette réalité que la nier. Sachons toutefois que l’obligation de défendre ce patrimoine commun est un honneur, ce qui n’est pas la joie la moins précieuse.

Je vous remercie.