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Le 18 novembre 2005 Discours du ministre Benoît Pelletier devant l'Association d'études canadiennes aux États-Unis

La version prononcée fait foi.

Monsieur le Président,
Monsieur le Chargé d’affaires du Québec dans le Mid-Ouest,
Chers amis qui contribuent aux études québécoises et canadiennes,
Chers amis,

J’aimerais d’abord vous dire à quel point je suis heureux d’être parmi vous ce soir. Je tiens à féliciter le nouveau président de l’ACSUS et souhaiter à Madame la professeure Hitchins tout le succès possible dans ses nouvelles fonctions. Veuillez également transmettre tous mes voeux de réussite au nouveau comité de direction. Enfin, je tiens à féliciter le président sortant, M. George Sulzner, de son travail assidu et de son inlassable dévouement des deux dernières années. Félicitations, professeur Sulzner!

Je trouve très significatif de m’adresser à vous à St. Louis ce soir, car cette Porte de l’Ouest marque un jalon important dans l’histoire de la présence française en Amérique du Nord. Même si St. Louis a été officiellement fondé en 1764 par des marchands français, explorateurs et marchands étaient présents dans la région depuis les expéditions de Louis Joliette et du père Jacques Marquette en 1673, suivies cinq ans plus tard par celle de La Salle. Même après l’achat de la Louisiane, la destinée de St. Louis a été étroitement liée à celle du Canada français, du fait que cette Porte de l’Ouest fut le point de départ de la célèbre expédition de Lewis et Clark, au cours de laquelle les voyageurs franco-canadiens ont joué un rôle important.

À la lumière de ces liens historiques, il va peut-être tout simplement de soi que, cette année, la conférence de l’Association des études canadiennes aux États-Unis affiche un programme à forte teneur québécoise, avec la participation de groupes d’experts sur les médias québécois, sur la littérature québécoise et sur l’expédition de Lewis et Clark, ainsi que la mise à l’ordre du jour d’un atelier qui portera sur la façon d’intégrer le matériel scolaire faisant référence au Québec et, enfin, d’une projection du film québécois C.R.A.Z.Y., qui marquera l’entrée du Canada dans le concours du meilleur film de langue étrangère, à la prochaine remise des Oscars de l’Academy Awards. J’espère que vous trouverez ces ateliers et ces groupes d’experts utiles et je suis sûr que le film vous plaira.

J’aimerais également vous dire à quel point j’apprécie les travaux que vous menez; à titre d’universitaires et d’éducateurs. Vous apportez une contribution précieuse à notre relation bilatérale, parce que, par votre enseignement et vos recherches, vous aidez de multiples façons nos sociétés et nos peuples à se comprendre.

À titre de contribution personnelle à cette entente réciproque, j’aimerais vous parler ce soir de l’évolution politique du Québec. Depuis son élection en avril 2003, le gouvernement que je représente a accordé priorité à une redéfinition de la place du Québec tant au sein de la fédération canadienne qu’à l’étranger. Désormais, le développement économique, social, culturel et politique du Québec dépend grandement de sa capacité de se projeter d’abord comme membre dynamique de la fédération canadienne, pour se propulser ensuite sur la scène mondiale. Je vais vous démontrer ce soir que le Québec joue au mieux son rôle de catalyseur de changement au Canada, si on lui permet de renforcer ses activités internationales. À l’inverse, je dirais aussi que la meilleure façon pour le Québec de réussir sur la scène internationale consiste à agir dans un esprit de partenariat avec le Canada et à titre de membre de la fédération canadienne.

Le Québec et le nouveau contexte canadien

En élisant le gouvernement libéral du Premier ministre Jean Charest, le 14 avril 2003, les Québécois ont affirmé leur désir de changement et exprimé leur préférence pour un gouvernement qui s’emploierait à améliorer la fédération canadienne plutôt qu’à la quitter. Un système fédéral comme le nôtre, si on le comprend bien, me frappe comme étant la meilleure façon de susciter un climat politique qui respecte la diversité culturelle et régionale, tout en permettant à chaque palier de gouvernement de s’acquitter de sa tâche selon ses compétences. À ce chapitre, nous sommes profondément convaincus que le Canada fonctionne mieux lorsque le Québec ne se marginalise pas, mais qu’il devient plutôt un catalyseur de changement au sein de la fédération.

À une époque où le Canada fait face à plusieurs défis politiques et socio-économiques, le Québec a recommencé à jouer le rôle qui lui revient dans la fédération canadienne en optant pour une position pragmatique qui repose sur trois principes essentiels : affirmation, autonomie et leadership.

La notion d’affirmation incarne l’expression de la spécificité du Québec – selon sa langue, sa culture ainsi que ses institutions juridiques et politiques – au sein du Canada, et constitue un atout pour la fédération canadienne. Ce caractère distinct, qui est au coeur de son identité et de son histoire du Québec et nous paraît un facteur déterminant du succès actuel et futur du Québec sur le plan économique, politique et culturel. En tant que gouvernement du Québec, notre objectif consiste à affirmer la spécificité du Québec, d’abord sur la scène canadienne, puis sur la scène internationale, précisément parce que cette spécificité enrichit l’ensemble du Canada et, au bout du compte, sert au mieux ses intérêts. Affirmer la spécificité du Québec au sein du Canada ne vient en rien distordre la réalité canadienne; en fait, elle traduit et renforce cette réalité.

Quant à la notion d’autonomie, elle est bien connue des experts du fédéralisme et de l’histoire du Canada. Tout système fédéral sous-tend la division et le partage des pouvoirs entre le gouvernement central et les États et provinces fédérés dans un cadre constitutionnel. Par définition, les rouages d’un système fédéral sont une affaire de négociation et de compromis entre le gouvernement fédéral et les provinces. Dans le cadre de ce processus, le gouvernement du Québec poursuit une politique qui consiste à défendre, à prôner, voire à renforcer l’autonomie du Québec, mais toujours dans le cadre de la fédération canadienne. Là encore, cela traduit une pratique adoptée par d’autres provinces et par d’autres fédérations dans le monde. Mais, pour le Québec, ceci revêt un sens particulier en raison de sa spécificité linguistique, culturelle et institutionnelle : souvenons-nous que même si deux pour cent seulement de la population nord-américaine est francophone, une vaste majorité de cette population vit au Québec. Ces circonstances dotent nombre des décisions politiques du Québec d’une importance particulière par-delà de ses frontières. Du point de vue du Québec, la promotion de l’autonomie est donc un prolongement de l’idée d’affirmation, mais elle incarne aussi une perspective sensée du fédéralisme beaucoup plus constructive que celle qu’avancent nos adversaires politiques et illustre mieux les réalités canadiennes qu’un système hiérarchisé où toutes les décisions en matière de dépenses et de politiques stratégiques seraient prises à Ottawa.

Enfin, fixer les objectifs d’affirmation et d’autonomie n’a de sens que si le Québec décide d’assumer un rôle de leadership, tant sur la scène canadienne qu’à l’échelle internationale. À cet égard, l’une des grandes priorités du Premier ministre Charest après son accession au pouvoir fut de larguer la « stratégie du siège vide », qui avait caractérisé l’attitude du Québec dans les relations fédérales-provinciales au cours des années passées, pour plutôt adopter une nouvelle attitude plus favorable aux intérêts du Québec, au sein de la fédération et à l’étranger. Cette vision pragmatique, axée sur les résultats, a pris véritablement forme dans une nouvelle initiative que le Premier ministre Charest a présentée à ses homologues, à savoir, le Conseil de la fédération. Celui-ci tient son origine dans le rapport de 2001 du Comité spécial du Parti libéral du Québec sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise que j’ai présidé avant l’élection de 2003. Créé au mois de juillet de la même année, ce Conseil s’apparente à la National Governors’ Association américaine dans le sens où il s’agit d’un forum qui permet aux provinces d’élaborer des positions communes sur des questions fédérales-provinciales et d’échanger de l’information, des connaissances et de l’expérience sur des dossiers stratégiques précis. Ce Conseil offre également à ses membres l’occasion d’échanger leurs points de vue sur les grandes questions du jour et, en illustrant sans ambages la diversité de la fédération, il donne le ton à la recherche de solutions pragmatiques et durables aux conflits fédéraux-provinciaux.

Ce Conseil a déjà produit des résultats concrets dans bien des domaines. Par exemple, après des années d’argumentations amères, qui n’avaient jamais abouti à une entente sur le financement du système de santé, le Conseil a joué un rôle dans l’accord de septembre 2004 qui fera date dans l’histoire et selon lequel Ottawa et les provinces se sont entendus sur une formule de financement plus équitable pour les provinces. Cet accord était également important dans le sens où il enchâssait un fédéralisme asymétrique comme principe opérationnel de la fédération canadienne. Dans la pratique, le fédéralisme asymétrique consiste à ce qu’Ottawa reconnaisse la diversité du Canada et la nécessité d’élaborer avec les provinces des solutions souples qui traduisent cette diversité. Loin de saper l’intégrité du cadre constitutionnel du Canada, il rétablit en fait un sentiment d’équilibre et de souplesse dont nous allons tous profiter.

Le fédéralisme asymétrique ne fonctionne pas seulement sur le plan multilatéral des relations fédérales-provinciales; il a aussi enregistré certains succès dans la sphère bilatérale des relations entre Québec et Ottawa. L’entente Québec-Ottawa sur le programme des congés parentaux, conclue il y a quelques semaines seulement, illustre la façon dont les deux gouvernements peuvent conclure des accords politiques et financiers qui permettent au Québec d’élaborer des mesures correspondant au consensus politique établi dans des domaines qui relèvent de ses compétences, qu’elles soient partagées ou exclusives.

Enfin, depuis l’accession au pouvoir de notre gouvernement il y a deux ans et demi, un nouvel esprit de dialogue et d’engagement constructif règne dans les relations fédérales-provinciales, qui a abouti à la signature de plusieurs accords très importants dans des domaines allant du développement des infrastructures à l’agriculture et de la mise en commun des recettes des taxes sur l’essence au renouveau urbain. Sur ce plan, on ne peut que conclure que notre stratégie basée sur l’affirmation, l’autonomie et le leadership est beaucoup plus qu’un slogan; c’est un modèle de succès qui améliore la vie des Québécois et renforce la fédération canadienne.

Certes, cela ne veut pas dire que tout soit calme sur le front des relations fédérales-provinciales. De nombreux points de désaccord persistent entre le Québec et le gouvernement fédéral et, en fait, entre Ottawa et toutes les provinces. Je ne m’attarderai pas sur ces questions ce soir, mais permettez-moi d’explorer brièvement trois dossiers en suspens, notamment le déséquilibre fiscal, les changements climatiques et le rôle international croissant que jouent les provinces.

Premièrement, la notion de déséquilibre fiscal, version canadienne du débat sur les « Unfunded Mandates » qui a cours aux États-Unis, illustre la situation financière très difficile que connaissent toutes les provinces. Au cours de la dernière décennie, nous avons été témoins d’une croissance exponentielle du coût de l’éducation et des soins de santé, responsabilités qui, au Canada, relèvent des provinces. Cette hausse n’a pas été assortie d’une augmentation proportionnelle des recettes au niveau provincial ni d’une redistribution du « gâteau » fiscal entre Ottawa et les provinces. Il s’agit d’un problème complexe, qui a suscité un vif débat entre Ottawa et les provinces. Pour régler cette question de la façon la plus constructive possible, les Premiers ministres provinciaux ont créé en mai 2005, un comité consultatif sur le déséquilibre fiscal qui illustre une fois de plus de quelle façon le Conseil de la fédération ressort comme joueur politique important au Canada, tant en ce qui concerne la défense des intérêts des provinces que pour l’élaboration de politiques.

Deuxièmement, le rôle des provinces sur la scène internationale fait actuellement l’objet d’un débat au Canada, lequel reflète à la fois la transformation fondamentale de l’économie et de la géopolitique mondiales au cours des quinze dernières années et, à l’échelon nord-américain, la réussite de l’intégration nord-américaine et les nouveaux défis auxquels doit faire aujourd’hui face notre continent pour être concurrentiel. C’est à ce débat et aux questions qu’il soulève quant à la place du Québec dans le monde que j’aimerais consacrer le reste de mon exposé d’aujourd’hui.

Le Québec et la nouvelle donne internationale

En ce qui concerne les activités extérieures des provinces, le Québec est en quelque sorte un pionnier qui poursuit activement des relations internationales depuis les années 1960 et qui défend ses intérêts politiques, économiques et culturels par la voie d’un réseau de 25 bureaux établis dans 17 pays. Ces bureaux ont grandement contribué au rayonnement international des entreprises, artistes, chercheurs, ONG et établissements d’enseignement québécois au fil des ans. Ils ont également enrichi la société québécoise en facilitant les contacts avec le reste du monde. En fait, les représentants de nos bureaux de New York, Boston, Chicago, Los Angeles et Washington, ainsi que ceux du ministère des Relations internationales du Québec, sont parmi nous ce soir.

D’autres États fédérés nous ont emboîté le pas et sont actifs à l’étranger. D’après une étude réalisée en 2002 par le Council of State Governments, les États américains ont 240 bureaux établis dans 34 pays pour relever les défis de la mondialisation. De même, des entités fédérées de Belgique, d’Allemagne, d’Australie et dans des régions comme la Catalogne sont extrêmement actives à l’étranger.

Les relations internationales entretenues par les États fédérés, ainsi qu’entre eux, transcendent le commerce bilatéral. Par exemple, au fil des ans, le Québec a adopté une optique régionale et transnationale aux États-Unis en collaborant étroitement avec les États de Nouvelle-Angleterre, les Grands-Lacs et la région médio-atlantique sur des questions comme l’assainissement de l’air, la gestion de l’eau, l’énergie, la sécurité, les corridors commerciaux et le transport. Ce modèle existe tout au long de la frontière canado-américaine, dans la mesure où une grande part de nos relations bilatérales s’incarne dans une succession de corridors Nord-Sud. Ces régions économiques naturelles sont souvent plus efficacement intégrées que nos économies nationales. Elles représentent des milliers d’emplois et plus d’un million de dollars d’échanges commerciaux à la minute. En 2004, les échanges commerciaux du Québec avec les États-Unis représentaient à eux seuls 81 milliards de dollars canadiens, faisant de nous le sixième partenaire commercial des États-Unis. Et, avec l’importance croissante que prennent les États du Sud et de l’Ouest sur les plans politique et économique, attendezvous à nous y trouver plus actifs également.

Ces réalisations marquantes ont beaucoup contribué à notre prospérité et à l’épanouissement de notre culture et de nos institutions scientifiques et éducationnelles en Amérique du Nord. Mais, récemment, la mondialisation et l’intégration continentale ont posé une nouvelle série de défis. Le monde de 2005 est bien différent de celui de 1993-1994; nous vivons dans un nouveau contexte international auquel les États et la population doivent s’adapter.

Ces transformations mondiales sont de trois ordres : la première a trait aux changements géopolitiques qui ont remodelé le monde. Même si l’Amérique demeure la seule superpuissance du monde, une Union européenne élargie est devenue un joueur économique majeur, qui commence néanmoins à souffrir de plus en plus sur les plans politique et social. En outre, les économies émergentes telles que la Chine et l’Inde ont déjà des répercussions profondes sur les marchés mondiaux de la finance, de la main-d’oeuvre et de l’énergie. Nous vivons aujourd’hui dans un monde plat où les progrès de la technologie ont fait tomber les barrières géographiques et fait de l’économie mondiale un milieu extrêmement concurrentiel qui change constamment.

La deuxième catégorie a trait aux révolutions sociales et intellectuelles du nouveau millénaire. L’avènement des secteurs économiques fondés sur la science nouvelle, qui a alimenté l’essor des années 1990, sera probablement la racine de l’expansion économique future. Toutefois, la plupart des sociétés industrialisées devront faire face, au cours des cinquante prochaines années, à des problèmes démographiques aigus causés par la chute des taux de natalité, le vieillissement de la population et une diversité toujours croissante. Si nous ne réglons pas ces problèmes, nous allons paralyser notre compétitivité et cela nous empêchera de glaner les fruits de la nouvelle économie. Cette perspective guette le Canada et le Québec.

La troisième catégorie a trait à la crise la plus importante qui nous ait frappés au cours des dernières années, à savoir le 11 septembre. Ce jour fatidique, les terroristes ont attaqué l’Amérique, mais ils ont aussi remis en question nos valeurs politiques et sociales communes. Depuis lors, la sécurité et la lutte contre le terrorisme sont devenues la priorité des États-Unis, priorité que le Québec prend très à coeur également. Notre collaboration soutenue en matière de sécurité intérieure en atteste, d’ailleurs. Même si nous reconnaissons que la lutte contre le terrorisme constitue un long parcours parsemé de revers temporaires, nous savons que l’issue sera positive tant pour la liberté que pour la démocratie dans le monde entier.

Ce que ces changements ont en commun, c’est que leur impact était impensable il y a seulement quinze ans. En outre, ils ont transposé sur la scène internationale des préoccupations qui, autrefois, étaient exclusivement traitées sur le plan national. En d’autres termes, la distinction entre les enjeux nationaux et internationaux est devenue de plus en plus floue. Cela est particulièrement vrai de la relation entre le Canada et les États-Unis.

La mouvance de cette situation souligne tout particulièrement la nécessité de moderniser les institutions et les gouvernements pour qu’ils puissent s’adapter et réagir à ces tendances et à d’autres courants à venir, afin de demeurer compétitifs. C’est peut-être là le principal défi que les États souverains ainsi que les États fédérés comme le Québec devront relever dans l’avenir. Comme la tendance à l’intégration économique régionale est solidement ancrée, cette leçon ne s’applique plus uniquement aux États-nations.

En fait, la mondialisation sous toutes ses formes pose un défi majeur aux fédérations telles que le Canada, défi qui a trait au rôle international croissant que jouent les provinces. Je crois que ce rôle est le prolongement tout naturel de tendances qui se manifestent tant au sein de la fédération canadienne que sur la scène multilatérale et supranationale.

Examinons d’abord la scène multilatérale et supranationale. De nos jours, presque chaque secteur qui relève d’une compétence provinciale exclusive ou partagée fait l’objet de décisions, de négociations et d’ententes à l’échelle internationale, et un grand nombre d’orientations et des normes clés sont maintenant décidées à ce niveau également. Parmi les sphères touchées par cette nouvelle réalité, citons les soins de santé, le développement économique et social, les normes du travail et de l’environnement, les droits de la personne, les nouvelles technologies, ainsi que les domaines stratégiques qui sont au coeur de l’identité et du tissu social du Québec, tels que la culture, la langue et le droit civil. Ce sont autant de préoccupations politiques où le Québec et les autres provinces du Canada jouent un rôle majeur, notamment dans la mise en oeuvre pratique d’une série sans cesse croissante de normes et de règlements internationaux normatifs.

La signature d’accords commerciaux bilatéraux et régionaux, ainsi que les diverses négociations et accords internationaux qui relèvent de l’Organisation mondiale du commerce ont accéléré cette tendance. En conséquence, il est capital que les États fédérés soient des partenaires actifs dans l’élaboration et la mise en oeuvre de normes internationales concernant les domaines qui relèvent de leurs compétences partagées ou exclusives, puisque eux seuls auront à faire face aux conséquences de ces normes. Cela est particulièrement vrai du Québec, dont la prospérité et le bien-être sont fortement tributaires du rayonnement international et qui tire environ soixante pour cent de son PIB du commerce international.

En bref, l’intérêt croissant du Québec et d’autres États fédérés à une participation sur la scène internationale n’est pas une passade. C’est une préoccupation légitime qui n’est pas près de disparaître pour la simple raison qu’il se passe à l’échelon international beaucoup de choses qui influent sur la capacité des provinces de s’acquitter de leurs responsabilités constitutionnelles. Toute cette activité se répercute quotidiennement sur leurs intérêts fondamentaux. La participation des provinces à ces débats est donc une question d’intérêt personnel éclairé.

Cela m’amène à la deuxième tendance qui sous-tend l’activité des provinces à l’étranger, notamment le nombre croissant d’acteurs sur la scène internationale. Après la signature du Traité de Westphalie, les États souverains sont, pendant plus de trois siècles, demeurés presque les seuls acteurs importants de la politique internationale. L’émergence d’institutions multilatérales et de sociétés multinationales après la Deuxième Guerre mondiale n’a pas sérieusement remis en question l’hégémonie des États souverains dans l’ordre international. Toutefois, au cours des quinze à vingt dernières années, les transformations majeures que j’ai décrites il y a quelques minutes ont permis à un grand nombre d’acteurs très variés de devenir des joueurs internationaux : entreprises, ONG, associations commerciales, universités, villes. Un nombre incalculable d’autres entités saisissent habilement les occasions qu’offre la mondialisation, et tentent aussi de régler certains des problèmes qu’elle a créés. Pour ces institutions, les avantages des activités internationales et ce qu’il en coûterait de ne pas être présents à l’étranger sont beaucoup trop grands et constituent une justification fondamentale de leur intervention. Si cela est vrai pour ces organismes, ce l’est encore plus pour un gouvernement dont les champs mêmes d’activité et de compétence sont en jeu.

Si la participation croissante des provinces à l’étranger est une question de bon sens et d’intérêt personnel éclairé, je crois qu’il en va de même pour le gouvernement fédéral. Comme les provinces sont chargées de la mise en oeuvre des traités internationaux dans les domaines relevant de leur compétence, une coopération accrue et plus systématique entre Ottawa et les provinces améliorera la position du Canada au cours de ces négociations et facilitera la mise en oeuvre d’accords à l’issue de leur ratification.

Ce qu’il reste à réaliser maintenant, c’est de faire de ce type de coopération fructueuse une pratique courante plutôt que l’exception. Le Québec et le Canada ne peuvent qu’en sortir gagnants.

Conclusion

Dans mon exposé de ce soir, j’ai tenté d’illustrer de quelle façon le gouvernement du Québec est un partenaire actif depuis 2003, quant au renouvellement du fédéralisme canadien, tant d’un point de vue intérieur qu’à l’échelon international. Au cours des trente derniers mois, les résultats ont été impressionnants : sur le plan intérieur, le Québec a réaffirmé son leadership dans les relations fédérales-provinciales en formant des partenariats solides avec d’autres provinces et territoires par la voie du Conseil de la Fédération. Ce Conseil est à l’avant-garde d’un nouveau fédéralisme canadien, fondé sur un consensus et des alliances interprovinciales, ainsi qu’une optique pragmatique, axée sur les résultats, dans les négociations avec Ottawa.

À l’étranger, le Québec est plus présent que jamais, surtout aux États-Unis, le Premier ministre Charest menant plusieurs missions importantes en Amérique. À cet égard, la première mission d’un Premier ministre du Québec à Washington depuis près d’une décennie, mission qui a remporté un succès retentissant surtout grâce au degré élevé de collaboration entre l’Ambassade du Canada et les représentations du Québec à New York et à Washington, fut un haut lieu sur ce plan en avril de cette année. Enfin, la nécessité d’une présence plus active des provinces à l’étranger, notamment dans les forums multilatéraux et aux organisations internationales, a donné lieu à une réalisation qui fera date dans l’histoire : l’adoption de la Convention sur la diversité culturelle par l’UNESCO.

Comme il a été mentionné précédemment, cela ne veut pas dire que les différends entre Québec et Ottawa sont tous résolus. Plusieurs dossiers importants sont encore sur la table. Toutefois, l’expérience des deux dernières années et demie nous a appris que les chances de résoudre ces désaccords se multiplient lorsque toutes les parties concernées négocient dans un esprit de confiance et de respect mutuel. Cette expérience nous enseigne également que le Québec est enrichi par son adhésion au Canada et que le Canada est enrichi par la spécificité du Québec, que sa culture et ses institutions particulières incarnent.

Le système de gouvernement fédéral, si on le comprend bien, est le plus propice au développement de sociétés pluralistes qui apprécient leur diversité et qui peuvent réagir avec souplesse aux transformations socioéconomiques, culturelles, technologiques et politiques qui modèlent notre monde aujourd’hui. À cet égard, j’ai la conviction profonde que le fédéralisme canadien va s’épanouir au point où il pourra reconnaître la spécificité du Québec comme étant un atout compétitif dont il pourra se servir de manière aussi judicieuse que constructive.

Merci beaucoup!