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Vancouver, le 6 avril 2006 Allocution du ministre au Canadian Club

La version prononcée fait foi.

Mesdames, Messieurs, et j’oserais dire chers amis !

Je tiens d’emblée à remercier et à féliciter les organisateurs de cet événement. Je pense, bien entendu, à Jean Waters et à toute son équipe, à tous ceux et celles qui ont assuré le succès de cette rencontre d’aujourd’hui. Merci beaucoup et félicitations !

J’aimerais également vous dire à quel point John van Dongen est un allié de la francophonie.

I very much like working with you, John, and I really think that we could do a great deal for the francophones in BC. Working together is something that I I’ve been looking for for many years, working together with BC, and now I know that it is possible because of you notably. I would like to thank you publicly for everything that you’re doing.

Vous me permettrez de souligner de façon très particulière la présence de trois personnes que j’ai connues comme collègues universitaires, si je puis dire. Je pense évidemment à Harvey Lazar, qui est ici aujourd’hui et qui m’honore de sa présence; au très grand Edward McWhinney, qui est également ici aujourd’hui, et à mon excellent ami Yolande Grisé.

Mesdames et Messieurs, je suis venu vous parler aujourd’hui de ce Canada que j’aimerais que nous bâtissions tous ensemble. Je suis venu vous parler de la place du Québec dans le Canada de demain. De plus, je suis venu vous parler de la place des francophones dans ce vaste pays.

Mais, avant de regarder tout cela, il est important que nous regardions quelle est la nouvelle donne mondiale, que nous examinions en quoi, au cours des dernières années, la planète a changé. Nous le savons tous, nous vivons à une ère de mondialisation, on le répète souvent, une ère de libéralisation des marchés, une ère également de modernité avancée, une ère d’américanisation de la planète, d’acculturation et d’anglicisation. Lorsque l’on regarde tous ces axes, qu’est-ce que l’on constate ? D’abord, un phénomène extrêmement intéressant, soit l’émergence de grands ensembles politiques, de grands ensembles économiques et de grands ensembles juridiques. L’Union européenne en est un excellent exemple. Mais, à côté de l’émergence de ces grands ensembles, nous voyons cependant des particularismes, des sociétés particulières qui veulent s’affirmer un peu partout dans le monde. Nous voyons certains phénomènes de décentralisation et nous voyons aussi des phénomènes de régionalisation.

On constate également qu’il y a de plus en plus une interdépendance des gouvernements. On ne peut plus, aujourd’hui, comme gouvernement, on ne peut plus, aujourd’hui, comme société, penser qu’on va vivre seuls, de façon isolée. L’interdépendance est devenue une donnée obligatoire. On ne peut plus la contourner et forcément cela implique que les gouvernements, que les sociétés doivent de plus en plus chercher à travailler en collaboration les uns avec les autres, en concertation les uns avec les autres.

On remarque également une multiplicité d’allégeances. Une personne peut très bien, aujourd’hui, se définir comme Allemande, elle peut très bien se définir comme Européenne, comme appartenant à une identité européenne supérieure, elle peut très bien se définir comme citoyenne du monde. On remarque également, de nos jours, que de nouveaux pays s’imposent. On pense à l’Inde, on pense à la Chine. Très bientôt, ce seront vraisemblablement le Brésil et peutêtre même le Mexique qui s’imposeront davantage. Et je vous dirai que tout cela nous pose un certain nombre de défis. Le premier défi, c’est que cette interdépendance dont je vous ai parlé il y a un instant, cette interdépendance, nous devons apprendre à la gérer. Nous devons gérer l’interdépendance, et cela implique une complémentarité d’action des différentes sociétés, des différents gouvernements. Nous devons miser sur la collaboration, nous-mêmes, ici, au Canada, entre les gouvernements en place, nous devons miser sur la concertation dont je vous parlais il y a un instant, nous devons miser sur la complémentarité d’action de chacun.

Dans le fond, cela explique pourquoi nous insistons tant, nous, au gouvernement du Québec, sur une donnée fondamentale, et cette donnée c’est l’interprovincialisme. L’interprovincialisme, ce sont en quelque sorte des alliances, ce sont des amitiés, ce sont des relations que nous cherchons à établir avec les différentes provinces canadiennes et les territoires. C’est ce qui nous a d’ailleurs amenés à proposer la création du Conseil de la fédération. C’est le Québec qui a fait cette proposition, et cette proposition a été acceptée par les autres provinces et territoires canadiens. Le but est de consolider cette collaboration des provinces et des territoires, cette concertation dont je vous parlais il y a un instant. Mais, pour que cela fonctionne, il faut être ouvert aux autres réalités. Il faut, dans le cas qui nous intéresse, être ouvert à cette réalité qui est celle des autres provinces canadiennes et des territoires.

Je vous parlais il y a un instant de la multiplicité des allégeances. Je l’ai vu au Canada, c’est très simple. Nous pouvons très bien, je vous le dis, nous pouvons très bien être Québécois et Canadiens en même temps. Nous pouvons très bien être Québécois et Canadiens et, en même temps, être citoyens du monde. Cela veut dire qu’aujourd’hui nous devons accepter de vivre dans des réalités multiples et cela veut dire aussi que le Canada va devoir s’adapter à la réalité changeante. En quelque sorte, il va devoir s’adapter à ce monde en mouvement. Et ceux qui pensent, je le dis tout de suite, que nous pouvons nous contenter, au Canada, d’une philosophie unique, d’une philosophie centralisatrice, d’une philosophie inflexible, d’une philosophie ferme sont dans l’erreur, parce que le Canada va avoir besoin de flexibilité, s’il veut s’adapter aux nouvelles exigences du monde contemporain. Et c’est ce qui a amené le gouvernement du Québec à proposer ce concept de fédéralisme asymétrique. Le concept de fédéralisme asymétrique est en quelque sorte l’éloge de la souplesse et de la flexibilité à l’intérieur même du fédéralisme canadien. C’est ce qui nous amène, justement, à proposer un fédéralisme fait de respect et de collaboration entre les différents partenaires. Bien entendu, cela implique que nous devons être davantage respectés dans l’ensemble canadien, c’est le principe fédéral, le principe fédératif même, et cela implique qu’il doit y avoir un meilleur respect de la constitution canadienne.

Ce fédéralisme de flexibilité, c’est ce fédéralisme de souplesse que nous soutenons. Ce que les Québécois demandent, au fond, c’est un meilleur respect de la constitution canadienne. Lorsque le gouvernement du Canada utilise le pouvoir fédéral de dépenser pour s’immiscer dans les champs de compétence provinciaux, nous dénonçons ce fait, nous le dénonçons pour le simple motif que nous croyons que cela va à l’encontre de l’esprit fédératif, de l’esprit fédéral. Ce que je suis en train de vous dire aujourd’hui, c’est que, dans le fond, les Québécois sont peut-être beaucoup plus fédéralistes que vous ne l’avez jamais pensé, parce que ce sont les Québécois eux-mêmes qui demandent le respect de la constitution canadienne, ce sont les Québécois eux-mêmes qui demandent le respect du partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Et je vous dirais que ce sont les Québécois qui, dans le fond, font la promotion de l’élargissement de la réforme constitutionnelle, au-delà de l’accord de 1982, afin que la constitution réponde aux besoins du Québec et à ceux des autres provinces canadiennes. Nous croyons que nous devons renforcer l’identité canadienne, à partir d’un certain nombre de principes qui, pour nous, sont extrêmement importants.

Le principe fondamental pour l’identité canadienne est un principe que vous connaissez bien, c’est le respect des droits et libertés de la personne. C’est un principe largement accepté au Canada. Le deuxième principe dont vous entendez beaucoup parler, c’est celui du pluralisme culturel, que certains appellent le multiculturalisme. Nous croyons beaucoup au Canada dans ce principe qui est celui de la juste redistribution de la richesse, et cela passe notamment, vous le savez, par la péréquation. Nous parlons beaucoup au Canada d’égalité des chances, nous parlons beaucoup d’humanisme, nous parlons beaucoup de solidarité. Nous devons également faire plus en ce qui concerne le renforcement de l’union économique et sociale canadienne. Le Québec travaille d’ailleurs beaucoup à ce que le Conseil de la fédération assume un leadership en ce qui concerne le renforcement de l’union économique canadienne. Je vous dirais que, dans cette identité canadienne que nous voulons développer, il y a une chose qui me semble extrêmement importante, c’est une meilleure prise en considération de la diversité intrinsèque de ce pays. Et dans cette diversité il y a notamment la spécificité du Québec.

De la même façon que les Québécois doivent être ouverts aux besoins des provinces de l’Ouest et chercher à résoudre avec elles ce problème que vous connaissez et qui est celui de l’aliénation de l’Ouest, de la même façon on doit sentir dans le reste du Canada une ouverture envers la spécificité du Québec. Le défi qui nous attend, c’est de bien tenir compte de la richesse collective et de se rappeler que cette diversité est une partie intégrante du Canada et qu’elle constitue une force. Car la spécificité du Québec est une source d’enrichissement pour le fédéralisme canadien, ce n’est pas un obstacle à l’unité canadienne. Le Québec a besoin du Canada, sans doute pour faire face à ces nouvelles puissances émergentes que je vous ai décrites plus tôt que sont la Chine, l’Inde, que sont ces grands ensembles comme l’Union européenne, mais en même temps le Canada a bien besoin du Québec pour définir sa propre identité et faire en sorte qu’elle se différencie, qu’elle se distingue de celle des États-Unis. De la même façon que le Canada est une valeur ajoutée pour l’identité québécoise, je le crois sincèrement, l’identité québécoise dans toute sa spécificité, dans tout son caractère particulier, est une valeur ajoutée pour l’identité canadienne. Et je pense que c’est sur le fondement de ce principe que nous devrons édifier le Canada de demain.

Il est un autre principe qui me semble tout aussi fondamental que celui que je viens d’énoncer et que j’essaie de promouvoir le plus possible, à ma façon, d’un bout à l’autre du Canada, et ce principe, je sais qu’il vous touche de près, c’est celui de la dualité linguistique du Canada. Les francophones ont bâti ce pays, avec les anglophones, avec tous ceux et celles qui sont venus apporter une saveur particulière à notre identité par les vagues d’immigration que nous avons connues et, bien entendu, avec les Autochtones. Mais les francophones ont bâti ce pays, et nous avons toutes les raisons d’être fiers de ce que nous avons construit. Nous devons insister pour que ce pays continue de se définir autour de ce concept fondamental qu’est celui de la dualité linguistique. Cela implique évidemment que le gouvernement fédéral ait un certain nombre de responsabilités, cela implique que les gouvernements de chaque province et territoire aient un certain nombre de responsabilités. Quant au Québec, en ce qui concerne l’essor de la francophonie canadienne et de la langue française au Canada, il a aussi des responsabilités particulières. Certains les qualifieront de responsabilités morales, mais elles n’en sont pas moins importantes.

Lorsque nous avons pris le pouvoir, en 2003, j’ai souhaité que le gouvernement du Québec change sa façon de voir et d’aborder la francophonie canadienne. Il me semblait insensé que nous continuions à faire une séparation, une coupure, une césure entre la francophonie du Québec, les francophones du Québec et ceux des autres provinces canadiennes. J’ai donc commencé à plaider pour que nous ayons une francophonie unie, une francophonie forte, une francophonie solidaire dont le Québec ferait partie intégrante et au sein de laquelle, bien entendu, le Québec assumerait un leadership indéniable, mais à égalité avec ses partenaires, dans une relation d’égal à égal avec les communautés francophones des autres provinces canadiennes, tout en tenant compte de la diversité intrinsèque de cette francophonie qui est bien réelle.

Les Québécois et Québécoises ne vivent pas en situation minoritaire, comme les francophones des autres provinces canadiennes sont appelés à vivre, bien sûr. Au Québec, il y a une majorité de francophones. Au Québec, par ailleurs, cette majorité de francophones a un contrôle direct, je dis bien direct, sur les leviers gouvernementaux qui sont ceux du gouvernement du Québec et de l’Assemblée nationale du Québec. Par ailleurs, nous le savons tous, le Québec est une société qui a une certaine vocation nationale, ce qui en fait une société tout à fait unique dans le contexte fédératif canadien. Mais tout en tenant compte de ses critères socio-démographiques, tout en tenant compte de ses critères sociolinguistiques, tout en tenant compte de la réalité particulière du Québec, tout en tenant compte de la diversité qui fait partie de la francophonie canadienne, je crois que cette francophonie doit être unie, qu’elle doit être forte, qu’elle doit être solidaire et que le Québec doit revenir dans le grand giron de la francophonie canadienne. Et c’est ce qui explique cette nouvelle philosophie que nous développons au gouvernement du Québec, depuis trois ans, et qui nous a amenés non seulement à changer de discours, mais également à être extrêmement, je dirais, présents sur le terrain et à chercher à incarner ce discours dans l’action.

Je vais vous donner quelques exemples. En 2003, nous avons décidé, nous, le gouvernement du Québec, de participer à la conférence fédérale-provincialeterritoriale des ministres sur les affaires francophones, la conférence fédéraleprovinciale- territoriale sur, en quelque sorte, la francophonie canadienne. Le Québec n’en faisait pas partie avant que nous ne prenions le pouvoir. Il faut remonter à Claude Ryan pour retrouver des traces de la présence du Québec au sein de cette conférence fédérale-provinciale-territoriale des ministres chargés des affaires francophones. En 2003, nous avons donc décidé d’en faire partie. En 2004, nous avons proposé – donc, c’était à notre initiative – nous avons proposé qu’il y ait une révision du mandat et de la terminologie utilisée au sein de la conférence. En 2005, figurez-vous, le Québec a proposé la création entre les provinces et les territoires d’un comité spécial, chargé de rencontrer les représentants nationaux des francophones du Canada, afin que nous élaborions l’inventaire, que nous dressions la liste des besoins des francophones de tout le Canada et que nous portions le message des francophones dans tout le Canada auprès du gouvernement fédéral. Bien entendu, le but en était de travailler en collaboration avec le gouvernement canadien, afin qu’une meilleure réponse soit apportée aux différents besoins relevés lors de cette analyse qui est faite à l’intérieur même de la conférence fédérale-provinciale-territoriale sur le plan d’affaires. Laissez-moi vous dire que cela a eu un impact majeur. C’est la première fois que les provinces et les territoires se réunissaient pour dresser un tel inventaire des demandes, des besoins, des sources d’insatisfaction, afin que nous travaillions positivement avec le gouvernement du Canada à y trouver une réponse.

Nous avons également, toujours dans le volet intergouvernemental, continué notre programme de coopération interprovinciale qui existe déjà, mais, en plus, nous avons signé des ententes avec certaines provinces et territoires. Ici, en octobre 2004, nous avons signé des ententes avec le Yukon et l’Alberta. En juin 2005, nous avons signé une entente avec le Nouveau-Brunswick. En novembre 2005, nous avons signé une entente avec la Colombie-Britannique. En ce moment, une entente est en négociation avec l’Ontario et une autre l’est également. Bien sûr, toutes ces ententes impliquent le Québec. Une entente est également en négociation avec Terre-Neuve-et-Labrador.

Mais ce n’est pas tout, on a également mis en oeuvre une stratégie intragouvernementale, interministérielle, propre au gouvernement du Québec, afin de sensibiliser davantage nos ministères, nos fonctionnaires à cette réalité qui est celle de la francophonie canadienne. Nous avons maintenu notre stratégie auprès des sociétés civiles et, à cet égard, je peux vous dire que nous avons continué à agir dans le cadre du Programme de soutien financier aux partenariats et au développement des communautés, lequel programme permet, depuis des années, d’appuyer de nombreux projets lancés par les communautés et de nombreuses activités qui associent les communautés d’ailleurs à des organismes québécois dans plusieurs domaines, tels que l’éducation, la culture, l’économie, la santé et la petite enfance.

À titre d’exemple, en ce qui concerne la Colombie-Britannique, j’ai parlé précédemment de cet accord que nous avons signé le 23 novembre 2005. Nous avons également signé une entente, nous, le gouvernement du Québec, avec le comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2010, à Vancouver, le COVAN, afin de prévoir une plus grande présence du Québec dans l’organisation des jeux. Nous insistons d’ailleurs pour qu’il y ait une participation, là aussi, des communautés franco-colombiennes, et je suis heureux de savoir qu’il y a des négociations en ce moment entre le COVAN et la communauté franco-colombienne, afin d’assurer une présence soutenue de celle-ci sur le terrain.

Nous avons appuyé, depuis 2003, plus de 60 projets, ici, en Colombie- Britannique. Nous avons versé plus de 400 000 $. Cet après-midi, toujours dans le contexte et dans l’esprit de cette entente que nous avons signée en novembre dernier, John van Dongen et moi, cet après-midi, nous allons signer une entente qui vise à établir un nouveau partenariat entre le Collège Éducacentre et les collèges Mérici et Montmorency.

Alors, vous le voyez, nous sommes très loin de vous avoir oubliés. En dépit de cette distance qui nous sépare, en dépit de ces Rocheuses qui constituent un mur géographique, nous continuons, nous, au Québec, à penser à vous et nous sommes fiers de vous et de votre ténacité. Votre ardeur, votre pugnacité sont pour nous, au Québec, et pour moi en particulier une grande source d’admiration. Nous avons la chance de partager une langue magnifique, nous avons la chance de partager une langue universelle, nous avons la chance de partager une langue qui fait partie intégrante de ce que le Canada est devenu et de ce que le Canada est aujourd’hui. Nous avons la chance de partager une langue qui fait intrinsèquement partie de l’identité canadienne. Et cette langue elle-même, elle est porteuse de valeurs, elle est porteuse de grandes valeurs. Nous devons être très fiers de la défendre, nous devons être très fiers de la promouvoir, nous devons être très fiers de la soutenir, nous devons être très fiers de la parler. En quelque sorte, la langue française, pour nous tous et toutes, c’est un peu comme un joyau que nous avons au fond de nous. C’est cette langue qui nous définit, c’est cette langue qui définit notre identité individuelle, tout autant que cette langue définit notre identité collective. Et c’est parce que je crois à la langue française, c’est parce que je crois à la francophonie canadienne, c’est parce que j’aime les Franco-Colombiens, c’est parce que j’aime la Colombie-Britannique que je suis venu aujourd’hui devant vous poser un geste d’amitié. Merci !