La version prononcée fait foi.
Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté de partager avec vous aujourd’hui le point de vue de notre gouvernement à l’égard des principales questions touchant les relations économiques et financières du Québec avec le reste du Canada.
Dans l’introduction du feuillet de présentation des activités de ce colloque, les organisateurs ont écrit que les relations économiques entre les gouvernements sont en profonde mutation. Ils insistent sur l’importance, pour tous les acteurs de la scène des relations intergouvernementales canadiennes, de bien cerner les nouveaux enjeux et la nouvelle dynamique que représentent, entre autres, une institution comme le Conseil de la fédération et l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement à Ottawa.
Pour sa part, dès son élection en 2003, le gouvernement libéral a davantage privilégié une approche de leadership au sein de la fédération canadienne, dans le respect de ses partenaires et de façon constructive, mais avec, pour toile de fond, l’affirmation de la spécificité québécoise et l’exercice d’un fédéralisme flexible. C’est dans cet esprit que le Québec a proposé la création du Conseil de la fédération, cette nouvelle institution qui fait maintenant indiscutablement partie de notre environnement politique.
Dans la même veine, le Québec s’est employé à réintroduire dans ses relations intergouvernementales des valeurs essentielles au bon fonctionnement de la fédération canadienne. Parmi celles-ci, il faut mentionner, sans surprise, le respect des compétences qui lui sont dévolues par la Constitution, le partage d’un espace économique plus large et, enfin, un meilleur équilibre des ressources financières et fiscales entre les deux ordres de gouvernement.
Le respect du partage des compétences est indéniablement la pierre d’assise d’un régime fédéral comme le nôtre. Il est essentiel à l’équilibre des rapports fédératifs. La souveraineté des gouvernements dans leurs domaines de compétence respectifs est le fondement de tout régime fédéral et assure une dynamique intergouvernementale saine, fondée sur le consensus, qui permet la poursuite d’objectifs individuels et qui préserve l’imputabilité des gouvernements. Il est donc de notre plus haut devoir de demeurer jalousement vigilant des pouvoirs que la Constitution canadienne nous confère et de défendre âprement nos intérêts sur toutes les tribunes.
Parlant de l’espace économique canadien et du Québec « commerçant », mentionnons que le commerce avec le reste du Canada compte : il s’agit tout de même de 37 % (ou 52 G$) de ses exportations de biens et services. D’ailleurs, il faut noter qu’au cours de la période 1998-2004, les exportations de biens et services vers le reste du Canada ont crû en moyenne de 5,6 % annuellement, comparativement à 3,1 % à l’échelle internationale.
Dans ce contexte, on peut affirmer que le marché canadien est essentiel au maintien et au développement d’un grand nombre de nos entreprises et à la création d’emplois. Par conséquent, le Québec s’attache au développement harmonieux de l’espace économique canadien qui constitue, comme on vient de le voir, un débouché de premier plan pour les entreprises québécoises.
Outre l’aide financière et les programmes de soutien de toute nature destinés à l’entreprise, l’action du gouvernement se situe également sur la scène des relations intergouvernementales canadiennes, à proprement parler.
Sur le plan multilatéral, l’Accord sur le commerce intérieur, conclu en 1994 et dont j’assume la responsabilité au sein du gouvernement, facilite grandement les échanges entre les gouvernements ainsi que le commerce interprovincial. Cet accord, de nature essentiellement politique, en ce sens qu’il n’impose pas de contraintes de nature légale, poursuit l’objectif fondamental de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements au Canada. Il aura permis jusqu’à maintenant d’éliminer la plupart des mesures protectionnistes adoptées par les gouvernements.
La tâche consiste aujourd’hui à parfaire ce cheminement. C’est ce qui a été entrepris dans le cadre d’un plan de travail sur le commerce intérieur adopté par le Conseil de la fédération au printemps 2004. Ce plan, qui vise principalement à améliorer le fonctionnement et la portée de l’Accord sur le commerce intérieur, découle du renouvellement de l’engagement des gouvernements envers la libéralisation du commerce interprovincial. Le Québec maintient une participation active dans cette démarche, à laquelle le gouvernement fédéral a d’ailleurs pleinement adhéré et qu’il a grandement favorisée lors de son passage à la présidence du Comité des ministres du commerce intérieur, en 2005.
Plus précisément, le plan de travail génère une quinzaine de travaux. Jusqu’à maintenant, ils ont permis des avancées dans le secteur des marchés publics par l’inclusion dans le champ d’application de l’Accord du marché des sociétés d’État. Des modifications au mécanisme de règlement des différends ont également été adoptées en vue d’en rendre l’utilisation plus simple.
Une autre réalisation aura été l’élaboration et la mise en oeuvre d’un plan de travail en vue de parachever les obligations en matière de mobilité de la main-d’oeuvre dans les professions réglementées et de faciliter la mobilité des travailleurs formés à l’étranger.
Les ministres responsables du commerce intérieur ont également retenu un vaste plan de communication en vue de faire connaître l’Accord, son fonctionnement et les occasions qu’il offre aux travailleurs et entreprises. Des discussions de fond se poursuivent afin, notamment, d’introduire dans l’Accord un chapitre sur l’énergie, de revoir celui qui porte sur l’agriculture, ainsi que d’explorer de nouvelles avenues en vue d’élargir la portée de l’Accord.
Le gouvernement du Québec s’est engagé sur tous les plans afin de favoriser l’épanouissement de l’espace économique canadien. Les relations intergouvernementales dans le domaine du commerce interprovincial sont un lieu d’échanges axé sur la recherche de convergence, donc d’ententes entre les parties, ce qui nécessite, bien sûr, l’atteinte de compromis. Le défi consiste à trouver le fragile point d’équilibre entre l’uniformité des pratiques gouvernementales et la capacité de chacun d’exercer ses compétences et responsabilités et d’agir en fonction de ses intérêts propres.
Un autre grand axe dont dépend le bon fonctionnement de la fédération canadienne consiste en l’établissement d’un meilleur équilibre des ressources financières et fiscales entre les deux ordres de gouvernement. Il s’agit là de l’enjeu le plus important des relations fédérales-provinciales actuelles et le sujet auquel je m’attarderai davantage aujourd’hui.
Vous avez eu l’occasion d’entendre parler ce matin de péréquation et de déséquilibre fiscal. J’ose croire qu’il ne se trouve plus personne, parmi vous, pour douter de l’existence du déséquilibre fiscal, que le Conference Board du Canada qualifie d’ailleurs de problème structurel qui ira en s’aggravant si rien ne vient modifier la dynamique fiscale au Canada.
En effet, le déséquilibre fiscal touche au coeur même du fonctionnement du fédéralisme canadien. Le système fédéral, pour être viable, doit reposer sur un certain équilibre politique entre les partenaires, particulièrement en ce qui touche à leurs pouvoirs et responsabilités, mais aussi sur un équilibre fiscal et financier.
Le déséquilibre fiscal ― ou l’absence d’harmonie fiscale ― a pour effet de dénaturer le rapport de forces entre les partenaires de la fédération, de renforcer la dépendance des provinces à l’égard de l’argent d’Ottawa et de les subordonner petit à petit au gouvernement fédéral. Bref, le déséquilibre fiscal affaiblit le principe fédéral et est incompatible avec son esprit.
Le gouvernement du Québec, par son leadership, a réussi à imposer le thème et la dialectique du déséquilibre fiscal dans l’ensemble canadien. Ce sujet a d’abord été épousé par ses partenaires du Conseil de la fédération, puis par le gouvernement du Canada lui-même. La ténacité du gouvernement du Québec a été déterminante dans ce dossier et le restera, je vous l’assure, tant et aussi longtemps que la solution n’aura pas été trouvée.
Le gouvernement du Québec, n’en déplaise à certains, est à la recherche d’une solution à long terme du déséquilibre fiscal, et non pas d’une solution ad hoc ou ponctuelle. Après tout, les provinces ont besoin de prévisibilité, de permanence et d’assurance.
Selon moi, le déséquilibre fiscal possède trois composantes essentielles : les transferts fédéraux en matière de santé, d’éducation postsecondaire et de programmes sociaux; la péréquation, ainsi que le partage de l’assiette fiscale.
Les transferts fédéraux en matière de santé ont augmenté dans la foulée des deux ententes intervenues en septembre 2004, soit une entente multilatérale entre le gouvernement fédéral, celui des dix provinces et celui des trois territoires, et une autre entente, bilatérale cette fois, conclue entre le gouvernement fédéral et le Québec.
Mais alors qu’il augmentait ses transferts, le gouvernement du Canada négligeait de ramener à un niveau acceptable ses transferts en ce qui touche à l’éducation postsecondaire et aux programmes sociaux, de sorte que les transferts n’ont carrément pas suivi la croissance des besoins. C’est la raison pour laquelle le gouvernement du Québec ― et d’ailleurs toutes les provinces et territoires ― demande que, dans un premier temps, ces transferts soient ramenés à leur niveau de 94-95, ce qui représente une somme d’approximativement 2,2 milliards de dollars.
Puis, dans un deuxième temps, notre gouvernement demande au gouvernement fédéral que les paiements soient actualisés pour tenir compte des augmentations annuelles du coût de la vie depuis cette année.
En ce qui touche à la péréquation, des ajustements ont été apportés par le gouvernement du Canada à la fin du mois d’octobre 2004. Mais ils nous ont littéralement laissés sur notre appétit, surtout à la lumière du discours du trône du 5 octobre 2004 dans lequel le gouvernement Martin avait promis « la réforme la plus fondamentale du programme de péréquation au cours de ses 47 ans d’existence ».
En fait, nous estimons que les modifications apportées de façon unilatérale à la péréquation par l’ancien gouvernement fédéral ― ainsi que les ententes bilatérales qu’il a conclues avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse ― ne permettent plus à ce programme de répondre aux exigences constitutionnelles suivant lesquelles il a été constitué. La formule de péréquation doit donc être repensée et renforcée.
Le gouvernement du Québec continue de souhaiter une réforme de la péréquation fondée sur l’adoption de la règle des dix provinces, l’existence d’une enveloppe ouverte et l’inclusion des revenus provenant des ressources naturelles non renouvelables. La péréquation est, ne l’oublions pas, bel et bien un principe inscrit dans la Constitution canadienne, article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit d’une valeur fondamentale de l’ensemble canadien. Cette valeur est fondée sur la redistribution de la richesse, sur l’équité entre les partenaires fédératifs.
Contrairement à ce que soutient l’actuel premier ministre du Canada, il ne s’agit pas d’un programme fédéral à proprement parler; il s’agit d’un programme national touchant au compromis fédératif et donc au coeur même de ce qu’est le Canada en tant que pays. Cela doit être rappelé.
Quant au partage de l’assiette fiscale, il renvoie particulièrement à toute la question du transfert de points d’impôt ou d’un espace fiscal. Cette question ne doit pas être négligée, car elle se traduit concrètement par l’autonomie fiscale ou politique.
Les trois composantes du déséquilibre fiscal que j’ai décrites précédemment – soit les transferts, la péréquation et le partage de l’assiette fiscale – sont interreliées. Elles peuvent même, si on le souhaite, interagir comme des vases communicants, de sorte que ce qu’une partie perd sur un point, elle peut le gagner sur un autre.
Le gouvernement du Québec croit qu’il est possible, pour trouver une solution au déséquilibre fiscal qui soit gagnante pour tous, de tenir compte de chacune de ces trois composantes.
Quoi qu’il en soit, pour l’instant, une chose me semble certaine, c’est que l’on ne saurait régler convenablement le déséquilibre fiscal sans bonifier la péréquation. Car le déséquilibre fiscal n’est pas vertical, c’est-à-dire fédéral-provincial, il est aussi horizontal en ce qu’il touche à la relation entre les provinces elles-mêmes. Or, seule la péréquation permet de réduire les iniquités entre les provinces.
Le gouvernement de l’Ontario dit craindre qu’à la suite d’une bonification de la péréquation, sa capacité fiscale soit diminuée par rapport à celle des autres provinces. Pourtant, en augmentant les transferts fédéraux et en redistribuant l’assiette fiscale, il est possible de bonifier la péréquation sans diminuer la capacité fiscale de l’Ontario comparativement à celle des autres provinces.
Force est de constater que le débat sur le déséquilibre fiscal a pris une tournure intéressante et fort animée. Bien que la grande majorité des Canadiens soient encouragée par les perspectives du règlement éventuel de cet important problème, d’autres, pour la plupart des analystes de la scène politique, cherchent à faire échouer ce qui pourrait se révéler un accord intergouvernemental novateur et historique.
Toutefois, plutôt que de se servir de la bonne vieille méthode consistant à accuser les premiers ministres des provinces de tenter de soutirer quelques deniers supplémentaires à Ottawa, ces nouveaux opposants se contentent maintenant simplement de monter les provinces les unes contre les autres.
Le nouvel argument invoqué veut que le déséquilibre fiscal ne soit qu’un « mythe » propagé par un gouvernement à Québec qui chercherait ainsi à préserver une ligne de conduite établie de longue date, soit d’offrir des services que les autres provinces ont jugés trop onéreux et de les faire payer par les autres Canadiens.
Certes, au fil des ans, le Québec a fait un certain nombre de choix de société qui comprennent la mise sur pied de programmes sociaux généreux. La lourdeur bureaucratique de l’État québécois est un problème dont le gouvernement s’occupe par un effort général de modernisation de l’appareil étatique.
D’autre part, le déséquilibre fiscal est une réalité canadienne et un important problème structurel reconnu et dénoncé par toutes les provinces et par tous les territoires. Cette réalité, cette évidence a été abondamment documentée jusqu’à présent non seulement par la Commission sur le déséquilibre fiscal (la commission Séguin), mais également par des organismes aussi crédibles que le Conference Board du Canada, de même que par de nombreux experts indépendants.
À vrai dire, la question du déséquilibre fiscal a peu à voir avec les décisions de gestion des provinces, pas plus qu’avec la façon dont Ottawa administre ses propres affaires.
Le fait est qu’Ottawa a plus d’argent qu’il n’en a besoin pour s’acquitter des tâches dont il a la responsabilité, alors que les provinces doivent accomplir les tâches qui leur sont dévolues en vertu de la Constitution avec des ressources insuffisantes.
Ceux qui allèguent que le déséquilibre fiscal n’existe pas parce que les provinces ont accès ni plus ni moins aux même sources de revenu que le gouvernement fédéral et qu’elles n’ont donc qu’à augmenter les impôts sont dans l’erreur et oublient délibérément de tenir compte des trois éléments fondamentaux suivants :
Premièrement, les champs fiscaux que se partagent les gouvernements fédéral et provinciaux sont limités par la capacité des citoyens à contribuer davantage. Le Québec, comme bien d’autres provinces, a atteint les limites de sa capacité d’imposition.
La hausse des impôts provinciaux, que ce soit à l’échelle du Québec seulement, de quelques provinces ou de leur totalité, pourrait avoir des effets néfastes, comme le ralentissement de la croissance économique et l’aggravation des différences entre les provinces sur le plan financier.
Notre économie nationale et notre prospérité globale pourraient s’en trouver affectées, d’autant plus que nous vivons actuellement dans un marché mondial où la concurrence est très forte.
Deuxièmement, il y a un déséquilibre entre les revenus – non pas les « sources de revenu » – et les responsabilités constitutionnelles de chaque ordre de gouvernement.
Le gouvernement fédéral a recueilli tellement d’argent au fil des ans qu’il est en mesure d’assumer pleinement ses responsabilités constitutionnelles, de réduire les impôts, de rembourser sa dette et d’investir dans les champs de compétence des provinces.
Par ailleurs, la plupart des provinces doivent faire des pieds et des mains pour arriver à équilibrer leur budget tout en maintenant la qualité des services offerts à leur population respective dans leurs propres champs de compétence, comme les soins de santé et l’éducation.
Troisièmement, la planification budgétaire des provinces doit être prévisible et chaque ordre de gouvernement imputable. En fait, le degré de prévisibilité, de stabilité, d’imputabilité et d’autonomie financière recherché par les provinces ne pourra être atteint que par une restructuration des arrangements fiscaux actuels entre les deux ordres de gouvernement qui tienne compte de la péréquation, des paiements de transfert, des ajustements des points d’impôt et des limitations du pouvoir de dépenser.
J’ouvre ici une parenthèse pour vous entretenir de cette épineuse question du pouvoir fédéral de dépenser. L’exercice du pouvoir fédéral de dépenser dans le champ de compétence des provinces constitue une pratique discutable sur le plan juridique et condamnable sur le plan politique. J’annonce aujourd’hui que j’entends personnellement livrer une bataille au cours des prochains mois afin que soit restreint et fermement balisé un tel usage du pouvoir fédéral de dépenser.
Ce n’est que si tous ces facteurs sont pris en considération de manière collective que l’architecture fiscale du Canada pourra être revue dans ses fondements.
Cela dit, comme vous le savez, le gouvernement actuel est résolument déterminé à revoir le « modèle québécois », à réduire l’ effectif de sa fonction publique et à mobiliser son économie de façon à la libérer des restrictions qui font obstacle aux investissements et à la création d’emplois.
En fait, au cours des trois dernières années, la croissance des dépenses a été limitée à une moyenne de 3,7 % par année. Comparativement, les dépenses du gouvernement fédéral ont augmenté de 7,0 % au cours de la même période et celles des autres provinces réunies ont augmenté de 6,4 %.
Nous avons récemment annoncé la création du Fonds des générations, qui permettra au Québec de réduire le fardeau de sa dette à moins de 25 % du PIB d’ici 2025. Aujourd'hui, l'État Québécois est plus efficace, moins coûteux et moins bureaucratisé. Après deux ans de travail, les effets de la modernisation se font sentir et donnent des résultats concrets.
Grâce à des investissements ciblés et à une discipline budgétaire rigoureuse, nous avons aussi pu obtenir des résultats concrets dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures, de l’énergie et du développement durable, de l’emploi, de la compétitivité fiscale et du renouvellement du rôle et des méthodes de l’État. Toutefois, il n’y a aucune raison pour que le Québec – ou toute autre province, d’ailleurs – reste inactif et évite d’affronter les défis de notre fédération.
Plutôt que de se perdre en conjectures sur les intentions du Québec et de refuser de voir les accomplissements les plus récents du gouvernement, les partisans de la maxime « diviser pour régner » devraient saluer le courage de l’actuel gouvernement, son leadership au sein du Conseil de la fédération et sa détermination à corriger le déséquilibre fiscal, un problème qui affaiblit dans ses fondations mêmes notre fédération et les liens qui assurent l’unité du pays.
J’estime que nous n’avons jamais été aussi près du but. Pour la première fois de notre histoire, le gouvernement fédéral non seulement reconnaît l’existence du déséquilibre fiscal, mais il va même jusqu’à s’imposer un échéancier pour le régler. Enfin, dans son plus récent budget, le gouvernement du Canada s’est engagé à rétablir l’équilibre fiscal d’ici un an. Les provinces, quant à elles, poursuivent un plan de match réfléchi et dont les grandes lignes ont été tracées il y a maintenant plusieurs mois.
En effet, le 11 avril dernier, les premiers ministres provinciaux et les leaders territoriaux, réunis à Montréal sous les auspices du Conseil de la fédération, ont reçu officiellement le rapport du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal intitulé Réconcilier l’irréconciliable : s’attaquer au déséquilibre fiscal au Canada.
Le 8 juin prochain, ils se rencontreront à nouveau, cette fois à Edmonton, pour prendre connaissance cette fois du rapport du Groupe d’experts sur la péréquation mis sur pied par le gouvernement fédéral à l’automne 2004 (le rapport O’Brian).
Du 24 au 26 juin prochain, aura lieu une rencontre de tous les ministres des finances, fédéral et provinciaux, sur la question. Du 25 au 28 juillet, se tiendra la rencontre statutaire annuelle du Conseil de la fédération, à St-John, à Terre-Neuve-et-Labrador, où la question du déséquilibre fiscal sera à nouveau à l’ordre du jour. Puis, à l’automne 2006, pourrait se tenir une conférence fédérale-provinciale-territoriale sur ce sujet, une première au pays, il va sans dire.
Nous cherchons une solution canadienne au problème du déséquilibre fiscal : pas seulement une solution québécoise. Nous croyons sincèrement qu’il est possible de parvenir à une solution qui soit acceptable et gagnante pour tous les partenaires fédératifs.
Des provinces comme l’Alberta et l’Ontario profitent largement du fédéralisme canadien et de ses bienfaits, c’est bien connu. Elles ont en contrepartie le devoir de nous aider à trouver une solution au problème du déséquilibre fiscal, puisque ce problème affecte la viabilité même du système fédéral canadien, comme je l’ai dit auparavant.
J’estime que, pour régler le déséquilibre fiscal, il faudra tous ensemble faire preuve de flexibilité et d’audace. Il faudra être créatif et éviter de s’enferrer dans des dogmes inutiles et contre-productifs. La solution qui sera éventuellement retenue devra nécessairement faire l’objet d’un large consensus fédéral-provincial-territorial. Elle devra aussi, je crois, être marquée au sceau de la flexibilité.
Comme vous pouvez le constater, il ne s’agit pas simplement d’équilibrer des colonnes de chiffres. Le règlement du déséquilibre fiscal passe par le respect des principes que sont l’autonomie, la pérennité et l’imputabilité.
En fait, il s’agit de s’assurer que :
− s’agissant de l’autonomie, chaque ordre de gouvernement ait des revenus suffisants pour assumer ses responsabilités constitutionnelles. Lorsque le gouvernement fédéral accapare une trop grande part des ressources fiscales, il limite l’autonomie décisionnelle des provinces dans leurs propres champs de compétence;
− s’agissant de la pérennité, chaque ordre de gouvernement puisse planifier à long terme ses besoins budgétaires. Lorsqu’un gouvernement fédéral se garde le droit de couper unilatéralement dans les transferts, il limite la capacité de planifier à long terme;
− s’agissant de l’imputabilité, chaque ordre de gouvernement soit imputable de ses décisions devant ses propres citoyens. Lorsque les deux ordres de gouvernements interviennent dans un même champ de compétence, les citoyens ne peuvent savoir quel gouvernement est responsable des gestes qui sont posés.
Tout cela ne peut être atteint que par de nouveaux arrangements financiers entre les deux ordres de gouvernement et un encadrement limitant le pouvoir fédéral de dépenser.
Le contexte dans lequel le Québec se trouve sur le plan intergouvernemental est une occasion unique pour lui de renforcer sa place au sein du Canada.
Le Québec continuera à démontrer son leadership et son sens des responsabilités dans la conduite de ses relations intergouvernementales en s’assurant continuellement dans ce dossier, comme dans tous les autres, de la protection des intérêts du Québec.
Merci de votre attention.