La version prononcée fait foi.
SALUTATIONS,
Messieurs les coprésidents,
Monsieur Turp,
Monsieur Monahan,
Chers amis,
En tant que juriste dont une partie appréciable de la carrière professionnelle a été consacrée à la question constitutionnelle, je suis ravi de constater qu’encore, en 2008, cette question suscite un intérêt aussi vif dans les milieux universitaires canadiens. Votre présence ici démontre avec éloquence que les enjeux de nature constitutionnelle demeurent une source de réflexion chez les universitaires du Québec et d’ailleurs au Canada. Elle fait montre également chez vous d’une volonté de contribuer, à votre manière, à l’édification de notre société, afin que nos institutions reflètent pleinement ce que nous sommes. Pour ces raisons, le Congrès canadien des affaires constitutionnelles est une initiative heureuse qui, en donnant à des participants de partout au pays l’occasion de discuter de divers points de vue sur l’évolution de notre Constitution, est susceptible de favoriser, à terme, l’émergence de nouveaux consensus sur certains enjeux qui animent la question constitutionnelle au Canada.
J’aimerais aujourd’hui aborder la question des relations intergouvernementales dans le contexte fédéral canadien. En particulier, je vous entretiendrai de deux éléments qui, à mon sens, interpellent le fédéralisme canadien au début de ce siècle : la place du Québec au sein des institutions fédérales et la limitation du pouvoir fédéral de dépenser.
Le dossier constitutionnel est, au Canada, d’une grande complexité. Je puis vous l’affirmer en toute connaissance de cause, puisque, pendant de nombreuses années, j’ai en tant qu’universitaire étudié de près la question de la modification de la Constitution canadienne.
À mon avis, le caractère complexe de cet enjeu crucial pour l’avenir du Canada est redevable au fait qu’après des décennies de pourparlers, la question de la place du Québec dans la fédération canadienne n’est toujours pas entièrement résolue. Plus de 25 ans après le rapatriement de la Constitution, l’Assemblée nationale et le gouvernement du Québec n’ont toujours pas adhéré à la Loi constitutionnelle de 1982. D’ailleurs, il importe de rappeler que des trois partis représentés à notre Assemblée nationale, aucun ne propose que le Québec ratifie cette loi dans son état actuel.
Si aucun gouvernement n’a apposé la signature du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982 et si aucun parti politique québécois ne projette de le faire dans un proche avenir, c’est pour des raisons qui me paraissent encore pertinentes aujourd’hui. Aucune correction ni aucun ajustement n’ont en effet été apportés depuis l’adoption de cette loi en ce qui touche le Québec, sauf la modification constitutionnelle très limitée de 1997 relative à la déconfessionnalisation du système scolaire québécois. Un jour ou l’autre, il faudra s’attaquer à la réforme constitutionnelle afin que la Constitution reflète plus fidèlement la réalité canadienne, y compris la spécificité québécoise. Cette dernière constitue une source d’enrichissement pour l’ensemble du pays. Cela doit être affirmé et reconnu de façon solennelle.
Le dossier constitutionnel est cependant chargé politiquement. Tous se souviennent amèrement de 1982, 1990 ou 1992, puisque les cicatrices résultant de ces événements sont loin d’avoir disparu. Nous ne pouvons pas, en toute connaissance de cause, lancer le Québec dans une ronde constitutionnelle sans avoir de fortes chances de réussir. Le Québec et le Canada ne peuvent se permettre un autre échec dans ce dossier. Face à ce constat, nous devons conclure qu’une réforme constitutionnelle ne peut pas être envisagée par le Québec ni le Canada dans un proche avenir.
Cependant, nous devons constater qu’actuellement le Québec réussit à progresser dans la fédération par des gains et réalisations de nature non constitutionnelle. En effet, au cours des quatre dernières années, le gouvernement québécois s’est attaché à explorer des avenues non constitutionnelles pour faire avancer le Québec au sein du Canada et pour améliorer le fédéralisme canadien. Convaincu que le développement économique, social, culturel et politique du Québec dépend grandement de sa capacité de se projeter comme membre dynamique de la fédération canadienne, notre gouvernement a entrepris de faire du Québec un catalyseur de changement au sein du Canada en fondant son action sur trois principes fondamentaux, soit l’affirmation, l’autonomie et le leadership, tels que je les avais exprimés dans le cadre de mon rapport de 2001 :
Je suis fier de pouvoir affirmer que depuis 2003, cette approche a permis au Québec et à l’ensemble du Canada de réaliser des progrès.
Sur le plan institutionnel, je pense notamment à la création, en décembre 2003, du Conseil de la fédération, qui fêtera son cinquième anniversaire cette année, ainsi qu’à la conclusion, en septembre 2004, d’une entente sur le financement du système de santé dans laquelle le fédéralisme asymétrique a été reconnu comme principe de la fédération canadienne. Dans la pratique, le fédéralisme asymétrique consiste en la reconnaissance par le gouvernement fédéral de la diversité du Canada et de la nécessité qu’il élabore avec les provinces des solutions souples qui traduisent cette diversité. Loin de saper l’intégrité du cadre constitutionnel canadien, ce principe y concourt en rétablissant un sentiment d’équilibre et de souplesse bénéfique pour chaque province. C’est dans ce même esprit que l’entente Québec-Ottawa sur le programme québécois des congés parentaux – qui, soit dit en passant, connaît un succès retentissant depuis sa création, il y a deux ans – illustre la façon dont les gouvernements peuvent conclure des accords politiques et financiers qui permettent au Québec, mais également aux autres provinces d’élaborer des mesures correspondant au consensus politique établi dans des domaines qui relèvent de leurs compétences, qu’elles soient partagées ou exclusives.
Sur le plan des finances publiques, un certain nombre de percées ont été réalisées dans le dossier du déséquilibre fiscal, notamment à la suite des représentations des gouvernements provinciaux et territoriaux en ce sens. Comme tout le monde le sait, le Québec a contribué grandement à mettre ce dossier à l’avant-plan de l’actualité politique. Bien qu’il n’y ait jamais eu de consensus entre les provinces et les territoires sur les solutions devant être apportées à ce dossier fort complexe, il y avait néanmoins, sur le fond, consensus sur l'importance d’un règlement du déséquilibre fiscal au Canada. C’est ainsi que, lors du dernier budget fédéral déposé en mars 2007, le programme de péréquation a été amélioré de façon appréciable, ce qui a permis de régler en bonne partie le déséquilibre dit horizontal, soit celui entre les différentes régions du pays.
De plus, sur le plan international, notre gouvernement a conclu avec le gouvernement fédéral l'entente sur l'UNESCO. Cette entente permet au Québec de parler de sa propre voix et de jouer un rôle notable au sein de cette organisation, dont le mandat touche à plusieurs domaines qui, en vertu de la Constitution canadienne, relèvent des champs de compétence des provinces et qui, de surcroît, vont au coeur de la spécificité du Québec.
Vous conviendrez donc avec moi que l’approche paraconstitutionnelle que notre gouvernement a privilégiée ces dernières années a donné des fruits et qu’elle doit être maintenue. Cela ne doit toutefois pas nous empêcher de regarder plus loin et de réfléchir à des réformes plus ambitieuses, fussent-elles de nature constitutionnelle ou non. Jamais les Québécois ne devront renoncer à dire leur mot sur l’avenir du pays et sur la place qu’ils souhaitent occuper dans le Canada de demain.
À mon sens, le progrès sans doute le plus inattendu du fédéralisme canadien au cours dernières années a été la reconnaissance de la diversité profonde du Canada en général et de l’originalité québécoise en particulier. Je fais référence, bien entendu, à l’adoption par la Chambre des communes, en novembre 2006, d’une motion reconnaissant que les Québécois forment une nation au sein du Canada. Il s'agit là d'un geste d’ouverture important à l’endroit du Québec et porteur d’avenir pour le pays. Il consacre tout d’abord l’acceptation d’une réalité politique et sociale qui fait consensus depuis longtemps parmi les Québécois de toute origine et qui transcende les partis, les époques et les débats : le fait qu’ils possèdent les attributs et caractéristiques d’une nation.
Quatre fois centenaire, la nation québécoise se veut moderne, inclusive et rassembleuse. Fondée à l’origine sur la langue française, sur un peuplement de descendance française, la nation québécoise s’est enrichie progressivement – et s’enrichit toujours – de l’apport des Autochtones établis sur son territoire, d’une communauté anglophone dynamique ainsi que de nouveaux arrivants. Aujourd’hui, la nation québécoise évolue au rythme de la mondialisation et de l’ouverture sur le monde, accueille des gens de tous les horizons et leur lance une invitation franche et sincère à contribuer au développement du Québec autour d’un certain nombre de valeurs que nous avons tous en partage. Parmi ces valeurs communes, on trouve l’égalité entre les sexes, la démocratie, le respect des libertés individuelles, la prépondérance du français, ainsi que la séparation entre l’Église (ou, devrais-je plutôt dire, les religions) et l’État. C’est ainsi que les Québécois conçoivent leur nation et c’est ainsi qu’ils souhaitent la voir reconnue ailleurs au Canada et dans le monde.
Il ne fait donc aucun doute dans mon esprit que ce geste d’ouverture de la Chambre des communes est le premier résultat concret de nombreuses démarches menées, entre autres, par le gouvernement dont je fais partie, en vue de faire reconnaître la spécificité québécoise dans l’ensemble canadien. Par exemple, en 2003, c’est unanimement que, sous notre gouvernement, l’Assemblée nationale a réitéré le fait que le peuple québécois forme une nation. De plus, en novembre 2006, j’ai fait un plaidoyer soutenu au Parlement québécois en faveur de la reconnaissance, dans l’ensemble canadien, de la nation québécoise.
Bien qu’on ne mesure pas encore toutes les conséquences de ce geste fondamental pour l’avenir de notre fédération, la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes marque néanmoins un changement de philosophie dans l’appréhension de la diversité canadienne, puisqu’elle vient confirmer, en quelque sorte, la possibilité de concilier l’affirmation du caractère national distinct du Québec avec la poursuite du projet commun canadien. En effet, s’il est important, pour une nation telle que le Québec, de se connaître, de savoir d’où elle vient et de se projeter dans l’avenir, il est tout aussi important que sa spécificité soit admise par la majorité. Toute nation, quelle qu’elle soit, n’existe pas seulement en elle-même; elle existe également dans le regard de l’autre. Il s’agit en outre du premier pas et d’une étape combien nécessaire vers l’établissement – ou le rétablissement – d’un cadre de gouvernance permettant des rapports plus harmonieux et assurant la pérennité du Canada.
Minoritaires dans l’ensemble canadien, les Québécois accordent beaucoup d’importance à la Constitution. Ils savent, peut-être plus par instinct que grâce à de savants calculs, qu’elle est susceptible, dans sa nature même, de leur accorder une certaine forme de protection et de leur donner les moyens de faire contrepoids un tant soit peu aux voeux de la majorité quant à l’évolution du système fédéral canadien.
La constitution d’un pays, quel qu’il soit, est un contrat entre les parties constituantes, que dis-je, entre les citoyens eux-mêmes. Chacun doit y trouver suffisamment de raisons pour y adhérer volontairement. Chacun doit s’y reconnaître. Dans d’autres pays, comme les États-Unis d’Amérique, la Constitution est un acte sacré qui fait l’objet d’une grande vénération. Au Canada, il s’agit plutôt d’une oeuvre inachevée, pour les motifs que l’on connaît.
La quête de reconnaissance de la spécificité du Québec dans notre loi fondamentale n’est pas un caprice. J’irais même jusqu’à qualifier cette reconnaissance de nécessaire, car la Constitution est un miroir et qu’il est primordial que, dans ce miroir, le Québec se reconnaisse pleinement, à défaut de quoi l’architecture institutionnelle du Canada demeurera incomplète et fragile.
Parallèlement à la reconnaissance de la spécificité québécoise, le Canada est convié à un vaste chantier, soit la consolidation de l’équilibre entre les ordres de gouvernement.
À ce sujet, je voudrais aborder deux dossiers de l’heure qui posent de grands défis quant à l’atteinte et au maintien de l’équilibre entre Ottawa et les provinces. Il s’agit, premièrement, de la réforme du Sénat qui soulève la question de la représentation des provinces dans les institutions centrales et, deuxièmement, de l’éternelle question du pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de compétence des provinces.
S’agissant du Sénat, il convient de rappeler d’entrée de jeu que la Chambre haute n'est pas, dans son essence, une institution fédérale au sens strict. C'est une institution fédérale-provinciale, puisqu’elle était au coeur même du compromis qui est intervenu en 1867 et qui a présidé à la fondation du Canada. Je dis compromis, car, si le Québec – à l'époque, le Bas-Canada – a adhéré à la fédération canadienne, c’est notamment en raison de la création du Sénat et des garanties qu'il obtenait en ce qui concerne sa présence et son rôle au sein de cette Chambre. De plus, si le Québec estime que le Sénat est une institution « nationale » plutôt que strictement « fédérale », c’est en raison du fait que la Cour suprême du Canada a reconnu, dans un jugement rendu en 1980 dans l’affaire du Renvoi sur la Chambre haute, que le gouvernement ou le Parlement du Canada ne peuvent seuls modifier le Sénat dans ses conditions essentielles. C’est également pour ces raisons que le Québec, à l’instar d’une majorité de provinces, estime que tout projet de réforme du Sénat qui toucherait à ses caractéristiques essentielles ne pourrait être fait qu'en vertu d'un processus de modification constitutionnelle dont les provinces seraient partie. Cela vaut également, a fortiori, pour l’abolition pure et simple du Sénat. Issue d’un compromis historique qui tenait compte des intérêts et des aspirations des partenaires fédératifs de l’époque, la Chambre haute ne peut être modifiée ou abolie qu’en prenant en considération, aujourd’hui, ces mêmes intérêts et aspirations.
Or, à mon avis, les projets de loi qui ont été déposés jusqu'à présent par le gouvernement fédéral en ce qui concerne la réforme du Sénat, lorsqu'on les additionne, aboutissent à une réforme suffisamment substantielle pour entraîner l'application de la procédure complexe (ou multilatérale) de modification constitutionnelle. En d'autres termes, ce que le gouvernement du Canada a l'intention de faire, il ne peut pas le faire seul, puisque, ce faisant, il touche aux conditions et aux caractéristiques essentielles de cette institution. C’est ce qui a amené l’Assemblée nationale à adopter unanimement, le 7 novembre dernier, une motion réaffirmant que toute modification au Sénat canadien ne peut se faire sans le consentement du Québec et de l’Assemblée nationale.
Permettez-moi maintenant d’aborder brièvement la question du pouvoir fédéral de dépenser. Rappelons à ce propos que le gouvernement fédéral, lors du dernier discours du trône, s’est engagé à déposer un projet de loi visant à mieux encadrer l’exercice du pouvoir fédéral de dépenser. Plusieurs l’ont déjà fait remarquer, si cette question peut paraître technique pour certains, elle demeure au coeur des problèmes fondamentaux du fédéralisme canadien. Ce n’est pas pour rien si, dans le passé, elle fut abordée à presque toutes les rondes de négociation constitutionnelle qui se sont tenues depuis que le concept du pouvoir fédéral de dépenser a fait son apparition dans notre système politique.
Historiquement, le gouvernement du Québec, quel que soit le parti politique au pouvoir, n’a jamais reconnu au gouvernement fédéral la capacité d’effectuer des dépenses sans égard au partage des compétences et a continuellement cherché à convenir des règles devant régir ce domaine, mais en vain jusqu’ici. En effet, nous croyons que l’idée d’un pouvoir fédéral de dépenser non limité par le partage des compétences est incompatible avec la Constitution, le principe du fédéralisme, la bonne conduite des relations intergouvernementales ainsi que les principes de responsabilité et de transparence.
Comme certains d’entre vous le savent peut-être, la question de l’existence et de l’étendue de ce pouvoir est actuellement devant la Cour suprême du Canada, dans le cadre d’un litige opposant des syndicats québécois au gouvernement fédéral au sujet de l’utilisation des surplus du compte de l’assurance-emploi. En première instance, le Procureur général du Canada avait prétendu que son pouvoir de dépenser n’était « nullement limité par le partage des compétences ». Le Procureur général du Québec est intervenu pour s’opposer à cet argument en faisant valoir qu’un tel pouvoir n’était pas inscrit dans la Constitution canadienne et qu’il n’avait jamais été entériné clairement ― c’est-à-dire sur la base d’un ratio decidendi ― par la jurisprudence. Le gouvernement fédéral ne peut, par le biais de dépenses, contourner le partage des pouvoirs et la procédure de modification constitutionnelle.
Pour le Québec, le fédéralisme canadien et le partage des compétences impliquent nécessairement qu’il existe des limites inhérentes au « pouvoir fédéral de dépenser » et que, s’il devait y avoir une éventuelle loi fédérale à ce sujet, celleci devrait respecter ces limites en prévoyant, notamment:
Ainsi, toute province devrait pouvoir soit adhérer à l’initiative fédérale, soit conserver son autonomie et recevoir une pleine compensation.
Il ne fait aucun doute que ce dossier requerra des négociations délicates avec le gouvernement canadien, mais je suis assuré que nous saurons parvenir à une solution mutuellement bénéfique pour toutes les parties intéressées.
Comprenez-moi bien cependant. Ce que recherche l’actuel gouvernement du Québec, c’est un encadrement complet et efficace du prétendu pouvoir fédéral de dépenser. Toutefois, un tel encadrement ne passe pas nécessairement par la voie constitutionnelle.
Avant de conclure, j’aimerais discuter d’un projet qui, s’il devait voir le jour, pourrait, selon moi, grandement contribuer à améliorer les rapports entre les deux ordres de gouvernement.
Au cours de la dernière campagne électorale fédérale, le programme du Parti conservateur du Canada avait suscité beaucoup d’intérêt au Québec, et ce, largement en raison du fédéralisme d’ouverture que ce parti promettait de pratiquer. On se souviendra plus particulièrement de la promesse que le chef conservateur, M. Stephen Harper, avait formulée à Québec en décembre 2005, soit d’adopter une charte du fédéralisme d’ouverture pour concrétiser son engagement envers une fédération plus efficace et mieux équilibrée. Deux ans plus tard, le gouvernement du Québec démontre toujours de l’intérêt pour une telle charte. Cependant, cette proposition, fort séduisante a priori, aurait avantage à être développée.
Pour ma part, j’entrevois deux grands objectifs d’une telle charte. D’une part, elle pourrait contribuer à redynamiser les relations intergouvernementales canadiennes en confirmant la centralité du principe fédéral au Canada et en insistant sur le respect de l’esprit fédératif et des compétences de chaque ordre de gouvernement. Par exemple, elle pourrait contenir un code de conduite applicable à chacun des partenaires, un peu à l’image des concepts de loyauté et de convivialité fédérale qui se trouvent dans la constitution de certains pays. Elle pourrait aussi contenir d’autres énoncés jugés fondamentaux par les Canadiens. Bref, avec la Charte canadienne des droits et libertés, elle pourrait traduire les principes et les valeurs qui sous-tendent le Canada moderne. D’autre part, une telle charte nous assurerait que les citoyens canadiens bénéficient des avantages du fédéralisme. Ainsi, le respect des principes énoncés dans la charte du fédéralisme favoriserait l’amélioration de la démocratie au Canada.
Loin de moi l’intention, en soumettant cette idée à votre réflexion, de plaider pour l’ouverture d’une ronde de négociations constitutionnelles à court terme. D’ailleurs, rien ne dit qu’une telle charte devrait nécessairement prendre la forme d’un document constitutionnel, à proprement parler. Dans un premier temps, elle pourrait fort bien n’être qu’un énoncé politique, quitte à ce qu’elle soit inscrite dans la Constitution le moment venu. L’enchâssement des droits de la personne dans notre constitution a d’ailleurs suivi un parcours similaire. En effet, bon nombre de nos droits et libertés existaient depuis fort longtemps dans la sphère politique et la jurisprudence, lorsque le gouvernement Diefenbaker a fait adopter, en 1960, la Déclaration canadienne des droits, laquelle a été à son tour une des sources d’inspiration de la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans la Constitution en 1982.
Cela dit, je suis persuadé qu’un projet aussi prometteur que l’élaboration d’une charte du fédéralisme pourrait rassembler les Québécois et les autres Canadiens autour de l’esprit fédéral et générer une dynamique nouvelle dans la conduite des affaires fédératives. À terme, il est possible de croire que l’adoption d’un tel document, même s’il n’était pas enchâssé dans la Constitution, puisse favoriser un plus grand équilibre entre les deux ordres du gouvernement, faisant ainsi du Canada un pays mieux outillé pour surmonter les nombreux défis auxquels il fait face.
Je vous remercie et vous souhaite un bon congrès.