La version prononcée fait foi.
(SALUTATIONS D’USAGE)
Chers délégués généraux, délégués, directeurs et chefs de poste,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec grand plaisir que je m’adresse à vous à l’occasion de cette réunion annuelle des délégués généraux, délégués et chefs de poste du réseau de représentation du gouvernement du Québec à travers le Canada et à l’étranger.
Vous jouez un rôle de premier plan dans les relations qu’entretient le Québec avec ses partenaires sur la scène canadienne et internationale. Vous maintenez et développez les relations du Québec avec les gouvernements situés sur vos territoires respectifs, vous y faites la promotion des intérêts du Québec, vous veillez à ce que l'information diffusée sur la société québécoise soit juste, réaliste, dynamique et factuelle et vous informez et conseillez les autorités du gouvernement sur les grands dossiers de l'actualité là où vous êtes affectés. Vous êtes à la fois les yeux et les oreilles du Québec à l’étranger et ailleurs au Canada. Vous portez son image. Vous incarnez sa diplomatie.
Bref, c’est pour moi un honneur que de me retrouver parmi vous aujourd’hui pour échanger sur les fondements, les valeurs et les principes de la politique intergouvernementale du Québec, sur les réalisations de notre gouvernement en ce domaine et sur les principaux défis que nous serons appelés à relever prochainement.
Auparavant, vous me permettrez sans doute de profiter de cette tribune pour souligner un événement marquant de la construction de l’État québécois. Il y a 50 ans, le 24 mars 1961, sous le gouvernement libéral de Jean Lesage, était sanctionnée la Loi instituant le ministère des Affaires fédérales-provinciales. Cette loi avait pour effet de créer, au sein de l’administration publique québécoise, un ministère chargé des relations entre le gouvernement du Québec, ses ministères et organismes, et les gouvernements ou organismes fédéraux et provinciaux.
La genèse des relations intergouvernementales et internationales du Québec ne remonte pas à un demi-siècle cependant. Au plan canadien, le Québec entretient depuis 1867 des relations soutenues dans les différents domaines de l’action publique avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. C’est d’ailleurs à l’instigation d’un premier ministre libéral, lui aussi, Honoré Mercier, que fut convoquée en 1887 la première conférence interprovinciale.
En 50 ans, 24 ministres, faisant partie de 11 gouvernements et de 3 formations politiques, se sont succédés à la tête de ce qui est aujourd’hui le SAIC. Au-delà des divergences partisanes, tous ont fait preuve de la même constance et de la même ténacité dans l’accomplissement de ce devoir qui incombe au gouvernement du seul État majoritairement francophone en Amérique du Nord : la défense et la promotion de ses intérêts, le respect de sa compétence constitutionnelle et de ses institutions.
Convaincu que le développement économique, social, culturel et politique du Québec dépend grandement de sa capacité de se projeter comme membre dynamique de la fédération canadienne, notre gouvernement a entrepris de faire du Québec un leader en fondant son action sur trois axes fondamentaux :
Dans cette optique, je tiens à le réaffirmer : notre politique intergouvernementale est motivée par la double volonté de faire avancer le Québec au sein du Canada et d’améliorer le fédéralisme canadien. D’ailleurs, lors du discours inaugural du 23 février dernier, le premier ministre rappelait que « les Québécois sont les coauteurs de ce pays, et que le Canada est à son meilleur lorsque le Québec influence sa marche ».
Notre politique intergouvernementale est donc également animée par le fédéralisme, ce mode de gouvernance de portée universelle dont la popularité ne se dément pas.
Je vous rappelle qu’à l’heure actuelle, les pays constitués en fédérations représentent plus de 40 % de la population mondiale, plusieurs d’entre eux figurant parmi les pays les plus prospères au monde : l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, l’Australie, l’Argentine et le Brésil.
Plus que des institutions ou un partage de compétences, le fédéralisme est également une philosophie reposant sur les principes fondamentaux :
1. du respect des compétences, des différences et des choix des partenaires fédératifs, notamment en les traitant de manière équitable;
2. de la flexibilité et de l’asymétrie;
3. de la règle du droit;
4. de l’équilibre et de l’équité, notamment aux plans fiscal et politique et sur la coopération.
En d’autres termes, une fédération est un système dynamique où les partenaires doivent chercher à atteindre et maintenir un équilibre entre l’exercice de leurs pouvoirs constitutionnels respectifs, la promotion de leurs intérêts particuliers, l’accomplissement des aspirations des populations et le désir de coopérer entre eux.
Dans ce contexte, il est tout à fait possible qu’émergent des différends entre les acteurs, mais cela est loin d'infirmer la pertinence du modèle fédéral. Les divergences sont alors des opportunités, par des discussions franches et des négociations constructives, d’appliquer les concepts du fédéralisme et d’en repousser les limites. J’en veux pour preuve le fédéralisme asymétrique négocié par le Premier ministre dans le cadre des négociations sur la Santé conclues en septembre 2004 sur lesquelles je reviendrai tantôt.
Notre gouvernement défend avec acharnement les intérêts du Québec. Son bilan en matière intergouvernementale est remarquable. Préconisant la voie de l’ouverture et du dialogue, et conscient de l’importance de la ténacité et de la cohérence dans les rapports intergouvernementaux, notre feuille de route, depuis 2003, est éloquente.
1. Au plan fiscal, le Québec a bénéficié d’une hausse substantielle des transferts fédéraux, passant, sur une base annuelle, de 8,9 G$ en 2002-2003 à 15 G$ en 2011-2012. Cela représente une augmentation de 68 % en neuf ans. Globalement, cette hausse des transferts fédéraux a permis de corriger partiellement le déséquilibre fiscal horizontal, notamment au chapitre de la péréquation.
2. Dans le dossier de la procréation assistée, nous avons également défendu, avec succès, les compétences du Québec. En 2004, le Québec a entrepris un renvoi à la Cour d’appel du Québec pour contester la constitutionnalité du volet règlementaire et du mécanisme d’équivalence de la Loi fédérale sur la procréation assistée, estimant que ces questions relèvent de la compétence des provinces. La Cour suprême du Canada a rendu une décision, le 22 décembre 2010, confirmant l’invalidité constitutionnelle de certaines dispositions touchant la réglementation des activités cliniques et de recherche liées à la procréation assistée.
Le gouvernement du Québec a toujours exprimé son opposition à cette loi. Il a obtenu de la Cour suprême du Canada qu’elle réaffirme l’importance du respect des principes du fédéralisme et du partage des compétences constitutionnelles.
3. Sur la scène internationale, notre gouvernement a toujours défendu le principe que les provinces exercent le prolongement des compétences dont elles sont responsables en vertu de la Constitution. C’est la doctrine Gérin-Lajoie : « Ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout ». C’est sur cette base, que le Québec a négocié et obtenu du gouvernement fédéral l’obtention d’une représentation permanente au sein de l’UNESCO en signant, le 5 mai 2006, l’Accord Canada – Québec relatif à l’UNESCO.
Vous le savez, le Québec occupe une place particulière au sein de l’Amérique française, du fait de son poids démographique et de la concentration territoriale de sa population francophone. Cependant, cette situation ne le soustrait pas au devoir de vigilance et d’efforts constants pour assurer la pérennité du fait français chez lui et à travers toutes les Amériques.
Comme le rappelait, justement, le Premier ministre : « Notre langue c’est notre identité, c’est notre force. Notre langue, c’est un instrument de liberté ». Nous nous devons de la protéger.
Le Québec, en tant que seul État francophone en Amérique du Nord, a été fort actif pour contribuer au rayonnement et à la pérennité de la langue française. Le gouvernement a lancé, en novembre 2006, la Politique du Québec en matière de francophonie canadienne, laquelle donne toute la mesure du défi que le Québec entend relever afin de jouer un rôle déterminant au sein de la francophonie canadienne. La Politique consacre également la reconnaissance du fait que les communautés francophones et acadiennes, mais aussi les immigrants francophones et les francophiles, sont des interlocuteurs et des acteurs importants pour la défense et la promotion du fait français partout au pays.
Cette Politique exprime clairement notre vision soit l’importance de renforcer les liens entre les communautés francophones au Canada et le rôle que le Québec doit jouer en étant un partenaire rassembleur des communautés francophones et acadiennes dans le respect de leur diversité. Le Québec assume le rôle qui lui échoit, assure la pérennité du fait français et participe à la protection de la langue française sur son territoire.
Plusieurs outils ont été mis à profit pour assurer l’atteinte des objectifs de la Politique, notamment : le Comité interministériel sur la francophonie canadienne, les Bureaux du Québec au Canada, la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne où le Québec joue un rôle très actif depuis 2003, les programmes de soutien financier en matière de francophonie canadienne, dont l’enveloppe budgétaire est de plus de 2,3 M$, et bien sur la mise sur pied du Centre de la francophonie des Amériques.
4. Dans les dossiers de nature territoriale, le gouvernement s’est également illustré. Les activités d’exploration pétrolière et gazière dans le golfe du Saint‑Laurent ont mené, à la fin des années 90, à la découverte de la mégastructure géologique « Old Harry », située à environ 80 km au nord-est des Îles-de-la-Madeleine. Or, la mise en valeur des hydrocarbures dans la partie québécoise du golfe du Saint-Laurent a été freinée pendant plus de dix ans par un différend entre le Québec et Ottawa sur le statut de ce territoire marin. Le 24 mars dernier, notre gouvernement a conclu un accord historique avec le gouvernement fédéral sur cette question. L’Accord Canada-Québec sur la gestion conjointe des hydrocarbures dans le golfe Saint-Laurent prévoit une gestion paritaire des activités analogues aux ententes conclues par la N.-É. et T.‑N.‑L. dans les années 80, mais il permettra au Québec de percevoir 100% des redevances liées à l’exploitation des ressources naturelles dans le Golfe. Cet Accord illustre avec éloquence le succès des relations intergouvernementales basées sur les négociations et le dialogue, le respect et la ténacité, plutôt que sur la confrontation stérile et l’attitude revancharde.
Ces progrès ne s’accomplissent pas en quelques mois; ils sont le fruit d’un travail constant qui s’échelonne sur plusieurs années. C’est dans cette perspective et avec la même philosophie que nous poursuivrons nos efforts soutenus pour défendre les intérêts du Québec au sein de la fédération canadienne. Nous l’affirmons, conscients des défis qui nous attendent.
1. Au plan fiscal, nous serons appelés à travailler sur l’harmonisation de la TVQ et de la TPS. Dans ce dossier, le Québec demande au gouvernement fédéral d’être traité avec justice et équité et de lui verser une compensation comparable à celle offerte à l’Ontario et à la Colombie-Britannique pour l’harmonisation de leur taxe de vente à la TPS.
Les demandes du Québec sont claires, elles ont été exprimées à de nombreuses reprises et reposent sur la prémisse voulant que les provinces soient traitées équitablement. Elles ont d’ailleurs été précisées par le ministre des Finances, mon collègue Raymond Bachand, lors du dernier discours sur le budget. Les provisions annoncées hier par le ministre fédéral des Finances, monsieur Flaherty, nous encouragent quant au dénouement de ce dossier.
2. Le Québec s’est toujours opposé à la volonté fédérale de créer un organisme unique de réglementation en matière de valeurs mobilières puisqu’il estime qu’elle relève de la compétence exclusive des provinces. À ce titre, nous avons initié un renvoi devant la Cour d'appel du Québec pour contester la constitutionnalité du projet de loi fédéral. L’effet d’entraînement de la démarche québécoise s’est poursuivi lorsque d’autres provinces sont intervenues afin de contester la constitutionnalité du projet fédéral dans le renvoi qu’a initié le gouvernement fédéral en Cour suprême.
La Cour d’appel du Québec et celle de l’Alberta ont décidé que le secteur des valeurs mobilières est de compétence provinciale confirmant en cela la position défendue par le Québec. Nous sommes en attente du jugement de la Cour suprême sur cette question.
3. Au plan international, le Québec a obtenu la possibilité de participer directement à titre de membre à part entière de la délégation canadienne aux négociations de libre-échange qui sont en cours entre le Canada et l’Union européenne. Pour l’avenir, le gouvernement du Québec demeure intéressé par la conclusion d’une entente formelle avec le gouvernement fédéral qui assurerait une participation du Québec à davantage de négociations de nature internationale.
4. La question des transferts, que ce soit la péréquation ou ceux en matière de santé et de programmes sociaux, sera également un enjeu majeur au cours des prochaines années puisque ces programmes viennent à échéance en 2014. Conclue en septembre 2004, l’Entente sur la santé représentait davantage qu’un gain de nature financière pour le Québec. En effet, comme je l’exprimais plus tôt, c’est à cette occasion que le fédéralisme asymétrique a été reconnu formellement comme principe de la fédération canadienne. Le fédéralisme asymétrique consiste en la reconnaissance par le gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux et territoriaux, de la diversité du Canada et de la nécessité d’élaborer avec les provinces et les territoires des solutions souples qui traduisent cette diversité. Là encore, forts des engagements du Parti conservateur lors de la dernière campagne électorale fédérale, notre volonté est de nous assurer que les gains obtenus en 2004 soient maintenus et que la portée du concept d’asymétrie soit davantage élargie.
Au cours des vingt dernières années, l’image du Québec au Canada et ailleurs dans le monde a été portée, à la fois, par son gouvernement et par un parti souverainiste qui, pour l’essentiel, formait à divers degrés l’opposition à la Chambre des communes. L’élection fédérale du 2 mai dernier a complètement transformé le contexte géopolitique canadien. L’arrivée du Nouveau parti démocratique (NPD) à l’opposition officielle et la quasi-disparition du Bloc québécois à titre de parti reconnu à la Chambre des communes ouvrent la porte à notre gouvernement pour changer la perception qu’ont du Québec nos partenaires de la fédération canadienne notamment en déployant un discours plus positif envers le fédéralisme. Nous devons moduler cette perception tout en continuant la défense des intérêts du Québec. De plus, le contexte géopolitique sera amené à se modifier davantage dans les prochains mois, car dans 5 provinces et 2 territoires se tiendront des élections d’ici l’automne. Ajoutons un nouveau premier ministre en Alberta et un nouveau gouvernement en Colombie-Britannique. L’alignement des principaux acteurs politiques au niveau fédéral pourrait permettre d’escompter une relance de la discussion sur certains éléments essentiels au fonctionnement du fédéralisme et pourrait avoir un résultat positif, et ce, à l’avantage du Québec et de tous les partenaires de la fédération canadienne.
Nous devrons, pour y parvenir, maintenir une approche coordonnée et cohérente dans nos relations avec le gouvernement fédéral. Nous nous devons de faire le constat suivant : le 2 mai dernier, les Québécois ont choisi des partis fédéralistes pour les représenter à Ottawa, démontrant ainsi leur désir de participer au fonctionnement de la fédération canadienne. Le gouvernement du Québec est au premier plan dans la défense des intérêts du Québec. Nous nous y emploieront comme nous l’avons fait depuis 2003 tout en rappelant à nos partenaires de la fédération que les demandes du Québec n’ont pas pour seul objet de revendiquer plus, uniquement pour le Québec, mais qu’elles visent aussi à faire progresser le Canada.
Comme vous pouvez le constater, les défis ne manquent pas et nous avons encore beaucoup à faire.
Fier de la spécificité du Québec en tant que Nation, notre gouvernement restera vigilant et continuera de défendre ses intérêts, sa compétence constitutionnelle et ses institutions, à l’instar des autres gouvernements qui l’ont précédé depuis près de 150 ans.
Il continuera également à construire, avec ses partenaires, une fédération canadienne respectueuse de la spécificité du Québec, de son identité et des principes universels devant animer un État fédéral.