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Place du Québec à la Cour suprême du Canada

Au moment de la Confédération, la Cour suprême du Canada n'existait pas. Toutefois, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoyait la possibilité pour le parlement fédéral de « créer, maintenir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada ». C'est en 1875 que la Cour a finalement été créée par l'adoption d'une loi l'instituant.

À l'époque de sa création, la Cour suprême n'était pas le tribunal de dernier ressort au Canada; il était possible d'en appeler de ses décisions auprès du Comité judiciaire du Conseil privé, à Londres. Les appels au Comité judiciaire du Conseil privé ont toutefois été graduellement abolis au fil des ans, jusqu'à leur abolition complète en 1949. Depuis ce temps, la Cour suprême est véritablement le tribunal de dernière instance en matières civile, criminelle et constitutionnelle.

Composition de la Cour suprême et nomination des juges

La Loi sur la Cour suprême prévoit les aspects fondamentaux de la Cour, dont sa composition et le mode de nomination de ses juges. En ce qui concerne sa composition, plusieurs discussions ont eu lieu sur l'opportunité d'assurer une représentation du Québec au sein de la Cour suprême, en raison notamment de son système juridique civiliste, ce qui a conduit, dès 1875, à l'ajout d'une protection particulière pour répondre aux préoccupations du Québec.

Cette protection a toujours été maintenue au fil des refontes de la Loi. Actuellement, la Cour suprême est composée de neuf juges, dont trois doivent provenir du Québec, c'est-à-dire être un juge de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure du Québec ou être un avocat inscrit au Barreau du Québec pendant au moins dix ans au moment de sa nomination (Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), c. S-26, art. 4(1), 5 et 6).

Le fait que trois des neuf postes de juges soient « réservés au Québec » constitue une garantie constitutionnelle qui ne peut être modifiée sans le consentement du Québec. Cette protection vise à « garantir que la Cour possède une expertise en droit civil, que les traditions juridiques et les valeurs sociales du Québec y soient représentées et à préserver la confiance du Québec envers la Cour » (Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême, art. 5 et 6, [2014] 1 R.C.S. 433, par. 18).

En ce qui concerne la nomination des juges de la Cour suprême, ce pouvoir a été attribué au gouverneur en conseil (Loi sur la Cour suprême, art. 4(2)). Concrètement, cela signifie que, juridiquement, c'est le gouvernement fédéral seul qui exerce ce pouvoir discrétionnaire. Malgré ce que pourrait exiger le principe du fédéralisme, il n'existe à l'heure actuelle aucune exigence constitutionnelle de consulter les provinces dans le cadre du processus de nomination des juges de la Cour suprême, et ce, bien que la Cour soit l'ultime arbitre des litiges relatifs au partage des compétences législatives entre les deux ordres de gouvernement au Canada.

Le Québec a revendiqué de façon constante des changements au processus de nomination des juges de cette Cour. Il a fait valoir qu'il devrait posséder le droit constitutionnel de participer au processus de nomination pour pourvoir les trois postes de juges réservés au Québec à la Cour suprême et de consentir à leur nomination. Cette revendication a été rappelée expressément dans une résolution adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec, le 29 octobre 2013.

Renvoi relatif à la Loi sur la Cour suprême

Contexte

À la suite de la contestation de la légalité de la nomination d'un juge de la Cour d'appel fédérale pour pourvoir un poste de juge réservé au Québec à la Cour suprême du Canada, le gouvernement fédéral a demandé à la Cour suprême, dans un renvoi formé le 22 octobre 2013, de se prononcer sur deux questions en lien avec la nomination contestée.

La première question consistait à savoir si le premier ministre fédéral pouvait nommer un ancien avocat, autrefois membre du Barreau du Québec, à un poste de juge de la Cour suprême du Canada réservé au Québec.

La deuxième question portait sur la possibilité, pour le parlement fédéral, de légiférer relativement aux conditions de nomination des juges de la Cour suprême, prévues dans la Loi sur la Cour suprême, soit pour modifier ces conditions ou soit pour adopter des dispositions déclaratoires quant à leur interprétation. Cette deuxième question faisait expressément référence aux dispositions déclaratoires visant les articles 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême, déposées à la même date, soit le 22 octobre 2013, devant le parlement fédéral dans un projet de loi omnibus portant sur l'exécution du budget. L'article 5 fixe les conditions générales de nomination à la Cour suprême, mais l'article 6 prévoit des conditions spécifiques pour les trois postes de juges réservés au Québec.

Les dispositions déclaratoires prévoyaient qu'il était entendu que les juges pouvaient être choisis parmi les personnes qui avaient autrefois été inscrites comme avocates ou avocats au barreau d'une province (au Barreau du Québec, dans le cas de l'article 6). Cela impliquait qu'une ou un juge de la Cour d'appel fédérale qui avait déjà été inscrit au Barreau du Québec pouvait répondre aux conditions de nomination à l'un des postes de juges réservés au Québec.

La Cour suprême avait donc à se prononcer sur deux aspects distincts, soit l'interprétation des conditions de nomination en vigueur et la compétence constitutionnelle pour modifier ces conditions. Plusieurs intervenants ont participé à ce renvoi, dont les procureurs généraux du Québec et de l'Ontario.

Avis rendu

Le 21 mars 2014, la Cour a rendu son avis : une majorité de six juges (sur les sept ayant entendu la cause) a conclu que la nomination du candidat proposé était nulle depuis le début, car ce dernier ne remplissait pas les conditions de nomination établies par l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême, soit d'être un juge de la Cour supérieure du Québec ou de la Cour d'appel du Québec, ou d'être membre du Barreau du Québec au moment de la nomination. Elle en est venue à la conclusion que cette interprétation reflétait la volonté des parlementaires dès la création de la Cour suprême, en 1875, soit de prévoir un régime particulier pour le Québec en raison de sa tradition civiliste, de ses valeurs sociales distinctes, et ce, dans le but de favoriser la légitimité de la Cour auprès des Québécoises et Québécois.

Quant à la deuxième question, la Cour a conclu à l'unanimité que la représentation du Québec à la Cour suprême était protégée par l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982 et qu'une modification de celle-ci requiert le consentement unanime du parlement fédéral et de l'assemblée législative de chaque province, le Québec pouvant donc s'y opposer. La majorité des juges a par ailleurs conclu que « toute modification importante portant sur les conditions de nomination » nécessitait le recours à la procédure de l'unanimité (art. 41 de la Loi constitutionnelle de 1982) et que « les autres caractéristiques essentielles de la Cour » ne pouvaient être modifiées que par le recours à la procédure dite du « 7/50 » (art. 42 de cette même loi). Ainsi, la modification unilatérale de l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême, déposée devant le parlement fédéral et finalement adoptée le 12 décembre 2013, a été jugée inconstitutionnelle.

Protocole d'entente concernant le processus de nomination des juges du Québec à la Cour suprême

Enfin, soulignons que le 22 mai 2019, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral ont conclu une entente administrative historique relative au processus de nomination des trois postes de juges de la Cour suprême réservés pour le Québec. Cette dernière prévoit la création d'un comité consultatif indépendant pour le Québec et une participation concrète du gouvernement du Québec au processus menant à la recommandation d'une candidate ou d'un candidat par le premier ministre fédéral.

L'entente, qui a été mise en place dans le contexte du départ à la retraite du juge Clément Gascon, a mené à la nomination du juge Nicholas Kasirer. Elle s'appliquera aux prochaines nominations de juges du Québec à la Cour suprême, à moins que les deux gouvernements conviennent d'un autre processus. L'entente souligne la volonté des parties de poursuivre les discussions quant au rôle que le gouvernement du Québec devrait être appelé à jouer dans le processus de nomination des trois juges du Québec à la Cour suprême.